Intervention de David Fayon

Mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet — Réunion du 28 janvier 2014 : 1ère réunion
Audition de M. David Fayon administrateur des postes et des télécoms auteur de géopolitique d'internet : qui gouverne le monde ? 2013

David Fayon :

Qui détient le pouvoir sur Internet ? Quelle place occupe l'Europe, et la France en particulier, dans sa gouvernance ?

Je commencerai par quelques jalons de l'histoire encore récente d'Internet. De 1945 à 1985, une première période de l'informatique est centrée sur le matériel, avec IBM pour leader et Apple comme principal challenger, qui travaille sur l'ergonomie de la machine et son interface avec l'utilisateur ; la France est présente, grâce au Plan Calcul, qui est à l'origine d'entreprises comme Bull et SSII. Une deuxième période court de 1985 à 2005, centrée sur le logiciel, avec Microsoft comme leader et Linux comme challenger, qui travaille sur le logiciel libre, l'open source ; la France est peu présente, à part sur l'industrie du jeu. Nous vivons depuis 2005 dans une troisième période, centrée sur les données et dominée par Google, avec Facebook comme principal challenger, qui travaille sur l'exploitation des données à des fins de ciblage marketing ; la France dispose d'atouts, en particulier dans l'algorithmique, mais aucune entreprise de taille suffisante, ce qui vaut pour l'Europe tout entière. Nous en restons à une logique de start up, engoncés dans une logique cartésienne plutôt que de suivre un comportement pragmatique qui commanderait d'incuber davantage de start up et de les encourager à croître, quitte à ce que beaucoup n'atteignent pas la taille critique - en escomptant que, parmi les start up d'aujourd'hui, il y a les pépites de demain. Amazon a ainsi mis cinq ans avant de dégager un bénéfice...

Car l'économie du numérique, d'après une étude du cabinet McKinsey de 2011, représente déjà un quart et représentera demain la moitié de la croissance mondiale ; le numérique fonde une quatrième révolution, après celles de l'agriculture, de l'industrie et des services ; l'affaire Snowden a révélé au grand public les risques d'exploitation liberticide des données - même si, personnellement, je craindrais moins un « Big Brother » qu'une multiplication de « Small Brothers » aux mains de mafias aussi diverses que malfaisantes. Les notions de brouillage et de cryptage sont cependant bien plus anciennes qu'Internet et ont joué un rôle concret pendant la Deuxième Guerre mondiale, ou encore pendant la guerre d'Irak, lors de l'opération Tempête du Désert. Ce que l'affaire Snowden a cependant montré, c'est l'omnipotence américaine sur Internet, avec les organismes comme l'ICANN - mais aussi l'émergence de nouveaux ensembles, comme la Chine et la Russie, peut-être bientôt le Brésil, qui disposent chacun d'un intranet régional, au risque d'une « balkanisation » d'Internet.

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