Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, mes chers collègues, je vous remercie beaucoup de me laisser l'occasion d'exprimer mon point de vue sur cette lourde question qu'est le dopage.
Je suis professeur de psychopathologie à l'université de Bordeaux Segalen, où je dirige le laboratoire « psychologie, santé et qualité de vie ». Je travaille depuis une quinzaine d'années sur les comportements à risques, ainsi que sur les conduites de consommation, en milieu scolaire et dans le domaine sportif.
J'ai été amené à travailler sur la question des liens entre la consommation de substances dopantes et la pratique sportive. J'axerai mon propos sur les aspects psychopathologiques de la question, s'agissant en particulier des adolescents.
En 2010, j'ai participé, à la demande de l'Académie de médecine, à l'élaboration d'un rapport sur l'état des lieux des connaissances sur le dopage et les pratiques dopantes, essentiellement chez les adolescents, à partir d'un recensement des littératures nationale et internationale. Dans ce travail scientifique et universitaire, il s'agissait de faire un bilan des connaissances, à partir d'aspects consensuels et d'autres plus controversés, et de repérer les facteurs associés, voire les facteurs de risques et les déterminants.
Il est apparu que les comportements dopants ne sont pas si rares que cela chez les adolescents. Ils ne concernent pas seulement les adolescents engagés dans une pratique d'excellence, mais aussi ceux qui ont une pratique du sport plus récréative.
Ces conduites sont déterminées par des facteurs propres à certains types de sports, basés notamment sur l'aspect corporel ou la recherche de la performance. Elles peuvent être liées à des modalités de la pratique, telles que l'hyperspécialisation du sport.
Les aspects individuels propres aux adolescents - tels que l'âge, le genre (les garçons sont deux fois plus à même de prendre ce type de produits), etc. - m'ont particulièrement préoccupé. La prise de produits dopants correspond souvent à une poly-consommation, qui s'étend bien au-delà des produits dopants reconnus. Des facteurs psychologiques, tels qu'une faible estime de soi ou l'anxiété, semblent par ailleurs associés à ce type de consommation.
Certains jeunes se trouvent également dans une conduite transgressive, sans doute déterminée par des attitudes et des représentations sociales singulières et spécifiques vis-à-vis des produits dopants.
L'objectif du rapport de l'Académie de médecine était d'aider la mise en place de programmes de prévention du dopage et de lutte contre le dopage. La question du dopage s'étend toutefois bien au-delà du domaine sportif, si l'on en juge par exemple d'après l'importance du culte de la performance dans la société.