Je serais malvenu de pointer cette difficulté car, à l'AFNIC, nous avons l'habitude d'évoluer dans un monde multi-acteurs. Je pense que nous ne souffrons pas de la CNIL. Au contraire, c'est un atout offensif pour mettre en exergue notre avance en matière de protection des données. D'ailleurs, nous avons exporté notre système au Canada et aux Pays-Bas. Ce cadre juridique ne cause pas de déficit de compétitivité.
Un dernier point concerne la résilience et la sécurité. Par conséquent, j'ose aborder la question de la souveraineté en lien avec l'utilisation d'Internet. Dans plusieurs exemples, l'absence d'acteurs européens suffisamment importants pose problème face à l'apparition de failles de sécurité sur le DNS. Lorsque cela se produit, les Américains travaillent en groupe pour résoudre les failles, alors que les acteurs européens ne découvrent le problème que lorsque les Américains proposent la mise à jour, ou seulement quelques jours avant. Il apparaît donc indispensable de promouvoir au niveau européen des acteurs pouvant atteindre une taille critique. A ce sujet, les acteurs privés ne sont pas suffisamment reconnus comme pouvant être des partenaires pour construire les plans de réaction à de telles attaques.
C'est actuellement le bon moment pour réagir pour l'Union européenne, l'affaire Snowden ayant fait l'effet d'une secousse sismique. Si l'on reprend la chronologie des événements, il y a d'abord eu la réunion de Dubaï qui a conduit les acteurs à se situer pour ou contre une gouvernance onusienne de l'Internet ; l'affaire Snowden a ensuite fait perdre toute légitimité morale aux États-Unis qui, jusqu'alors, se présentaient comme les défenseurs des libertés ; et aura lieu, à la fin de l'année, la réunion plénipotentiaire de l'UIT, qui est l'équivalent d'une renégociation d'un traité international.
Dans l'intervalle se tiendra la conférence Netmundial, initiative brésilienne originale, à l'invitation de la présidente Dilma Rousseff, co-organisée par le président de l'ICANN dans un schéma original.
À ce propos, j'en profite pour vous signaler que Fadi Chehadé, le président de l'ICANN, sera de passage à Paris à la fin du mois de février. Il serait probablement intéressant que vous l'entendiez dans le cadre de cette mission.
L'objectif de cette réunion au Brésil est de définir des principes de gouvernance, une feuille de route. J'ai moi-même été sélectionné pour participer à un comité chargé de définir les orientations de cette réunion et représenter la communauté technique. Louis Pouzin fait partie du même comité, au titre de la société civile. La France y sera également représentée.
Cette réunion signifie que la question de la supervision de l'Internet par le Gouvernement américain est ouverte et qu'elle n'est pas encore refermée - ce dont je suis surpris -, en rupture avec l'adage habituellement observé : « If it's not broken, don't fix it ».