Le CEA a souhaité continuer d'investir dans cette filière dans le cadre du projet Astrid. Mais, aujourd'hui, rien ne permet d'affirmer que le réacteur Astrid fonctionnerait mieux que Superphénix.
De plus, vous n'ignorez pas que le sodium présente de graves inconvénients techniques et économiques, puisqu'il a besoin d'être maintenu en permanence dans un état liquide, de sorte que, quinze ans après l'arrêt de Superphénix, il faut encore refroidir sans interruption les cuves de sodium pour éviter un accident industriel.
Selon nous, il n'est pas souhaitable d'investir 1 milliard d'euros, et certainement davantage, dans une technologie particulièrement risquée qui, pour l'instant, ne fonctionne pas bien.
En outre, l'horizon temporel de ce projet est très lointain, puisque nous n'avons aucune certitude qu'il sera développé avant 2030 ou 2040. Or nous avons besoin d'investir bien avant, puisqu'à ces dates 80 % de notre parc nucléaire aura déjà atteint quarante ans de fonctionnement.
Pour nous, investir dans le projet Astrid est une perte de temps et d'argent. Sans parler des problèmes de prolifération puisque l'objectif de ce réacteur, comme EDF et AREVA vous l'ont sans doute expliqué, est de fonctionner à la fois avec de l'uranium appauvri et du plutonium. Ce qui implique de nouveaux transports de plutonium et des risques accrus liés à l'utilisation de cet élément dans un réacteur.
Ni sur le plan économique ni sur le plan de la sûreté Astrid ne constitue, selon nous, un choix souhaitable.
Pour vos troisième et quatrième questions, monsieur le rapporteur, je vous répète que je m'en remets aux réponses que le CLER vous a apportées.
Dans votre cinquième question, vous liez l'intermittence au rôle d'énergie d'appoint. Mais en Allemagne, par exemple, les énergies renouvelables fournissent un peu plus de 20 % de l'électricité, le nucléaire un peu moins de 20 %. Je ne suis pas sûre qu'on puisse parler d'appoint à propos d'énergies qui représentent 20 % du mix électrique...
Reste que le problème d'intermittence est tout à fait réel.
Depuis 2006, Greenpeace publie tous les deux ans un scénario de transition énergétique appelé « Révolution énergétique ». Il n'existe pas à l'échelle française, mais on le trouve à l'échelle européenne et à l'échelle mondiale.
Dans ces scénarios, nous réduisons significativement ce qu'on appelle la base - laquelle, dans le mix électrique français, est entièrement nucléaire - et nous développons massivement les réseaux intelligents de distribution, les smart grids. C'est notamment grâce à eux que nous résolvons le problème de l'intermittence.
De son côté, l'association négaWatt, dont vous auditionnerez peut-être un représentant, prévoit le développement du stockage de l'électricité par méthanation.
L'électricité peut aussi être stockée par d'autres méthodes. En Espagne et en Suisse, par exemple, on utilise un système combiné consistant à se servir de l'électricité d'origine éolienne pour remonter l'eau des barrages.
Il est sûr que des avancées technologiques sont encore nécessaires, en matière tant de réseaux que de stockage de l'électricité. Mais elles ne se produiront certainement pas tant que les dépenses publiques de recherche et de développement dans le domaine de l'énergie seront allouées pour 60 % au nucléaire et pour seulement 20 % aux énergies renouvelables...
Qu'il reste des défis à relever, nous ne le nions pas. Mais nous réclamons que les investissements soient orientés de manière à préparer les ruptures technologiques.
Du reste, en matière de stockage comme de smart grids, nous avons un peu de temps devant nous pour trouver des solutions. En effet, les énergies renouvelables représentent seulement 12 % de notre production électrique - encore la très grande majorité de cette production provient-elle de la filière hydroélectrique.
Votre sixième question, monsieur le rapporteur, porte sur la consommation d'électricité.
À nos yeux, il s'agit d'un problème fondamental. On se sert beaucoup, comme d'un argument, de la comparaison entre le prix de l'électricité en France et son prix dans d'autres pays.
Mais la différence entre le prix du kilowattheure en Allemagne et en France, selon les informations dont je dispose, ne résulte pas d'un écart dans les coûts de production. Elle est liée aux taxes et aux coûts de transport de l'électricité. En Allemagne, en effet, les taxes sont trois fois plus élevées qu'en France : elles représentent 12 % du prix final de l'électricité, contre 4 % en France.
Il faut donc prêter attention au fait que les différences de prix ne résultent pas forcément des choix de production. Elles peuvent dépendre de choix politiques, notamment du niveau des taxes.
Par ailleurs, que le prix du kilowattheure en France soit peu élevé ne signifie pas que le consommateur paie une facture elle aussi peu élevée. En effet, nous consommons beaucoup plus d'électricité que nos voisins.
Je ne vous apprendrai pas que nous avons développé un parc électronucléaire de très grande dimension, que certains disent être surdimensionné. Il a fallu inciter à la consommation d'électricité pour rentabiliser cet investissement.
C'est la raison pour laquelle on a développé le chauffage électrique, qui est aujourd'hui présent dans 30 % des logements français et 60 % des logements neufs.
Selon nous, c'est une catastrophe, puisqu'en période de pointe, le chauffage électrique peut représenter jusqu'à 30 % de la consommation, ce qui est considérable.
Vous m'avez demandé quelles actions devraient être menées pour réduire la consommation d'électricité. Le bâtiment et l'habitat représentant une très grande partie de la consommation, les priorités sont l'isolation et le remplacement du chauffage électrique.
Dans les logements neufs, où sa présence est aberrante, le chauffage électrique doit être banni. Il sera beaucoup plus difficile de le bannir des logements anciens, mais on pourrait étudier la mise en place d'incitations tarifaires.
Aujourd'hui, tous les usagers paient le kilowattheure au même prix, y compris en période de pointe, alors que la pointe résulte pour 30 % du chauffage électrique en période hivernale.
Il ne serait pas inenvisageable de faire payer plus cher les consommateurs qui disposent d'un chauffage électrique. De cette façon, on inciterait non seulement au remplacement des convecteurs électriques par de nouveaux convecteurs plus performants, s'il n'y a pas d'autre solution, mais aussi au développement de solutions collectives de chauffage alternatives à l'électricité.
Pour nous, donc, il est clair que l'effort doit porter prioritairement sur l'habitat.