Intervention de Luc Oursel

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 21 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Luc Oursel président du directoire d'areva

Luc Oursel, président du directoire d'AREVA :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, je vous remercie de m'avoir invité dans le cadre de votre commission d'enquête et de me donner ainsi l'opportunité d'évoquer l'ensemble des sujets que vous venez d'évoquer.

Je le rappelle, notre champ de compétences est l'électricité nucléaire, ainsi qu'une partie des énergies renouvelables. Mes réponses ne pourront bien évidemment porter que sur les coûts de l'électricité, et non sur les prix.

En réponse à la première série de questions, je voudrais vous faire part du retour d'expérience d'AREVA sur l'EPR.

Selon le récent rapport de la Cour des comptes, qui est très important et très complet, le coût complet de production du mégawattheure d'EDF à Flamanville serait compris entre 70 et 90 euros. Mais il faut rappeler - cela permettra d'expliquer notre présentation à la Cour des comptes - que l'EPR en construction à Flamanville est une tête de série. Aucun réacteur nucléaire n'a été construit en France depuis maintenant bien plus de dix ans ; la filière est donc logiquement confrontée à des coûts liés à l'apprentissage, ou plutôt au réapprentissage. Il n'est pas anormal que les coûts et délais des premiers chantiers soient légèrement plus élevés que, d'une part, les estimations initiales et, d'autre part, des chantiers suivants. Nous avons déjà eu cette expérience en Finlande avec notre client TVO.

Grâce à une organisation spécifique qui fonctionne maintenant depuis 2007, nous tirons les enseignements des différents chantiers qui sont en fonctionnement, c'est-à-dire Olkiluoto 3 et Flamanville. Ce retour d'expérience a d'ores et déjà permis d'apporter des améliorations très concrètes sur les chantiers chinois de Taishan 1 et Taishan 2.

Je vais vous donner quelques exemples.

Le nombre d'heures d'ingénierie qu'il a fallu dépenser sur la chaudière nucléaire, qui est le coeur de la machine, a diminué de près de 60 % entre Olkiluoto et Taishan.

La durée de fabrication des gros composants, ceux que nous fabriquons en Bourgogne, a, elle aussi, été réduite : la baisse a été de 40 % pour les générateurs de vapeur entre Olkiluoto 3 et le premier réacteur de Taishan et de 25 % pour les cuves de réacteurs.

Quant aux délais d'approvisionnement, puisque de très nombreux composants sont achetés auprès de fournisseurs, notamment français, ils ont été réduits de 65 % pour Taishan.

Ainsi le chantier de Taishan respecte-t-il les prévisions de coûts et de délais. Sa durée de construction devrait être inférieure de 40 % à celle d'Olkiluoto.

Voilà quelle est pour nous la traduction concrète du retour d'expériences, de l'apprentissage de tous les chantiers d'EPR, et pas seulement du projet français. D'ailleurs, plus de la moitié des équipes d'AREVA affectées au projet Taishan avait déjà travaillé soit sur le projet finlandais, soit sur le chantier de Flamanville. Et cette proportion ne pourra aller qu'en augmentant avec les nouveaux projets.

Nous emmagasinons donc tout ce retour d'expérience, qui nous permet de prévoir des réductions de coûts et de délais pour l'EPR dans les prochaines années.

Nous participons à de nombreux appels d'offres, que ce soit en Europe ou ailleurs. Suivant les méthodes de calcul - on pourra revenir sur ce point -, les coûts de production d'un EPR en série seraient compris entre 50 et 60 euros par mégawattheure pour les appels concernant l'Europe de l'Ouest. J'insiste, ce coût est estimé pour l'Europe de l'Ouest, car il est important de raisonner sur une zone relativement homogène en termes de coûts de production et de main-d'oeuvre.

Progressivement, l'effet tête de série se résorbe. Grâce aux efforts permanents qu'effectuent désormais de façon conjointe EDF et AREVA, la durée de construction et les coûts se réduisent peu à peu.

L'estimation de 50 à 60 euros par mégawattheure repose sur un certain nombre d'hypothèses importantes.

