Les enjeux liés à la laïcité donnent bien lieu à un travail interministériel. La tâche est toujours difficile, mais la difficulté varie selon les secteurs concernés. Ce que l'État fait dans le domaine du sport, par exemple, ne peut évidemment pas avoir la même force et la même valeur impérative que ce qu'il fait dans le domaine scolaire. Ce sont des sujets que nous évoquons avec la ministre des sports, et je suis sensible à cet échange, car il y a porosité : l'élève ne doit pas plus être soumis à une démarche prosélytique à l'école que dans le club de sport qu'il fréquente ; c'est pourquoi j'indiquais qu'il fallait avoir une approche globale de son temps.
Sur ces sujets d'une grande complexité, nous travaillons dans un cadre interministériel. C'est d'ailleurs parfois le cas avec le Conseil des sages de la laïcité, pour tout ce qui a trait à l'enfance et la jeunesse, et on peut parfaitement imaginer que notre vade-mecum de la laïcité, même s'il doit être déployé différemment, puisse présenter un intérêt dans les domaines de la culture ou du sport.
D'un point de vue global, madame la présidente, je partage l'inspiration de vos questions.
Il est normal que je vous fasse un retour sur l'INE, car ce projet - très important -a progressé depuis nos débats au Sénat.
Cet identifiant a été mis en place dès 2005 pour le premier degré de l'enseignement public, puis en 2017 pour le second degré, en 2018 pour les apprentis et en 2019 pour les élèves de l'enseignement agricole. Avec 26 millions d'identifiants déjà créés, le chantier « INE pour tous » est donc largement derrière nous. Le système d'information par lequel cet identifiant est attribué - outil numérique pour la direction d'école (ONDE) - est désormais opérationnel.
Cependant, des angles morts demeurent. Quelques élèves n'ont toujours pas d'INE : ceux des premier et second degrés de l'enseignement privé hors contrat, ainsi que les enfants instruits à domicile. Il s'agit certes d'une minorité d'élèves, mais on retrouve souvent, dans cette catégorie, des élèves concernés par le sujet évoqué aujourd'hui. Un comité de pilotage a été mis en place pour traiter ces angles morts, notre objectif étant de faire en sorte que le logiciel ONDE s'implante dans les établissements hors contrat.
Cela renvoie, notamment, à la problématique de ces établissements hors contrat. Il ne s'agit évidemment pas de les stigmatiser - même si, par définition, nous défendons l'école de la République -, mais nous pourrions être amenés, dans le futur, à distinguer ceux qui souhaitent avoir un lien avec l'État, même ténu, et les autres, parmi lesquels on trouvera des cas problématiques. Une piste de travail pourrait donc être une participation du logiciel ONDE à ce lien entre établissements hors contrat et système public.
Des expérimentations ont été menées, avec la participation d'une soixantaine d'établissements hors contrat. Nous pourrions en rester à un principe de volontariat ou nous diriger vers une autre logique. Mais je suis plutôt favorable à mener à terme le processus défini lors du vote de la loi, avant de voir si des évolutions législatives ou réglementaires s'imposent pour accroître les obligations. L'objectif est toutefois clair : il faut un INE pour tout enfant, y compris s'il est accueilli en établissement hors contrat ou reçoit une éducation à domicile.
Par ailleurs, l'extension du dispositif du SNEAS au personnel du ministère permettrait de renforcer l'efficacité et la sécurité juridique du traitement des situations de présomption de radicalisation.
Aujourd'hui, alors que certains agissements dans la vie privée rendent parfois impensable l'exercice du métier de professeur, l'administration ne peut caractériser la faute d'un agent radicalisé ou en voie de radicalisation si ce dernier est irréprochable dans l'exercice de ses fonctions. La procédure disciplinaire ne peut être enclenchée sur le seul motif qu'une personne a été identifiée comme étant susceptible de représenter une menace pour les mineurs dont elle a la charge. Ce sont des situations que l'on rencontre, et elles constituent un véritable sujet.
Des expérimentations ont été engagées en 2019, avec la consultation du fichier des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT), pour les 26 700 lauréats des concours d'enseignants des premier et second degrés des enseignements public et privé. Le dispositif sera généralisé en 2020.
De ce fait, l'extension du champ de compétences du SNEAS pourrait s'appliquer en priorité aux personnels présumés radicalisés au sein du ministère de l'éducation nationale, une enquête administrative permettant ensuite de vérifier la réalité de la menace qu'ils représentent. Cela formaliserait les relations existantes, au demeurant excellentes, entre mon ministère et le ministère de l'intérieur. En cas de faute avérée, nous pourrions engager systématiquement une procédure disciplinaire. Ce faisant, nous élargirions notre vision des agissements incompatibles avec l'exercice d'une fonction de professeur, tout en respectant - cela va de soi - la liberté de conscience.
S'agissant de l'application de cette idée aux établissements d'enseignement privé hors contrat, la loi « Gatel » permet à différentes autorités de s'opposer à l'ouverture d'un établissement et la loi pour une école de la confiance permet au préfet ou au recteur de mettre en demeure un établissement de faire cesser une atteinte à l'ordre public révélée par son fonctionnement. Le non-respect de cette mise en demeure peut être sanctionné, sur décision d'un juge, par la fermeture de l'établissement.
Une circulaire d'application de la première de ces lois, datant d'août 2018, précise que l'atteinte à l'ordre public peut découler de faits commis par une personne appartenant à la communauté pédagogique. Elle demande que soit vérifiée l'inscription éventuelle des dirigeants et enseignants sur certains fichiers judiciaires et l'absence, au sein de quelque établissement d'enseignement que ce soit, de toute personne fichée S.