Intervention de Jean-Marc Todeschini

Mission commune d'information sur le sport professionnel — Réunion du 6 novembre 2013 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean-Marc Todeschini et dominique bailly auteurs d'un rapport d'information fait au nom de la commission des finances et de la commission de la culture sur le financement public des grandes infrastructures sportives

Photo de Jean-Marc TodeschiniJean-Marc Todeschini :

Le rapport que nous avons établi est issu des travaux de contrôle que j'ai pu mener, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, sur la question du financement public des grands équipements sportifs - notamment par le Centre national pour le développement du sport (CNDS) - et la construction et la rénovation des stades de l'Euro 2016 de football.

Dominique Bailly a, quant à lui, mis en place dans sa commune d'Orchies un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pour la construction d'une salle de basket-ball. Il a donc une expertise certaine des écueils que peuvent rencontrer les collectivités territoriales en matière de financement.

J'approuve ce qu'a affirmé Claudy Lebreton lors de l'audition précédente : les collectivités territoriales subissent effectivement des pressions et c'est de ce fait que nous sommes partis pour élaborer notre rapport. Nous nous sommes également appuyés sur divers travaux tels que les rapports de David Douillet et de Bernard Depierre, députés, et la vaste étude de la Cour des comptes sur les clubs sportifs professionnels et les collectivités territoriales.

Nous avons, avec Dominique Bailly, mené de nombreuses auditions et effectué plusieurs déplacements.

Le constat a été souvent dressé mais on ne peut que le répéter : les clubs d'élite des principaux sports pratiqués en France évoluent dans des stades et des salles de capacités relativement limitées. Ainsi pour le football, la capacité moyenne des stades de Ligue 1 s'établit à un peu plus de 29 000 places - contre, par exemple, plus de 38 000 en Premier League anglaise - et en Pro A de basket-ball, une salle moyenne accueille 4 500 spectateurs.

On peut également remarquer que le plus grand stade - le Stade de France - et la plus grande aréna - le Palais omnisport de Bercy (POPB) - construits en France n'ont pas de club résident. Valérie Fourneyron, ministre des sports, a engagé l'an passé un bras de fer avec le consortium de gestion du Stade de France, pour suspendre la compensation financière versée au titre d'absence de club résident. Quant au POPB, ses dirigeants considèrent une telle absence comme un atout, les 35 événements sportifs annuels étant envisagés comme des événements parmi d'autres.

Un rapide examen du statut des stades et des salles des clubs d'élite confirme la prédominance du modèle public en France : 19 des 20 stades de Ligue 1, 12 des 14 stades du Top 14 et la totalité des 18 salles utilisées en Pro A de basket-ball appartiennent à des collectivités. S'il existe une diversité un peu plus forte pour ce qui concerne les modes d'exploitation, le modèle dominant étant celui de l'exploitation par la collectivité elle-même, le club résident n'est, dans un tel schéma, qu'un simple locataire acquittant une redevance.

Il résulte de ce qui précède que les propriétaires d'enceintes sportives utilisées par des clubs professionnels - c'est-à-dire presque toujours des collectivités - se retrouvent à la croisée de pressions de diverses origines pour agrandir ou améliorer à leurs frais cet équipement.

Des pressions peuvent évidemment s'exercer à l'occasion de l'organisation en France de grandes compétitions internationales. Il faut souligner que les cahiers des charges des organisateurs de ces compétitions sont de plus en plus fournis. Le préfet Lambert, que nous avons entendu, a relevé que le cahier des charges de la Coupe du monde de 1998 comptait 15 pages, contre 500 pour celui de l'Euro 2016. Les exigences relatives aux stades d'accueil sont beaucoup plus fortes que par le passé. Il est vrai que les villes peuvent choisir de ne pas postuler.

On a atteint de tels niveaux que l'Union des associations européennes de football (UEFA) a décidé qu'après l'Euro 2016, l'Euro 2020 n'aurait pas lieu dans un seul pays, mais dans plusieurs villes européennes dotées d'infrastructures opérationnelles. Il sera en effet de plus en plus difficile de trouver un pays acceptant d'investir seul des montants nécessaires à une telle opération.

Hors des grands événements, les fédérations et les ligues, nationales ou européennes, ont également des exigences croissantes. Certes en France, les fédérations et les ligues ne peuvent imposer en matière d'équipements sportifs des règles dictées par des impératifs d'ordre commercial, mais on voit fleurir les licences club ou les labels stades fondés sur des critères commerciaux. À défaut de conditionner l'engagement des clubs en compétition, le respect de certaines de ces normes conditionne l'attribution d'une partie des droits télévisuels, ce qui engendre une véritable pression.

En Europe, les organisateurs ont moins de scrupules et peuvent conditionner l'inscription de clubs au respect des normes commerciales ou télévisuelles dans l'enceinte d'accueil. Pour l'année sportive en cours, il est particulièrement significatif que les trois champions nationaux 2013 n'évoluent pas dans des lieux conformes au cahier des charges européen.

Ainsi en basket-ball, Nanterre devra quitter le palais des sports municipal pour se rendre à la Halle Carpentier, à Paris, afin de jouer l'Euroligue, cette salle ayant dû elle-même subir des réaménagements.

En handball, le PSG Hand évoluera également à la Halle Carpentier et non à Coubertin, sa salle habituelle pour disputer les autres compétitions.

En volley-ball, la salle Robert Grenon du Tours-Volley ne respecte pas davantage le cahier des charges de la ligue des champions. Les tourangeaux bénéficieront néanmoins d'une dispense pour la saison en cours, mais ont été invités à trouver une autre solution dès l'année prochaine s'ils devaient de nouveau se qualifier.

Enfin, les pressions subies par les collectivités peuvent être simplement locales, le club étant en droit de faire valoir ses propres besoins de développement, avec un écho médiatique dans la presse régionale qui met la pression sur les élus et les collectivités territoriales.

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