Intervention de Michèle Bellon

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 21 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Michèle Bellon président du directoire d'électricité réseau distribution france erdf

Michèle Bellon, président du directoire d'Électricité Réseau Distribution France (ERDF) :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur le service public de la distribution de l'électricité.

Avant d'aborder le coeur du sujet et de répondre précisément aux questions qui m'ont été posées, je vous propose de situer le distributeur au sein du système électrique.

Créée en 2008 lors de la filialisation des activités de distribution d'EDF, ERDF est une entreprise de service public chargée de la distribution publique d'électricité sur 95 % du territoire français.

Je dirai quelques mots pour caractériser ERDF : 1,3 million de kilomètres de réseau gérés, de basse et moyenne tension, ce qui en fait le plus grand réseau d'Europe ; 35 millions de clients desservis ; 11 millions d'interventions techniques réalisées chaque année ; plus de 1 000 implantations d'ERDF sur l'ensemble du territoire ; enfin, 35 000 salariés.

Dans le contexte français, avec un prix de l'électricité particulièrement attractif et identique sur tout le territoire national, il convient de juger de la qualité de la fourniture perçue par nos citoyens non pas sur le seul temps de coupure, le critère B, sur lequel je reviendrai, mais sur la qualité globale du service public.

Lorsque j'ai pris la responsabilité d'ERDF, voilà tout juste deux ans, ma feuille de route était claire : restaurer la qualité du service public, renouer le dialogue social, rétablir la rentabilité de l'entreprise.

En effet, 2009 avait été une année noire : une crise sociale majeure, un taux de satisfaction des clients en chute libre, des concédants critiques, des résultats négatifs. Aller sur le terrain à la rencontre des élus, des clients, des salariés, des organisations syndicales, des managers a été ma première priorité.

J'ai constaté que les procédures retenues à l'occasion de l'ouverture totale des marchés, en juillet 2007, par l'ensemble des parties prenantes, avaient désorganisé et « désoptimisé » la relation entre le distributeur et ses 35 millions de clients. La notion même de « client » s'était effacée au profit de celle de « point de livraison », ou PDL. Cela s'est traduit par une « désoptimisation » de l'ensemble des interventions, entraînant ainsi une totale incompréhension et un très fort mécontentement chez nos concitoyens comme chez les élus locaux.

Ces évolutions, accompagnées d'une compression des effectifs, ont conduit à une dégradation de la qualité de service public, à une sous-traitance non maîtrisée, y compris sur notre coeur de métier, à la fermeture de sites en zones rurales et à une démotivation profonde des salariés.

Nous avons un personnel dévoué, attaché au service public. Tous nos collaborateurs sont d'accord pour faire d'ERDF un distributeur de référence. Avec eux, j'ai donc lancé le projet industriel d'ERDF, centré tout d'abord sur le client, ensuite sur le renforcement et la modernisation du réseau, la proximité territoriale, avec une organisation adaptée aux attentes de nos concitoyens en matière de service public, enfin, sur un dialogue social permanent et de qualité.

En ce qui concerne les clients, la première étape a été de simplifier les procédures d'intervention ; quatorze mois de concertation ont été nécessaires pour obtenir le feu vert, mais c'est maintenant chose faite. Des agences de raccordement ont été créées, des interlocuteurs privilégiés ont été désignés pour l'ensemble des grands clients et pour les élus. Tous les chantiers sont engagés aujourd'hui pour « réhumaniser » et améliorer la relation avec l'ensemble des parties.

Nous devons être encore plus présents sur l'ensemble du territoire. Cela passe par davantage de dialogue avec l'ensemble des acteurs économiques, politiques et sociaux, davantage de présence, et par une application très en amont, dans les projets locaux d'aménagement du territoire, dans la préparation des schémas régionaux climat air énergie et des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables pour réussir l'insertion des énergies renouvelables, mais également dans les conférences départementales créées par la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, la loi NOME, sous l'égide des préfets, avec les autorités concédantes. Là aussi, le mouvement est engagé.

Concernant le réseau, il s'agit à la fois d'améliorer la qualité de fourniture, de le développer et de le moderniser pour intégrer les énergies nouvelles et les nouveaux usages : le véhicule électrique et demain le stockage.

