Le groupe du RDSE a souhaité que le Sénat mène une réflexion sur l'impact concret des décisions réglementaires et budgétaires de l'État sur l'équilibre financier des collectivités locales. Il nous a paru pertinent d'aborder ce sujet, volontairement très vaste, pour que soit mise en lumière l'asphyxie que provoquent certaines décisions de l'État, en particulier sur les plus petites collectivités aux ressources techniques et financières limitées.
Il me semble que, loin de mesurer pleinement toutes les conséquences de ses décisions, l'État, au sens large, prend des décisions réglementaires et budgétaires qui se superposent, sont parfois contradictoires et qui imposent toujours davantage de normes et de contraintes budgétaires aux collectivités, au détriment de l'efficacité de l'action publique locale.
Le contexte, nous le connaissons parfaitement : bien au-delà des clivages politiques, nous sommes nombreux au Sénat à partager le triste constat de la difficile situation des collectivités, sommées en permanence de « digérer » d'innombrables décisions.
Il faut distinguer les décisions réglementaires et les décisions budgétaires.
Les décisions réglementaires concernent les décrets et arrêtés imposant des normes aux collectivités locales. Ces normes sont de plus en plus nombreuses, à tel point qu'il n'est même pas possible d'inventorier les normes ou prescriptions applicables aux collectivités territoriales. Elles proviennent de tous les ministères et concernent tous les domaines. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales vient d'ailleurs de rendre un rapport d'information sur « l'addiction aux normes » : il souligne, par exemple, que le code général des collectivités territoriales a triplé de volume en vingt ans et dépasse aujourd'hui le million de mots. La délégation organise d'ailleurs au Sénat les états généraux de la simplification, qui se tiendront le jeudi 16 mars. Cette manifestation est naturellement ouverte aux sénateurs et pourrait nourrir la réflexion de notre mission, d'autant qu'elle présentera les conclusions d'une récente consultation menée auprès des élus sur la question du poids des normes.
Les décisions budgétaires, quant à elles, sont davantage identifiables et circonscrites, mais n'en demeurent pas moins toujours plus pesantes. Essentiellement concentrées sur les textes législatifs de nature financière, ces décisions ont réduit, année après année, la libre administration des collectivités et leur autonomie financière, principes pourtant consacrés dans notre Constitution. Nous examinerons à la fois les décisions budgétaires ayant un impact sur les ressources des collectivités - dotation globale de fonctionnement (DGF), fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), filets de sécurité, dotations, fiscalité locale, etc. -, et les décisions dont l'impact concerne les dépenses des collectivités - contrats de Cahors, revenu de solidarité active (RSA), revalorisation du point d'indice.
Notre objectif sera de déterminer, exemples concrets à l'appui, si ces décisions réglementaires et budgétaires de l'État, telles que je viens de les définir, compromettent ou non l'équilibre financier des collectivités, en particulier sur les communes rurales.
Ce travail nécessite en premier lieu d'examiner le rôle du CNEN. Dispose-t-il des moyens nécessaires pour remplir la mission fixée par la loi, à savoir l'évaluation de l'impact financier, direct ou indirect, des projets de textes qui lui sont soumis ? Est-il en capacité de certifier, de manière indépendante, l'objectivité et la sincérité des études d'impact qui sont présentées par les ministères ? Vérifie-t-il que les projets de textes ont fait l'objet d'une concertation suffisante avec les collectivités locales ? Faut-il développer les liens entre le CNEN et le Sénat pour que ce dernier soit plus souvent alerté en cas d'impact financier important pour les collectivités ? Faudrait-il que le CNEN développe un partenariat avec l'Insee afin de disposer de compétences statistiques et économiques ? Nous poserons toutes ces questions à M. Lambert mardi prochain. Je ne doute pas que vous pourrez utilement compléter nos interrogations.
D'une manière générale, beaucoup d'élus ont le sentiment que l'État prend des décisions budgétaires ou réglementaires dont l'impact financier sur les collectivités est peu ou mal évalué.
Notre mission ne pouvant pas prétendre à l'exhaustivité, nous nous concentrerons sur quelques exemples souvent cités par les élus, par exemple l'impact négatif, sur les finances locales, de la revalorisation du point d'indice ou du RSA. Je pense aussi à l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), dont les décisions peuvent peser sur les dépenses des communes lorsqu'elles agissent en représentantes de l'État.
Concrètement, pour conduire ce contrôle, trois moyens d'information seront mobilisés : des questionnaires et des auditions : outre celle du CNEN, pourront être entendues la direction générale des collectivités locales (DGCL) et les associations d'élus locaux. En outre, nous pourrions organiser un ou plusieurs déplacements à la rencontre d'élus ruraux.