D'abord, les EPR seront construits par paires, pour bénéficier d'une mutualisation entre les deux EPR construits. Cela répond à la plupart des appels d'offres en Europe.

Ensuite, le taux de disponibilité de la centrale est de 92 %, ce qui est très supérieur au taux actuel de disponibilité d'EDF. Cela est essentiellement dû à des questions de design : le réacteur est conçu pour que certaines opérations de maintenance puissent se faire en temps masqué pendant son fonctionnement. Ce concept est hérité des centrales allemandes, qui ont des taux de disponibilité supérieurs aux nôtres.

Par ailleurs, l'amortissement des coûts fixes d'exploitation est supérieur à celui de la génération précédente. En effet, la puissance de l'EPR est de 1 630 mégawatts, contre 1 500 mégawatts pour l'ancien N4.

En outre, en raison de sa conception, le réacteur EPR consomme 10 % de combustible en moins que la génération précédente. Ce point est insuffisamment connu.

Enfin, la durée de vie est de 60 ans alors que, pour le N4, le calcul se faisait avec une durée de vie de l'ordre de 40 ans.

Les coûts de production de l'EPR le rendent tout à fait compétitif par rapport non seulement aux filières classiques, que ce soit le gaz ou le charbon, sans même tenir compte des hausses des prix du gaz et du CO2, mais également aux filières renouvelables. Je reviendrai plus tard sur ce point.

Vous m'avez aussi interrogé sur la capacité du système français à assurer le déploiement d'EPR. Tout dépend des hypothèses que choisirait EDF pour assurer le remplacement du parc existant.

En tout état de cause, il faut prendre en compte les caractéristiques de l'EPR.

D'une part, sa puissance moyenne installée est de 1 600 mégawatts alors que celle des centrales varie aujourd'hui entre 900 et 1 300 mégawatts, soit 1 100 mégawatts en moyenne. D'autre part, le taux de disponibilité de l'EPR est supérieur de dix points à celui des anciens réacteurs. Il faut donc évidemment moins d'EPR que de réacteurs de la génération précédente. Pour remplacer la totalité du parc, un mégawatt pour un mégawatt, il faudrait une trentaine d'EPR. Vous devriez poser la question à EDF, qui réfléchit à des scénarios permettant de lisser le programme de reconstruction.

La construction des réacteurs actuellement en service a été faite avec, nous le savons, un pic très important de chantiers lancés simultanément. En 1986, il y a eu, me semble-t-il, jusqu'à huit démarrages de réacteurs en même temps. Aujourd'hui, EDF privilégie un lissage.

De notre côté, nous avons travaillé pour que la chaîne de sous-traitance, qu'elle soit en France, pour la fabrication des forgets au Creusot, ou au Japon, pour les pièces pour lesquelles nous n'avons pas encore développé de capacité de production, soit capable de fabriquer, produire et suivre en termes d'ingénierie, selon les maillons de la chaîne, de deux à cinq EPR par an.

Selon nous, il n'y a pas de problème de capacité industrielle. Certes, il faudrait probablement ajuster, recruter des personnels, mais nous avons les capacités industrielles pour mener un programme de remplacement significatif du parc français.

Vous m'avez interrogé sur le mécanisme en cours de discussion en Grande-Bretagne, qu'il est extrêmement intéressant à suivre. Il faut rappeler que la Grande-Bretagne est le premier pays qui, à la fin des années 1980, a dérégulé massivement le système de production électrique, ce qui a fini par poser des difficultés en termes de sécurité d'approvisionnement.

En effet, il est très difficile de construire des centrales à charbon en Grande-Bretagne ; les ressources de gaz, qui ont permis pendant un moment de couvrir les besoins en électricité, sont déclinantes en mer du Nord ; enfin, le parc nucléaire britannique, de par sa conception, n'a pas une capacité énorme d'extension de durée de vie.

Dès le premier semestre de 2011, le ministère de l'énergie britannique avait lancé un livre blanc reposant sur quatre mesures principales, qui sont intéressantes à connaître.

Premièrement, est appliqué le mécanisme dit « de capacités » : la capacité est rémunérée pour permettre le développement de centrales de production d'électricité de pointe.

