Intervention de Jean-Michel Blanquer

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 18 juin 2020 à 9h30
Audition de M. Jean-Michel Blanquer ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Jean-Michel Blanquer, ministre :

Je suis évidemment en accord avec toute votre introduction. Sur certains sujets, nous ne devons plus être à la défensive, mais à l'offensive et affirmer fortement et sans complexe les valeurs de la République. Vous avez utilisé une expression que je reprends volontiers : l'amour de la France. Il se trouve que j'ai une expérience internationale. J'ai vécu dans plusieurs pays, et je n'en ai jamais vu aucun où cela posait un problème d'être fier de son pays. En Colombie, on affirme sans complexe être dans le « mejor país del mundo ». C'est quelque chose que nous devons aux enfants : ne pas faire aimer son pays à un enfant, c'est d'une certaine façon le faire apatride, si ce n'est sur le plan juridique, du moins sur le plan psychologique. C'est quelque chose de très négatif dont on paye ensuite très cher le prix.

Dans toutes les sociétés humaines, il y a un moment initiatique à l'adolescence. Nous sommes une société laïque, sécularisée, et nous en sommes fiers. Mais même cette sécularisation doit faire l'objet d'une initiation adolescente à l'âge du collège avec des éléments de fierté et d'appartenance à la République ; sinon, ce sont d'autres éléments initiatiques qui prendront la place, sous l'angle de la violence à travers les gangs par exemple qui sont très forts pour créer ce sentiment d'appartenance - cette chaleur, si j'ose dire - ou sous l'angle du fondamentalisme, islamiste ou autre. La République doit donc donner au collégien le sentiment d'un accueil au sein d'une communauté universalisante. Plus un enfant a des racines hors de France, plus nous le lui devons. C'est l'antidote majeur aux problèmes que nous évoquons. Il y a des soleils noirs à l'adolescence, la drogue, la violence, et nous devons présenter un beau soleil, celui de la République. Cela n'a rien d'abstrait. Trop souvent, je vois, sur ce sujet, une sorte de complexe qui n'a pas lieu d'être.

D'ailleurs, les enfants le réclament. Ne pas le leur donner, c'est comme les priver de nourriture. C'est pourquoi il est si important d'apprendre l'hymne national, les symboles nationaux ; c'est pourquoi j'ai proposé que, dans chaque école de France, l'hymne et le drapeau soient présents dans chaque classe. Nous devons l'assumer sans polémique, en toute sérénité ; il n'y a rien de plus normal, tous les pays du monde le font et le nôtre n'a aucune raison de ne pas le faire.

La question des accompagnants est un sujet mixte : selon le critère de l'espace, on ne devrait pas imposer quoi que ce soit, mais selon celui du temps, en l'occurrence le temps scolaire, alors il faudrait imposer quelque chose. C'est donc un débat infini qui ne me semble d'ailleurs pas le principal sujet en matière de laïcité et j'ai peur que ce débat récurrent finisse par nous distraire de sujets plus essentiels. L'important est le respect la neutralité du service public, de souligner que la loi de 2004 est encore et toujours un succès regardé par nos voisins et d'autres pays. J'étais recteur en 2004, j'ai en tête les débats de l'époque sur la difficulté à mettre en oeuvre cette loi avant qu'elle ne s'applique et le fait qu'elle s'est finalement appliquée de manière assez simple et tranquille grâce à sa concision, sa netteté. Nous pouvons donc avoir de la gratitude envers ceux qui ont permis qu'il en soit ainsi et en tirer un exemple pour aborder ces questions avec simplicité et netteté.

Cette loi est toujours bien respectée, même s'il peut y avoir des exceptions. De façon générale, la neutralité du service public est beaucoup mieux respectée en France que dans d'autres pays. Le débat avait pris en 2004 une tournure internationale : on est facilement jugé par une commission internationale X ou Y, et il y avait eu la tentation dans le débat de ringardiser la notion de laïcité, présentée comme une notion désuète à la française. En réalité, c'est une notion ultramoderne que certains pays regardent comme une solution face au risque de communautarisme qui touche bien des sociétés dans le monde, et en Europe en particulier. Elle a un bel avenir concrètement, ce n'est pas une incantation. Il y a une forme de rayonnement de la laïcité auquel nous devons travailler à l'échelle européenne et internationale.

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