Je ne crois pas que les salafistes, les mouvements turcs ou les Frères musulmans dominent aujourd'hui l'islam. Ils dominent le discours, sans doute, et sont très présents sur les réseaux sociaux. On ne peut pas dire pour autant qu'ils dominent l'islam. Il existe une majorité de Français de confession musulmane que j'appellerais plutôt éclairés que modérés : peut-on être modérément croyant ? En tous cas, on peut être obscurantiste, ou éclairé. Mais cette majorité ne parle pas. Pourquoi ? Peut-être parce qu'ils considèrent que c'est une affaire privée, qui n'a pas à devenir du militantisme : ce sont des questions spirituelles, dont ils n'ont pas envie de parler. D'ailleurs, quand on est musulman aujourd'hui, on est attaqué de tous côtés. Il est donc assez normal que la majorité soit silencieuse. Ce sont des personnes qui se considèrent comme des Français comme les autres, dont la religion ne regarde que leur famille, et dont les pratiques ne sont pas une question sociale, ni une question politique. Tout cela a changé avec les attentats dès 2012, et encore plus à partir de 2015 : c'est devenu une question politique. Un des enjeux politiques essentiels est de mobiliser ces Français-là et de leur dire qu'on a besoin d'eux et de leur engagement pour lutter contre l'islamisme et pour montrer que l'islam, ce n'est pas l'islamisme. La réduction de l'islam à l'islamisme est faite par tout le monde : par l'extrême droite, par ceux qui ne voudraient plus qu'il y ait de musulmans en France, et par les islamistes eux-mêmes. La mobilisation des gens éclairés est donc, à mon avis, essentielle. Pour gagner ce combat, qui est un combat de connaissance, il faut des militants de la modération et de l'esprit critique.