Intervention de Rémi Pellet

Mission d'information Sécurité sociale écologique — Réunion du 9 février 2022 à 17h00
« face au changement climatique quel financement pour la sécurité sociale du 21e siècle ? » – Audition de Mme Nathalie Fourcade secrétaire générale du haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie hcaam et de Mm. Dominique Libault président du haut conseil du financement de la protection sociale hcfips et rémi pellet professeur de droit à l'université de paris et à sciences po paris

Rémi Pellet :

– On ne réduit pas les dépenses actuelles de l’assurance maladie.

Pour le chèque alimentaire, si l’alimentation en produits bio est plus onéreuse, il faudra y consacrer un budget plus important, sauf si le prix de revient de cette catégorie baisse, car il faut rappeler que le recours à l’alimentation industrielle s’explique pour des raisons de prix. Certes, à long terme, il y aura des économies, mais elles sont difficilement quantifiables et hypothétiques.

Je souhaite lever un malentendu car je suis d’accord avec M. Libault, mais non sur les méthodes : aujourd’hui, la sécurité sociale est fondée sur le principe assurantiel d’affectation des recettes à des dépenses. Une assurance tarifie le risque et demande une prime pour le couvrir. Ce principe s’applique aux branches de l’assurance-maladie, la retraite, le chômage, les accidents du travail, avec une cotisation propre à chaque risque, une assiette et un taux particuliers, et son affectation. Ce principe a été maintenu malgré la fiscalisation de la sécurité sociale afin de garantir aux partenaires sociaux que l’État ne détournerait pas ces impôts pour d’autres finalités. L’affectation a permis de légitimer la fiscalisation. Celle-ci a permis d’élargir l’assiette de la sécurité sociale, la CSG taxant les revenus du capital et les revenus de remplacement. Sauf qu’aujourd’hui, la gestion est absurde. Le produit de la CSG est affecté différemment selon les différentes branches. La branche maladie devrait recevoir, en 2022, 49 milliards, la branche famille, 12,7 milliards, la branche autonomie 20,2 et le FSV 18,1 et la CADES, 9 milliards. Chacun de ces destinataires reçoit donc des fractions de CSG, mais cette situation éclatée n’est guère compréhensible, avec des transferts entre branches et un semblant d’équilibre. De plus, le juge européen considère la CSG comme des ressources de sécurité sociale et s’oppose à son prélèvement sur les revenus non nationaux. Je propose de simplifier. La CSG irait au budget de l’État, qui applique le principe de non affectation. Le montant encaissé se traduirait par des dotations de l’État à la sécurité sociale, retracées dans la loi de finances et, en miroir, en recettes dans la LFSS. On confierait à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) la gestion de l’ensemble de l’enveloppe alors que la gestion est distincte aujourd’hui, l’assurance-maladie passant des conventions avec la médecine de ville, tandis que la gestion de l’hôpital est séparée. C’est une erreur qui date de la Libération. L’assurance-maladie devrait piloter et gérer l’ensemble des dépenses et rendre compte au Parlement et aux partenaires sociaux. Je préviens la critique que M. Libault ne manquera pas de faire, à savoir le risque de mainmise du ministère des Finances. Pour moi, l’UNCAM devrait être une agence nationale de santé indépendante.

Dans les Échos du 27 octobre dernier, M. Bruno Le Maire proposait de flécher les recettes fiscales sur les énergies fossiles vers la lutte contre le réchauffement climatique, pour un montant d’environ 35 milliards. Le ministre de l’Économie ne devrait toutefois pas mettre en application cette dérogation au principe de non affectation. Je suis favorable à ce « big bang » budgétaire et fiscal, alors que l’auteur de l’article indique qu’il ne s’agit que d’une piste exploratoire. Pour faire accepter la taxation des produits nocifs et la fiscalité comportementale, il faudrait que l’État garantisse l’affectation des produits encaissés et que cette « taxation écologique » aille bien à des actions écologiques, au sein d’un fonds de prévention qui alimenterait des actions de prévention de toutes natures, qui sont de nature collective, à la différence des branches, lesquelles attribuent des droits individuels.

Il existait un fonds de réserve des retraites qui a été consommé de façon anticipée. Constituer des réserves avec de l’endettement est paradoxal. Aujourd’hui, l’endettement ne coûte rien. Mais, demain, la hausse de l’inflation et des taux vont rendre coûteux l’endettement. Or, la rentabilité du placement des réserves risque d’être inférieure au coût de l’emprunt. Ce serait une situation schizophrénique. Il faut également prendre en compte la dette sociale.

Il faut tenir compte du stock de dettes. L’Allemagne et la France avaient le même taux d’endettement en 2000. Celui de l’Allemagne, après avoir monté, a baissé, tandis que celui de la France n’a jamais diminué. Le plan de relance allemand a eu davantage d’impact que le plan français en raison de l’absence d’endettement. Le différentiel s’est encore creusé après la crise. Certes, l’Allemagne rencontre des difficultés de sous-investissements énergétiques, en étant le premier pollueur d’Europe, contrairement à la France, et ce, grâce à son parc nucléaire. L’augmentation considérable de la dette publique, avec le « quoi qu’il en coûte », certes justifié, a aggravé une situation déjà critique.

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