Deuxièmement, on instaure des standards obligatoires de performance en matière d'émission de CO2. Ainsi, s'il n'y a pas d'installation de captage du CO2, il n'est pas possible de construire des installations au charbon.

Troisièmement, un prix plancher du CO2 est mis en place, ce qui est très important au regard des fluctuations observées ces dernières années. Il permet de renforcer les technologies sobres en carbone, tout en étant neutre par rapport aux technologies utilisées : il n'avantage ni les énergies renouvelables, ni le nucléaire. Toute technologie sobre en émission de carbone bénéficie de ce mécanisme de prix plancher.

Quatrièmement, enfin, un système de tarifs de rachat est mis en place. Ces tarifs de rachat de long terme permettent à des investissements capitalistiques lourds, nécessaires aussi bien pour le nucléaire que pour les énergies renouvelables, d'être pris en compte.

Les objectifs sont clairs : mettre en place un nouveau système de production électrique et garantir la sécurité d'approvisionnement et l'indépendance énergétique, tout en assurant une très forte décarbonisation du secteur de l'électricité.

Les tarifs de rachat et le prix plancher du CO2 sont les deux éléments principaux. Ils permettent d'apporter une certaine garantie, de diminuer les incertitudes sur les prix de vente du kilowattheure et ainsi de faciliter la décision et le financement d'investissements de production d'électricité qui sont, nous le savons, lourds pour des projets très longs.

Aujourd'hui, il est encore trop tôt pour savoir quel sera exactement le prix de l'électricité. Le gouvernement britannique devrait finaliser les tarifs de rachat vers la fin de l'année 2012 ou le début de l'année 2013, pour que des contrats puissent entrer en vigueur en 2014. Ces contrats concerneront en priorité des investissements à plus courte durée de réalisation, les toutes premières centrales nucléaires devant entrer en fonctionnement en Grande-Bretagne entre 2018 et 2020.

Aujourd'hui, deux acteurs développent de tels projets : EDF, qui a d'ores et déjà démarré, avec nous, des activités d'études et de réalisation de quelques composants sur le site de Hinkley Point, et un consortium rassemblant des électriciens allemands, Horizon, lequel devrait annoncer dans les prochaines semaines le choix de la technologie qu'il retiendra.

Nous ne participons évidemment pas aux négociations de tarifs avec le gouvernement britannique. Notre travail a consisté à fournir aux électriciens nos propositions de prix sur la base desquelles ils peuvent discuter avec le gouvernement britannique.

Cette réforme est extrêmement importante ; elle doit nous faire réfléchir à la possibilité de déployer de nouveaux mécanismes permettant simultanément une décarbonisation de la production d'électricité, le maintien d'une certaine compétition et la réalisation d'investissements lourds, à un moment où, nous le savons, l'Europe doit renouveler ses investissements et mettre en place des solutions décarbonisées.

Vous m'avez aussi posé une question sur le démantèlement, sur lequel je tiens à vous rappeler quelques points importants. Dans son rapport, la Cour des comptes a estimé qu'il n'y avait aucun coût caché dans la filière nucléaire, même s'il demeure un certain nombre d'incertitudes dans le démantèlement. Elle ne remet pas en cause l'estimation des opérateurs ; même s'il y avait un doublement des devis de démantèlement, la hausse du coût de production de l'électricité ne serait que de 5 %.

Pour AREVA, le démantèlement correspond à deux choses différentes. C'est d'abord le démantèlement de ses propres installations en tant qu'exploitant d'activités industrielles du cycle de combustibles ; c'est ensuite celui des installations de ses clients pour lesquels elle est fournisseur de services, non seulement en France, mais également en Allemagne et aux États-Unis.

En ce qui concerne nos propres installations en France, la Cour des Comptes rappelle - tous les chiffres ont été publiés dans son rapport - que les charges de démantèlement sont de l'ordre de 7 milliards d'euros et qu'elles sont correctement provisionnées. Le démantèlement a d'ores et déjà commencé pour un certain nombre d'activités.

