Intervention de Ségolène Royal

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 7 février 2023 à 18h05
Audition de Mme Ségolène Royal ancienne ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie

Ségolène Royal, ancienne ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Les plateformes de rénovation ont été mises en place avec les collectivités territoriales dans le cadre de partenariats très intéressants et très libres, noués notamment avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). D'ailleurs, tous les territoires à énergie positive ont mis en place de telles plateformes.

Lorsqu'ils décident de faire des travaux, les gens sont souvent un peu perdus : à qui s'adresse-t-on ? Comment cela se passe-t-il ? L'intérêt des plateformes - je pense que c'est toujours le cas -, c'était d'offrir des banques de données. Vous voulez installer une chaudière à bois dans un immeuble collectif : vous consultez ces banques en tapant « chauffage bois », vous obtenez la liste des réalisations homologuées et vous pouvez aller les visiter. C'est irremplaçable pour s'informer, d'autant que les ressources artisanales ne se trouvent pas toujours dans votre territoire. Ainsi, beaucoup d'agriculteurs se sont déplacés pour aller visiter des méthaniseurs : ils voulaient voir comment cela marchait et si cela correspondait à leur potentiel. C'est également vrai pour les opérations d'isolation thermique des bâtiments.

L'erreur, c'est l'arrêt des dispositifs mis en place. C'est tellement difficile, c'est un tel combat d'obtenir un crédit d'impôt face au ministère des finances. Pour ma part, je n'ai cessé d'invoquer la COP21 ; j'ai insisté sur la nécessité d'être à la hauteur de ce rendez-vous en faisant des choses exceptionnelles et c'est ainsi que je suis arrivée à arracher les arbitrages. Voir qu'un tel dispositif s'arrête, au-delà des clivages politiques, c'est désolant. Pour que les gens s'approprient ce crédit d'impôt, il fallait qu'il soit connu, que l'on envoie les instructions, que les artisans et entreprises du bâtiment s'y habituent ; beaucoup de personnes ont programmé des travaux, puis tout s'est arrêté du jour au lendemain. C'est tout un potentiel de développement économique qui a été perdu.

Il en va de même des TEPCV, qui assuraient un soutien financier formidable. J'ai vu nombre de maires et de présidents de communautés de communes présenter, au ministère, ce qu'ils avaient réalisé dans leur territoire : c'était merveilleux. La France et ses ressources locales étaient représentées dans toute leur diversité. Nombre d'élus qui, auparavant, ne connaissaient rien à l'écologie se passionnaient tout d'un coup pour ces sujets, avant d'en venir à la biodiversité ou aux expériences éducatives menées dans leurs écoles. Un sujet si vertueux que l'environnement permet de tirer tout le monde vers le haut.

Tout en apprenant, les élus menaient à bien leurs projets : c'était très gratifiant pour eux. Quant à moi, j'apportais l'argent. On m'avait promis 1,5 milliard d'euros : quand je suis partie, la première enveloppe de 750 millions d'euros devait être complétée par une seconde d'un même montant, mais elle n'a pas été défendue et la décision n'a pas été mise en oeuvre. De ce fait, beaucoup de collectivités n'ont pas pu réaliser leurs projets.

Plus un dispositif est simple, plus il est efficace et plus les gens s'en saisissent. On m'objectait effectivement le risque de fraude auquel nous nous exposions. On avançait également que les gens auraient fait les travaux, même sans crédit d'impôt. Je répondais : s'ils ont un peu plus d'argent, ils feront autre chose et cela fera marcher le bâtiment localement. Où est le problème ? On m'opposait alors le risque de factures truquées. J'entendais de tels arguments lors des arbitrages interministériels ; mais on ne met pas en place une action politique en s'occupant des fraudeurs. Comment avance-t-on si l'on commence à soupçonner tout le monde de fraude ? Il vaut mieux une ou deux bonnes sanctions, qui auront un effet dissuasif général.

Telle ou telle entreprise a-t-elle fraudé ? Je ne sais pas. Ce qui est vrai, c'est que, quand vous faites refaire votre fenêtre, vous faites repeindre la pièce : en résulte un effet d'entraînement pour la filière du bâtiment. Avec 1,5 milliard d'euros de déduction fiscale, on a dû créer 8 à 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour les industries du bâtiment. J'y insiste, après avoir changé vos fenêtres, vous faites refaire la peinture, vous faites l'isolation des combles, puis vous changez de chaudière.

Au ministère des finances, on me disait que ce crédit d'impôt coûtait 1,5 milliard d'euros. Je répondais qu'une telle mesure ne coûte pas, mais qu'elle rapporte. Sur ces 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires, il y a des impôts et des cotisations sociales. Il faut prendre en compte tout ce retour sur investissement.

Le crédit d'impôt était de 30 % ; c'était raisonnable. Pour être remboursé de 8 000 euros, il fallait dépenser 24 000 euros en travaux : les gens étaient incités à faire plus de travaux et, surtout, à commencer par l'isolation des fenêtres.

Si vous voulez améliorer votre intérieur, vous pouvez très bien vous dire : « Je n'ai pas les moyens d'isoler les fenêtres, mais je vais donner un bon coup de peinture et acheter des meubles sympas. » Or, en isolant les fenêtres, vous économisez de l'énergie, vous limitez la production de CO2 et vous participez à la protection de la planète. C'était bel et bien un cercle vertueux.

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