ERDF est une entreprise innovante qui prépare l'avenir des réseaux de distribution, et pas seulement avec Linky. Les réseaux de distribution sont déjà dotés de systèmes technologiques évolués et bien plus smart, si vous me permettez cette expression, que la plupart des réseaux de distribution européens : agences de conduite régionales, réseaux auto-cicatrisants, les exemples ne manquent pas. Avec les nombreux démonstrateurs de réseaux intelligents qu'ERDF pilote en France, ou le projet européen Grid4EU, le distributeur français investit déjà pour les réseaux du futur.

J'en viens plus précisément aux deux premières questions de M. le rapporteur, qui concernent à la fois les investissements et le TURPE.

Je dirai d'abord quelques mots sur le TURPE.

Le TURPE, c'est le tarif d'acheminement, qui constitue l'essentiel des recettes du distributeur et du transporteur. Il représente en moyenne, respectivement 28 % et 11 % de la facture du client particulier, soit, pour ce qui nous concerne, 34,5 euros par mégawattheure.

Le TURPE est défini par la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, sur des périodes tarifaires de quatre ans - 2009-2013 pour le TURPE 3. Il est perçu par le distributeur, qui en fait plusieurs usages.

D'une part, il reverse sa quote-part au transporteur RTE, Réseau de transport d'électricité, pour environ 3 milliards d'euros, et finance l'achat des pertes pour 1,5 milliard d'euros. D'autre part, il finance ses investissements - 2,8 milliards d'euros en 2011 - et son exploitation - 4,9 milliards d'euros -, c'est-à-dire la maintenance, l'élagage, la conduite, les interventions, ainsi que les redevances et le Fonds d'amortissement des charges d'électricité, le FACÉ, qui sont versés aux autorités concédantes pour une somme de l'ordre de 700 millions d'euros.

Ce sont donc, au total, 7,7 milliards d'euros qui sont investis dans l'économie locale.

J'évoquerai maintenant les investissements.

Nous avons investi 2,3 milliards d'euros en 2009, 2,6 milliards d'euros en 2010 et 2,8 milliards d'euros en 2011, soit une croissance moyenne de 10 % par an. Cette croissance des investissements se poursuit au même rythme et atteindra 3 milliards d'euros en 2012. Ces montants correspondent à la trajectoire TURPE 3 définie pour la période tarifaire 2009-2013.

À ces investissements réalisés par ERDF, il faut bien évidemment ajouter les investissements opérés chaque année par les autorités concédantes, majoritairement en zones rurales, soit quelque 850 millions d'euros en 2011.

Les investissements d'ERDF sont classés en deux catégories que je détaillerai : les investissements indispensables à la poursuite de l'exploitation, d'une part, et les investissements qui concourent à la meilleure performance et la modernisation du réseau, d'autre part.

Pour la première catégorie, les investissements indispensables à la poursuite de l'exploitation, qui représentent environ les deux tiers des investissements, il s'agit essentiellement du développement du réseau, en particulier du raccordement des nouveaux clients et du raccordement des énergies renouvelables, mais également des déplacements d'ouvrages liés aux projets de voirie ou d'urbanisme, des grandes opérations d'aménagement comme la ligne à grande vitesse en Aquitaine, le Grand Paris, de tous les projets de transports en site propre, notamment les tramways, qui mobiliseront les moyens tant humains que financiers d'ERDF, enfin, du respect des obligations réglementaires en matière de sécurité et d'environnement.

En effet, le réseau de distribution d'électricité se développe, et, en 2011, ERDF a raccordé 450 000 nouveaux clients, soit près de 1,5 % de croissance, et mis en service 86 000 nouveaux sites de production d'énergie renouvelable. J'en profite pour signaler que, contrairement à certaines idées reçues, la quasi-totalité des installations de production d'énergie renouvelable est raccordée au réseau de distribution d'électricité.

À la fin de 2011, 95 % du parc éolien, pour un total de 6 063 mégawatts très exactement, et 99 % du parc photovoltaïque, pour un total de 2 321 mégawatts, sont raccordés au réseau de distribution. Sur la seule année 2011, plus de 2 200 mégawatts ont été raccordés sur le réseau géré par ERDF.

Pour ERDF, cet essor des énergies renouvelables implique d'importants investissements liés aux travaux de renforcement des réseaux, même si la loi NOME a mis fin à la réfaction sur le raccordement.

De surcroît, le distributeur finance les renforcements du réseau de transport, ce qu'on appelle la haute tension B, ou HTB, rendus nécessaires par l'insertion des énergies renouvelables sur les réseaux de distribution, et ce pour autant que ce soit techniquement et politiquement possible.

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