Intervention de Bruno Patino

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 24 janvier 2022 à 15h30
Audition de Mme Delphine Ernotte cunci présidente de france télévisions Mme Sibyle Veil présidente-directrice générale de radio france et M. Bruno Patino président d'arte

Bruno Patino, président d'Arte :

Il peut arriver à France Télévisions et Arte la même chose sur les télécommandes que ce que vient de décrire Sibyle Veil dans les voitures. Des accords particuliers peuvent être passés entre les constructeurs et les grandes plateformes mondiales, dont la force de frappe financière est considérable, pour que les boutons d'accès aux plateformes arrivent en première position sur les télécommandes. Nous en revenons à l'économie de l'accès et à la question de la découvrabilité.

Je m'inscris totalement en écho de ce qui vient d'être dit. Je n'ai pas à donner d'avis sur le projet de fusion entre TF1 et M6. Nous voyons les économies d'échelle qui peuvent en résulter. Je ne sais pas ce que cela peut donner en matière d'effets de réseau ou de position par rapport aux plateformes.

Si les règles du jeu définies par Delphine Ernotte sont bien en place, de façon à éviter les effets d'éviction, nous n'y voyons pas de conséquences lourdes.

Les salariés d'Arte qui ont quitté Arte dernièrement ont été « chassés » par des plateformes américaines, non par TF1 ou M6. Il en va de même pour les évictions qui se sont produites sur des concerts avec lesquels nous avions des accords, comme pour les luttes relatives aux liens avec les auteurs et les créateurs de fictions. C'est cette asymétrie qui pèse. Nous avons parfois l'impression d'être un centre de formation de football, qui fait éclore des talents qu'il craint de voir partir vers les plateformes. Cette asymétrie et cette concurrence, nous les vivons chaque jour.

En revanche, la position concurrentielle de ce qui serait un groupe TF1/M6 consolidé ne nous apparaît pas clairement.

Par ailleurs, si nous ne pouvons pas être présents dans l'usage de la plateformisation, n'imaginons pas que le service public restera dans son rang.

Les plateformes développent ainsi les offres synchrones en vidéo. Ces possibilités technologiques permettent de regarder ensemble une série - l'extension Netflix Party, par exemple -, mais vont aussi jusqu'au visionnage synchrone d'événements sportifs. Même si elles ne créeront pas du live en permanence, les grands moments de synchronisation auront lieu aussi sur les plateformes.

Par conséquent, si l'on ne permet pas au service public, par la régulation et par une capacité d'investissement technologique, d'entrer dans cet usage, on deviendra seulement des médias d'habitude pour un public vieillissant.

Or tout montre que, si l'on s'accole aux bons usages, on est parfaitement reçu par les publics les plus jeunes. La grande surprise d'Arte ces dernières années est d'être devenue un média jeune, chez les lycéens et les collégiens - sur des programmes engagés, mais aussi sur de grandes séries documentaires. Cela a été rendu possible par le fait que nous collons à leurs usages. Il faut donc nous laisser cette possibilité de faire.

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