Intervention de Benjamin Dessus

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 10 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Benjamin deSsus président de global chance

Benjamin Dessus, président de Global Chance :

Il s'agit de comparer l'investissement nécessaire pour produire une quantité d'électricité et l'investissement nécessaire pour l'économiser, de façon à pouvoir faire des comparaisons stratégiques à peu près valables.

Ici prend fin la première partie de mon exposé. J'ai voulu vous expliquer qu'à mon sens le coût du kilowattheure d'électricité allait augmenter dans tous les cas.

Certes, en prolongeant le parc nucléaire, on pourrait avoir l'impression de ne pas devoir beaucoup dépenser. Mais, en ne faisant rien, on repousserait à 2030 la résolution des problèmes. Évidemment, ne pas investir peut paraître moins cher. Mais ce sont nos enfants ou nos petits-enfants qui devront faire le travail - à moins qu'entre-temps nous investissions dans d'autres directions, ce qui n'est pas certain.

En outre, prolonger le parc nucléaire nous ferait prendre des risques. En plus des risques accrus d'accident qui sont évidents - j'imagine que des centrales vieillissantes sont plus risquées que des EPR ou d'autres types de réacteurs -, le risque existe que le successeur de M. Lacoste à la tête de l'Autorité de sûreté nucléaire n'autorise pas le redémarrage des centrales une fois qu'EDF aura dépensé 50 milliards d'euros, ce qui serait épouvantable sur le plan économique.

Le coût de l'électricité augmentera d'autant plus que des investissements de réseau importants seront nécessaires, quels que soient les choix stratégiques qui seront faits en matière de production.

Disant cela, j'ai déjà entamé ma réponse à la deuxième série de questions de M. le rapporteur. Il s'agit de savoir s'il faut prolonger le parc nucléaire, opter pour l'EPR, la quatrième génération, dite G IV, ou privilégier les énergies renouvelables.

Prolonger le parc actuel est évidemment la solution la moins chère ; mais, à mon sens, c'est aussi la plus risquée - du point de vue de la sûreté comme du point de vue économique, pour la raison que je viens d'expliquer.

Sur le plan de la sûreté, on entend dire que, comme les check-up sont de plus en plus fréquents, les centrales nucléaires sont de plus en plus sûres. Ce discours me fait doucement rigoler ! Je me fais faire un check-up assez régulièrement et, ayant soixante-douze ans, je suis moins en forme qu'à vingt ans, et je pense que vous serez d'accord avec moi... (Sourires.)

Quoi qu'on dise, c'est un fait qu'il y a un problème de vieillissement des cuves. Au bout d'un moment - je ne sais pas lequel -, il est inévitable qu'elles seront moins sûres que des cuves toutes neuves. Il en va des centrales comme des voitures : on a beau changer l'embrayage ou telle autre pièce, il arrive bien un moment où on se résout à changer la voiture.

Après quelle durée d'utilisation des problèmes de sûreté se posent-ils ? Je ne veux pas en parler, car ce n'est pas notre sujet. Reste qu'à prolonger les centrales, il y a manifestement un risque de sûreté, doublé d'un risque économique.

La prolongation du parc actuel présenterait un autre inconvénient majeur : celui de reporter les problèmes et les investissements de vingt ans. Évidemment, pour cette raison, ce choix peut sembler très bon marché, d'autant qu'on oublie les coûts de démantèlement lorsqu'on les considère aujourd'hui, puisque l'actualisation correspond à une division par un facteur 1,05 à la puissance vingt.

Toujours est-il qu'il faudra bien les financer et que ce sont nos petits-enfants qui feront face aux problèmes. Sans compter que s'il se produit une difficulté entre-temps, nous risquons de nous retrouver tout nus...

À propos de l'EPR, on constate que les coûts de la centrale de Flamanville sont de l'ordre d'au moins 70 à 90 euros par mégawattheure. De plus, le risque d'accident nucléaire n'est pas éliminé, même si l'on espère qu'un accident serait moins méchant que le précédent. Et les problèmes de prolifération demeurent, ainsi que les problèmes de déchets.

Or ces paramètres sont des critères de choix. À ce sujet, pour donner en quelque sorte le coup de pied de l'âne à mon camarade Percebois, je trouve surprenante la méthode adoptée dans le rapport « Énergies 2050 » : la sûreté, présentée comme incontournable au début du document, n'est plus tenue ensuite pour un critère de choix, de sorte que seuls sont considérés les aspects économiques des stratégies comparées...

Au contraire, je considère qu'après les calculs économiques des choix restent à faire, qui sont notamment de nature éthique. Il s'agit, par exemple, de décider si l'on veut ou non prendre un certain risque. On ne peut donc pas échapper au débat sur la sûreté. L'EPR et la G IV n'y échappent pas.

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