Par exemple, l'arrêt définitif de l'usine UP2 400 de La Hague, qui avait été mise en service en 1966 et a permis le traitement de 10 000 tonnes de combustibles, a été décrété en 2003. Aujourd'hui, compte tenu de l'état d'avancement, nous estimons que le devis de démantèlement est stabilisé ; il n'a d'ailleurs pas changé entre 2006 et 2010.

En revanche, le devis de démantèlement d'Eurodif, une installation d'enrichissement qui va bientôt être arrêtée, a crû pendant cette même période, mais cette hausse s'explique par un changement de périmètre, c'est-à-dire la volonté de procéder à un démantèlement plus important, et par une augmentation du volume de déchets et de contamination à traiter. Vous avez certainement vu que nous avons prévu, dans les comptes de l'entreprise en 2011, une provision récente pour faire face à cette augmentation.

Nos démantèlements sont des opérations très spécifiques pour lesquelles nous devons compter sur notre propre expertise pour assurer les devis. Il est en effet difficile de s'appuyer sur des expertises extérieures pour des opérations comparables.

Pour nos nouvelles installations, que ce soit George Besse II, UP2/800 et UP3 à La Hague, et Melox, le démantèlement a été intégré dès la phase de conception des installations afin de l'optimiser, ce qui n'était probablement pas le cas pour les générations précédentes d'équipements.

Nous procédons à une révision périodique des devis, triennale lorsque le démantèlement n'a pas encore commencé et annuelle lorsqu'il est en cours. Nous pouvons ainsi « recaler » les choses régulièrement.

Pour le démantèlement des installations de nos clients, je tiens d'abord à insister sur le fait que, pour nous, cette activité est non pas théorique, mais bien réelle. Près de 1 500 collaborateurs, représentant l'ensemble des métiers, travaillent sur ces chantiers, pour la préparation des projets, la gestion, l'assainissement, le démantèlement et le traitement des déchets. Nous travaillons pour La Hague, le CEA, Superphénix, mais également en Allemagne, où nous avons participé au démantèlement d'un réacteur, et aux États-Unis, auprès du Department of energy.

L'accumulation de toutes ces expériences permet de fiabiliser les devis que nous préparons pour le compte de nos clients et les engagements commerciaux que nous prenons. Il en va de même des études très approfondies que nous effectuons pour préparer les opérations de démantèlement.

Pour revenir à votre question, dans le cas particulier des réacteurs, le système en France est quelque peu différent : EDF assure la maîtrise d'ouvrage et une grande partie de la maîtrise d'oeuvre et ne nous confie qu'une partie des réalisations à faire. Nous n'avons donc pas de vision globale du devis de démantèlement d'un réacteur français ; nous ne connaissons que celui de la part qui nous est confiée.

Il n'est pas étonnant que les coûts de démantèlement soient assez variables, car, comme je l'ai indiqué précédemment, ces coûts varient en fonction des hypothèses retenues pour le projet, le type d'installation, l'âge et de l'intégration, ou non, dès le démarrage du projet de démantèlement. Le fonctionnement, la conception, le génie civil, tous ces éléments sont également importants.

Le coût varie également, et cela concerne particulièrement le parc français, en fonction de la courbe d'apprentissage, de l'effet d'expérience, des économies d'échelle engendrées par la construction de plusieurs réacteurs.

Enfin, il faut prendre en compte la stratégie de démantèlement retenue par l'opérateur : un démantèlement immédiat ou différé. Un certain nombre de coûts fixes du démantèlement découlent des coûts de surveillance du site : ils varient fortement selon que le site est encore en fonctionnement pour une partie des autres réacteurs ou qu'il est totalement abandonné.

J'en reste là sur la question du démantèlement, mais je suis à votre disposition pour répondre à vos questions sur ce point.

J'en viens au coût de production de l'électricité à partir d'autres sources que le nucléaire. AREVA a souhaité, sous l'impulsion d'Anne Lauvergeon, et j'ai repris cette stratégie, s'engager dans le domaine des énergies renouvelables. Il s'agit d'une décision d'entreprise récente, datant d'il y a quelques années, qui s'est essentiellement traduite par des acquisitions. Nous intégrons ces activités, et nous les soutenons industriellement et commercialement pour qu'elles se développent.

