Intervention de Sophia Majnoni d'Intignano

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 11 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Sophia Majnoni d'intignano chargée des questions nucléaires pour greenpeace france

Sophia Majnoni d'Intignano, chargée des questions nucléaires pour Greenpeace France :

Exactement.

S'agissant des panneaux solaires, quand bien même ils sont fabriqués en Chine, il faut considérer que leur bilan CO2 reste inférieur à celui des combustibles fossiles. Je vous rappelle que l'uranium est extrait un peu partout dans le monde, mais certainement pas en France...

Établir un bilan CO2 consiste à calculer les émissions sur la totalité d'un cycle de vie. Ni le nucléaire ni les énergies renouvelables n'ont un bilan nul, tout simplement parce que l'extraction et le transport des matières premières nécessitent de l'énergie.

Par ailleurs, les énergies renouvelables créent davantage d'emplois que le nucléaire. En Allemagne, par exemple, 382 000 emplois directs - sans parler des autres - leur sont liés.

Dans la filière électronucléaire française, même si j'ai l'impression que les chiffres ne sont plus très clairs ces derniers mois, une étude de PricewaterhouseCoopers fait état de 125 000 emplois directs, sans compter les emplois indirects et les emplois induits.

L'ordre de grandeur est donc bien inférieur. Au total, on emploie huit fois moins de personnes en France dans le nucléaire qu'en Allemagne dans les énergies renouvelables.

Je ne suis pas capable de vous dire si nous avons perdu entièrement la filière industrielle du panneau solaire. Je sais qu'il reste quelques producteurs français, même si la Chine est aujourd'hui un producteur important. Mais à supposer même que tous les panneaux solaires soient fabriqués à l'étranger, les besoins liés à l'installation, qui ne sont pas délocalisables, sont ceux qui réclament la plus grande qualité de main-d'oeuvre.

De toute façon, le secteur des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique - si tant est qu'on puisse parler d'un seul secteur - crée aujourd'hui davantage d'emplois que le nucléaire pour un kilowattheure produit.

Quant au chauffage électrique, il provoque dans tous les cas une augmentation de la pointe.

Évidemment, la priorité est d'isoler correctement l'habitat : c'est la façon la plus efficace de lutter contre le gaspillage d'électricité. Mais l'installation de chauffages électriques, notamment dans 60 % des bâtiments neufs, est une catastrophe parce que ces chauffages augmentent la pointe.

Le parc nucléaire français est dimensionné pour faire face à la pointe maximale sur dix ans. Autrement dit, on produit trop d'électricité pendant toute l'année, sauf peut-être le 10 février dernier, où la production n'a pas été suffisante.

Ce système s'autodétruit : alors que nous exportons en permanence une électricité dont l'Europe a peu besoin, nous aurons toujours besoin d'importer parce que l'installation de nouveaux chauffages électriques augmente sans cesse la pointe. Or, tout ce qui augmente la pointe est dommageable pour le prix de l'électricité comme pour la sûreté.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous m'avez demandé à quels organismes nous sommes associés.

Aujourd'hui, à ma connaissance, la seule structure institutionnelle dont Greenpeace soit membre dans le domaine de l'énergie est le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, le HCTISN, dont les attributions concernent davantage la sûreté que la politique de l'énergie de façon générale.

Dans le cadre de ce Haut comité, nous préparons un rapport sur la participation du public aux processus de décision en matière nucléaire. Nous constatons notamment un manque de participation du public à l'échelle sectorielle, c'est-à-dire au-dessus du projet. Autrement dit, si la participation du public est plutôt satisfaisante au niveau du projet, elle est très faible au niveau de la mise en place de la réglementation.

Par exemple, le comité chargé de la programmation pluriannuelle des investissements, la PPI, est composé seulement d'industriels et de quelques associations, dont Greenpeace ne fait pas partie. Dans notre rapport, nous demandons que les comités de ce type soient plus largement ouverts aux associations.

Nous voulons aussi qu'on y fasse entrer d'autres experts que des techniciens, comme des sociologues, des politologues ou des économistes. En matière nucléaire, en effet, les enjeux ne sont pas seulement techniques. La question se pose aussi de l'acceptation du risque. Il est donc important que des sociologues, par exemple, puissent aussi être consultés.

Comme vous pouvez le constater, Greenpeace est assez peu associée à ce type de réflexions.

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