Intervention de Michèle Bellon

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 21 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Michèle Bellon président du directoire d'électricité réseau distribution france erdf

Michèle Bellon, président du directoire d'Électricité Réseau Distribution France (ERDF) :

Si vous le voulez bien, je commencerai par la fin : le réseau cicatrisant.

Lors de la dernière mission que nous avons effectuée aux États-Unis sur les smart grids - nous faisons beaucoup de benchmarking pour savoir ce que font les autres -, nous pensions que les Américains étaient très en avance. Or, c'est avec amusement que nous avons constaté qu'ils voulaient nous vendre un logiciel auto-cicatrisant - ils sont très bons en marketing -, alors que nous en utilisons déjà depuis trois ans dans l'entreprise.

En fait, sur notre réseau à moyenne tension, nous avons mis en place des automates permettant d'isoler les tronçons du réseau. Quand, par hasard - cela arrive pratiquement toutes les nuits - un véhicule percute un pylône ou qu'un incident quelconque oblige à couper l'électricité sur une partie du tronçon, il y a quelques années, il fallait envoyer une équipe pour interrompre l'électricité. Puis, petit à petit, nous avons installé des automates qui étaient commandés depuis nos agences de conduite.

L'étape suivante a consisté à mettre en place des logiciels qui simulent la totalité de nos réseaux et calculent automatiquement quel est le réseau, l'itinéraire bis le moins chargé qui permettra de délester les clients et de faire en sorte que les clients en aval du point d'interruption soient réalimentés le plus vite possible.

Le logiciel utilisé fonctionne extrêmement bien et permet de minimiser le temps de coupure en cas d'incident sur le réseau. C'est ce que l'on appelle les réseaux auto-cicatrisants, puisque le logiciel calcule, « mouline » très vite pour trouver le réseau le moins chargé et qui, après transfert, pourra supporter la charge supplémentaire.

Je vais maintenant répondre aux autres questions en remontant.

Le prix de 1 000 euros par véhicule électrique résulte des calculs qui ont été faits par nos techniciens avec l'ensemble des parties prenantes, les fabricants de véhicules électriques, les équipes interministérielles concernées par cette question.

L'hypothèse de départ est que, lorsqu'on possède un véhicule électrique, même si 80 % de la population fait moins de 40 kilomètres par jour, notamment en ville, il faut avoir une borne chez soi et une au travail ou sur la voie publique. C'est une moyenne ; il ne faut pas systématiquement deux bornes, mais c'est l'ordre de grandeur.

Les coûts ont été établis en examinant de très près les modes de vie et d'usages, et en estimant le prix du raccordement au réseau des bornes : nous en sommes arrivés à ce chiffre de 1 000 euros par véhicule.

Notre approche a été validée, « challengée » : c'est le coût de raccordement au réseau ; pour installer des bornes dans Paris, Nice ou ailleurs, il faut creuser des tranchées, casser le béton. Les travaux à faire engendrent des frais.

La différence entre investissement et maintenance est délicate, car il est vrai que ce sont deux notions un peu complexes.

La maintenance peut être par exemple l'élagage : lorsque vous coupez des arbres, que vous les taillez, vous n'effectuez aucun investissement ; pourtant, vous engagez des dépenses. Dans le poste de maintenance, qui pèse 4,9 milliards d'euros, il y a toutes les commandes de prestation, par exemple la relève. La relève est une prestation et non de la maintenance, mais elle figure dans ce fameux poste exploitation comprenant de la maintenance, de la conduite, des commandes de prestations. Ce sont des charges d'exploitation comme il en existe dans les collectivités locales.

Il faut ajouter à cette liste la masse salariale, pour 1,9 milliard d'euros, l'immobilier et les véhicules, toute la logistique, les camions nacelles, les petites voitures bleues. Tout cela fait partie des charges d'exploitation.

La liste est un peu longue. C'est pourquoi nous l'avons résumée à maintenance, conduite et élagage.

S'agissant des investissements de renforcement du réseau, nous avons déjà une idée de ce que cela nous a coûté depuis 2005 : 650 millions d'euros.

De quoi s'agit-il ?

Le producteur finance aujourd'hui la totalité du raccordement au réseau, alors que ce n'était pas le cas avant dans la mesure où nous prenions une quote-part à notre charge. Il a en effet fallu la loi NOME pour que le taux de réfaction soit supprimé.

Le réseau doit être renforcé parce qu'il est dimensionné avec des marges et des capacités d'accueil plus ou moins importantes. Or, au fur et à mesure que les installations sont raccordées, les capacités d'accueil arrivent à saturation et il faut créer un nouvel ouvrage, un poste de transformation ou un poste source.

Je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons créé quatre nouveaux postes sources en 2011 uniquement pour des grands champs de photovoltaïque et d'éolien, et nous nous apprêtons à en créer entre six et dix cette année. Un poste source, suivant sa conception, sa localisation, coûte entre 2 millions et 4 millions d'euros.

Pour créer un poste source, qui est, en plus, un poste de transformation entre le réseau de transport et notre réseau, il faut amener l'électricité très haute tension sur ce poste source, et donc les renforcements qui vont avec, ce qui correspond aux 40 millions d'euros en 2011 et aux 55 millions d'euros en 2012 que je vous ai cités tout à l'heure.

Nous n'avons pas de réseaux à dimensionnement infini. Comme un tuyau d'eau, qui a un débit limité, le réseau électrique peut être saturé. Dès lors, vous êtes obligé d'installer un tuyau à côté.

Pour les années à venir, tout dépendra du volume de raccordement.

On estime entre 550 millions et 1,4 milliard d'euros le coût du renforcement du réseau, et non du raccordement au réseau, suivant les hypothèses de développement du photovoltaïque. Alors que la PPI était, je le rappelle, de 5 700 mégawatts de photovoltaïque, nous sommes plutôt aujourd'hui sur une trajectoire de 8 000 mégawatts. Mais nous n'excluons pas un engouement ou des mesures qui permettraient d'atteindre les 12 000 mégawatts.

En tout cas, aujourd'hui, compte tenu du volume de raccordement existant et de ce que nous avons dans les tuyaux, c'est-à-dire de toutes les demandes déjà instruites ou en cours d'instruction - nous avons 1 400 mégawatts en portefeuille aujourd'hui, en plus des 2 300 mégawatts -, à la fin de l'année, nous nous attendons à 3 200 mégawatts. Donc, si nous continuons à un rythme de 900 à 1 000 mégawatts par an, les 8 000 mégawatts sont pour nous une valeur basse.

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