Intervention de Vincent Capo-Canellas

Mission d'information Biocarburants — Réunion du 31 janvier 2023 à 17h30
Réunion constitutive

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas, rapporteur :

Je vous remercie pour votre confiance et je me réjouis que nous puissions, au travers de cette mission d'information, nous intéresser de manière approfondie au développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert.

M. Pierre Cuypers a rappelé tout à l'heure des travaux antérieurs du Sénat sur les biocarburants, mais je veux également évoquer, plus largement, l'ensemble des travaux portant sur les enjeux liés aux énergies et aux mobilités. Ils seront naturellement pris en compte dans notre réflexion et nous essaierons de nous coordonner au mieux avec les travaux en cours. Je sais que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), après avoir travaillé sur les modes de production de l'hydrogène, va travailler sur la décarbonation du secteur aéronautique.

Je n'oublie pas non plus que notre collègue Stéphane Demilly, lorsqu'il était député, avait présidé une mission d'information sur les agrocarburants, dont les travaux avaient été publiés en janvier 2020.

Le champ de cette mission d'information est toutefois plus large, puisqu'il couvre certes les biocarburants, mais aussi les carburants synthétiques durables et l'hydrogène vert. Nous devrons nous intéresser à ces trois sources ou vecteurs d'énergie.

Nous devrons également prendre en considération un contexte qui évolue rapidement, au niveau européen comme sur le plan international.

Je pense en premier lieu à la mise en oeuvre de la loi européenne sur le climat, au travers du paquet législatif « Ajustement à l'objectif 55 », qui concerne notamment l'électromobilité, les biocarburants, les carburants synthétiques ou l'hydrogène. Ce paquet, dont de nombreux éléments sont désormais finalisés, prévoit notamment la fin de la commercialisation des voitures et camionnettes neuves fonctionnant avec des moteurs thermiques à l'horizon 2035, sous réserve d'une clause de revoyure en 2026. L'accord trouvé en septembre 2022 mentionne aussi une proposition à venir concernant l'immatriculation après 2035 des véhicules fonctionnant exclusivement avec des carburants neutres en CO2.

Des initiatives en faveur de l'incorporation de carburants durables dans les secteurs du transport maritime ou de l'aviation figurent également dans cet ensemble de mesures. Il en est de même des dispositions sur les infrastructures de recharge pour carburants alternatifs.

Ce paquet européen a fait beaucoup parler de lui, notamment s'agissant de la fin de la commercialisation des voitures neuves fonctionnant avec des moteurs thermiques à l'horizon 2035. Certains constructeurs automobiles s'attachent désormais à développer, d'ici à la clause de revoyure prévue en 2026, une filière de carburants synthétiques offrant de réelles perspectives économiques.

Le Sénat avait adopté l'an dernier une résolution européenne sur laquelle nous pourrons notamment nous appuyer. Nous devrons également analyser les stratégies de développement des filières adoptées à l'échelle européenne.

La guerre en Ukraine a toutefois conduit l'Union européenne à adopter ou préparer de nouvelles mesures dans le cadre du plan REPowerEU, qui vise à renforcer l'autonomie de l'Union européenne sur le plan énergétique, en mettant en particulier l'accent sur le développement de la filière hydrogène.

Lors du conseil des ministres franco-allemand qui s'est tenu le 22 janvier dernier, à l'occasion de la commémoration du 60e anniversaire du traité de l'Élysée, la France et l'Allemagne se sont engagées à accroître leurs investissements dans les énergies renouvelables et bas-carbone, et l'accent a été mis sur l'hydrogène.

Un groupe de travail conjoint franco-allemand sur l'hydrogène devrait rendre, d'ici à la fin du mois d'avril prochain, ses conclusions et recommandations relatives aux choix stratégiques en matière de développement de l'hydrogène, afin « de développer une production de l'hydrogène à grande échelle et de bâtir un marché européen de l'hydrogène résilient reposant sur la solidité de la production locale et la durabilité des importations nécessaires ».

Parallèlement, nous devrons également prendre en compte l'Inflation Reduction Act (IRA) adopté par le Congrès américain, qui vise à décarboner l'économie américaine et qui cible notamment les technologies concernant les carburants durables et l'hydrogène. Cette loi américaine a été jugée particulièrement agressive pour l'Union européenne. Des mesures pour y faire face devraient ainsi être annoncées lors du Conseil européen extraordinaire prévu les 9 et 10 février.

Nos travaux ne peuvent se concevoir à cet égard sans une dimension européenne et internationale forte, à laquelle nous devons être très attentifs.

Il m'apparaîtrait à cet égard important que nous nous rendions à Bruxelles pour organiser des auditions à la Commission européenne, au Parlement européen ainsi que dans différentes instances, mais aussi que nous envisagions un déplacement dans un pays de l'Union, par exemple en Allemagne, si nous en avons le temps.

Il serait également très utile de disposer d'éléments comparatifs sur les stratégies adoptées par d'autres États.

Au-delà de cette dimension européenne et internationale, il nous faudra évidemment nous pencher sur la politique conduite à l'échelon national. Je rappelle que les plans de relance et d'investissement ont dégagé des moyens substantiels pour l'hydrogène, mais aussi les véhicules du futur. Différentes stratégies ont été élaborées pour promouvoir les différentes filières, qu'il nous faudra analyser attentivement au regard des nouveaux enjeux.

La question du développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert me paraît ainsi recouvrir plusieurs axes.

Il me semble que nous devrons faire un état des lieux précis des définitions, des cadres juridiques applicables et des infrastructures, existantes ou en devenir, de production, de distribution et de consommation de ces technologies.

Nous devrons nous intéresser au cadre de développement, et donc aux mesures permettant d'inciter ou d'accompagner le développement de cette filière, ou plutôt de ces filières. Je pense évidemment aux dispositifs économiques ou fiscaux permettant d'accompagner les investissements, mais aussi à la nécessité d'avoir une approche dynamique en termes de capacités et de débouchés.

Cette démarche implique d'étudier les concurrences qui peuvent exister entre les différents types de carburant, s'agissant de l'accès aux financements pour la recherche et le développement, de la production, de la consommation et de la distribution, mais aussi d'évoquer les conflits d'usage.

Je pense à la question des conflits d'usage en matière de production, avec la question des usages agricole, forestier ou énergétique de la biomasse, mais également à la répartition des carburants produits entre les différentes filières : routière, ferroviaire, maritime et aérienne.

Nous ne pourrons pas non plus ignorer la concurrence liée au développement de la mobilité électrique, ni la concurrence internationale.

À l'issue de nos travaux, je souhaite que nous puissions dessiner une perspective claire de développement de ces trois filières.

Pour y parvenir, nous devrions rencontrer l'ensemble des acteurs intéressés : les ministères et agences concernés ; les acteurs industriels de la filière, sur le plan de la production d'énergie comme de la distribution ; les acteurs de la filière agricole ; les acteurs de la mobilité, qu'il s'agisse des constructeurs automobiles ou aériens, des armateurs, des acteurs du ferroviaire ou des gestionnaires d'infrastructures ferroviaires, portuaires et aéroportuaires ; les acteurs de la recherche et développement ; les structures de financement ; des sociétés savantes, des think tanks et des organisations non gouvernementales.

Outre les auditions que nous organiserons à Paris, il nous semble important, avec le président, de pouvoir également nous rendre sur le terrain. Les déplacements de ce type sont en effet souvent très utiles !

Voilà quelques premiers axes, qui pourront naturellement être ajustés ou complétés en fonction des auditions auxquelles nous procéderons.

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