Nous le faisons dans les domaines de l'éolien en mer (offshore), mais pas dans le terrestre (onshore), dans le domaine du solaire à concentration, mais pas dans le photovoltaïque, dans le domaine de la biomasse, mais aussi dans le stockage, qui est plus en phase de développement.

Je vais vous donner les coûts sur lesquels nous travaillons.

Pour l'éolien terrestre, nous observons que la moyenne de coûts est située entre 80 et 90 euros par mégawattheure, avec un investissement qui représente entre 80 % et 90 % du coût de production.

Pour l'éolien en mer, les coûts sont très variables en fonction de la distance à la terre, de la taille du champ, de la profondeur et de la qualité de la fondation, c'est-à-dire des sols marins. Vous le savez, l'appel d'offres en cours dans notre pays a retenu une fourchette de 115 à 200 euros par mégawattheure.

Les conditions de vent sont évidemment des facteurs très importants de différences. Par rapport à la France, le temps de vent efficace est en Allemagne supérieur de 30 % en moyenne. Pour des installations très capitalistiques, cet élément a un impact immédiat sur le coût du kilowattheure.

Nous participons à l'appel d'offres sur les cinq champs français et nous attendons avec impatience de connaître la décision. Nous sommes avec GDF-Suez sur certains champs et avec Iberdrola sur d'autres.

Pour les installations offshore, l'investissement représente 80 % du coût de production du mégawattheure, car il s'agit d'installations capitalistiques. La turbine compte pour une petite moitié de l'investissement. Quant aux coûts de maintenance et d'intervention, ils en représentent 20 % : pour l'éolien offshore, ils sont assez importants puisqu'il faut être prêt à réagir très rapidement en cas de panne. Tout kilowattheure perdu coûte très cher. Les conditions d'intervention rendent parfois nécessaire l'utilisation de moyens lourds, hélicoptères ou bateaux.

Nous comptons un technicien par turbine pour assurer la maintenance des champs : c'est une très bonne chose du point de vue de la création d'emplois, mais le coût à payer pour assurer une bonne réactivité des équipes est relativement significatif. Nous concevons des turbines optimisées en termes de durée de maintenance : tout est fait pour que la maintenance soit la plus limitée possible. Mais les interventions mobilisent des équipes importantes.

Sur le solaire photovoltaïque, un sujet largement débattu, nous retenons un coût de l'ordre de 250 euros par mégawattheure. Là aussi, les variations sont très importantes selon les pays. Vous le savez, les prix des panneaux ont baissé. La question qui se pose est de savoir quelle est dans cette baisse des prix la part qui résulte de l'évolution technologique, celle qui résulte de l'augmentation des séries de production et celles qui s'explique par les surcapacités de production existant aujourd'hui dans le monde - je pense en particulier à certains pays à l'est de la France qui ont tendance à casser quelque peu les prix du marché.

Pour le solaire thermique à concentration, qui est notre domaine d'activité, nous avons deux types d'application.

D'une part, nous proposons une centrale de production d'électricité : l'eau est chauffée et, à partir de miroirs, de la vapeur est produite qui fait tourner une turbine. Nous vendons souvent à l'Inde une centrale de 125 mégawatts. Vous le voyez, il s'agit d'installations de taille relativement importantes. Les prix sont, là aussi, extrêmement variables en fonction de la configuration choisie, de l'ensoleillement et du prix du terrain, ces installations prenant beaucoup de place.

Nous vendons aussi un produit très intéressant, les boosters. Cette technologie est utilisée pour réchauffer de la vapeur et augmenter la vapeur introduite, par exemple, dans des centrales à charbon. Nous avons une installation de ce type qui, couplée avec une centrale à charbon, améliore le rendement de cette dernière, tout en diminuant la consommation de charbon, et donc la production de CO2.

