Intervention de Mohamed Bajrafil

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 4 février 2020 à 15h40
Audition de représentants de l'association musulmane pour l'islam de france amif sera publié ultérieurement

Mohamed Bajrafil, enseignant, imam :

docteur en linguistique, enseignant, imam. - Pourquoi avoir rejoint l'AMIF ? Le point de départ a été les événements de janvier 2015 : jusque-là, nous menions, en interne, un combat contre une idéologie extrémiste qui voulait faire main basse sur l'islam. Après les attentats, un éditeur m'a demandé d'écrire un livre, que j'ai intitulé Islam de France, l'an I. J'expliquai que l'islam souffrait de « statisme » : en effet, on ne peut pas lire le monde d'aujourd'hui avec les lunettes du monde d'il y a 1 000 ans. On ne peut pas dire non plus que le terrorisme n'a rien à voir avec l'islam. Comme je le dit souvent, le terrorisme peut trouver des éléments de justification dans l'héritage juridique de l'islam. À partir de là, nous devons mener un travail de déconstruction pour montrer qu'une autre lecture de l'islam est possible. Il est du devoir de tout musulman de se réapproprier cet effort d'interprétation essentiel dans l'islam, l'hijtihab, si l'on veut que tous les Français de confession musulmane puissent vivre à la fois leur islamité et leur francité, car les deux ne sont pas antinomiques.

Trois ans après, j'ai écrit Réveillons-nous ! Lettre à un jeune Français musulman, avec la même idée. Deux modes de pensées monopolisent l'espace public : d'un côté, une lecture littéraliste et extrémiste, selon laquelle il n'existe pas d'autre forme de l'islam recevable ; d'un autre côté, une lecture non moins radicale qui prétend qu'il n'existe pas d'autre manière de lire le texte coranique que celle des extrémistes. Du coup, la majorité des musulmans se voit toujours prise entre deux feux, sommée de se justifier, de réaffirmer qu'elle n'appartient ni à tel mouvement ni à tel autre ! Or, la majorité des Français de confession musulmane vit en parfaite harmonie avec les lois de la République et ne pose aucun problème, mais, c'est bien connu, on parle toujours plus des trains en retard que de ceux qui arrivent à l'heure !

Notre volonté est de tenir un discours de réconciliation, de jouer le rôle de trait d'union ; dès lors, nous devons accepter de nous faire taper dessus des deux côtés. D'un côté, on nous traite de « vendus à la République », d'un autre, de « cinquième colonne » ! On nous menace avec virulence, avec parfois des menaces de mort. L'AMIF prône un discours de réconciliation. C'est un combat quotidien, que nous menons sur le terrain ; chaque vendredi, entre 2 500 et 5 000 personnes écoutent mes prêches. On s'efforce de diffuser, avec nos moyens, un discours en opposition avec les visions littéralistes et extrémistes. J'ai découvert que les vidéos que j'ai réalisées de manière artisanale et que mes étudiants ont mises en ligne totaliseraient entre 12 et 20 millions de vues. C'est un signe encourageant pour continuer le combat, même si on est parfois tenté de baisser les bras.

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