Vous m'avez interrogé sur les perspectives de réduction des coûts. Dans le domaine des énergies renouvelables, certaines technologies sont très mûres et d'autres ne font que démarrer. C'est enfoncer une porte ouverte que de dire que ces dernières ont évidemment un potentiel de réduction de coût plus important. Tel sera particulièrement le cas de l'éolien offshore et peut-être encore du solaire photovoltaïque. Mais il est clair qu'il va falloir faire des sauts.

Une partie des coûts de l'éolien offshore sont des coûts d'installation dérivés en fait des technologies de l'industrie pétrolière. À part un effet de série, il est difficile d'imaginer qu'on puisse faire, sur ce poste, des gains très significatifs, les technologies étant déjà disponibles.

Un des sauts importants à réaliser pour réduire le coût de l'éolien offshore sera l'augmentation de la taille de la turbine. Aujourd'hui, celle que nous commercialisons fait 5 mégawatts ; certains de nos concurrents annoncent des turbines de 6 ou 7 mégawatts. Mais un accroissement de la puissance se traduira forcément par une augmentation du poids ou par la mise ou point de matériaux plus légers, sans pour autant que cela nuise à la fiabilité. Encore une fois, il est absolument essentiel pour ces technologies offshore que la fiabilité des turbines soit parfaite afin de minimiser les temps d'intervention.

De ce point de vue, le soutien mis en place pour les énergies renouvelables est absolument nécessaire pour la réalisation de ces opérations qui vont permettre de tester de nouvelles technologies, de créer cet effet d'apprentissage que j'évoquais tout à l'heure pour le nucléaire et d'abaisser ainsi progressivement les coûts.

Vous m'avez aussi interrogé sur le stockage de l'énergie. Il s'agit d'une question-clé compte tenu de l'intermittence des ressources des énergies renouvelables. Je ne vais pas revenir sur les chiffres et sur les caractéristiques de ces énergies, mais il faut trouver des capacités pour le stockage de l'énergie.

Nous travaillons sur une solution par le biais d'Helion, qui correspond à la filière hydrogène. Nous participons ainsi à une opération concernant l'université de Corse, opération que je souhaite mettre en avant : il s'agit de la plateforme Myrte, cofinancée par AREVA, l'État français, la collectivité territoriale de Corse et l'Union européenne. Ce projet avance conformément au calendrier prévu, ce qui est important pour un projet novateur. Il s'agit d'une centrale photovoltaïque couplée à une chaîne hydrogène : le stockage se fait pendant la journée et permet d'assurer l'approvisionnement électrique de l'université pendant la nuit.

C'est aujourd'hui une installation pilote : on est encore très loin d'un déploiement industriel. Je ne souhaite donc même pas parler des coûts correspondants... Toutefois, je pense que cette première opération montre l'intérêt de se mobiliser sur ce sujet et de lancer des programmes de recherche importants.

En ce qui nous concerne, c'est la filière que nous avons choisie. Il y en a sans doute d'autres, et la sagesse serait que différentes filières soient explorées en parallèle pour permettre évidemment à la meilleure technologie de se développer.

Il existe aussi probablement de grandes variations en fonction de la taille des installations. Selon moi, la formule du stockage n'est sûrement pas une réponse unique, mais c'est une réponse variée et variable en fonction de la taille des installations.

Pour laisser de la place à nos échanges, j'en viens à votre dernière question, relative à la quatrième génération.

Il est évident que nous continuons à travailler sur ce projet. Nous y travaillons dans le cadre du projet ASTRID, mené par le CEA. C'est un projet qui, lui aussi, nous paraît très important pour assurer le développement continu de notre industrie. Cela permettra d'optimiser à la fois la consommation d'uranium et la gestion des déchets.

D'après les calendriers du démonstrateur qui nous ont été annoncés, il est aujourd'hui plutôt question d'un démarrage de la construction en 2017. Mais tout cela est susceptible d'être redéfini. Il est certain qu'il reste, dans les prochaines années, à figer les grandes options technologiques et probablement aussi à dessiner ce que seront les partenariats internationaux à nouer pour ce type de filière. Aujourd'hui, les travaux en cours, qui mobilisent déjà plusieurs dizaines d'ingénieurs, sont essentiellement franco-français puisque réalisés conjointement par EDF, AREVA et le CEA.

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