Intervention de Pierre Radanne

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 7 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Radanne expert des questions énergétiques et écologiques

Pierre Radanne, expert des questions énergétiques et écologiques :

On pouvait faire des réglages subtils. Par exemple, l'électricité est encore produite avec du pétrole dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer, ainsi qu'en Corse, soit pour deux millions d'habitants ; dans ces zones où la pointe de consommation d'électricité est liée à la climatisation, il fallait fixer un tarif de rachat élevé. Il y avait des niches à travailler, et les conditions de développement de la filière étaient gérables. Mais il ne fallait pas pousser à la transformation de terres agricoles en fermes photovoltaïques ; ce n'est pas une idée sérieuse.

Je reprends un argument que j'ai déjà avancé : la faiblesse française, c'est malheureusement l'absence de constance des politiques, alors même que ces sujets sont stratégiques, et le seront encore davantage à l'avenir.

S'agissant de la sortie du nucléaire, je ressens une souffrance : je suis profondément choqué et bouleversé par le manque de sérieux et de professionnalisme dont il a été fait état depuis un an.

Les services publics, les différents ministères n'ont pas réalisé de comparaison sérieuse des options. Nous avons été abreuvés de scénarios souvent non chiffrés - en tout cas du point de vue financier, ce qui, par les temps qui courent, constitue tout de même un léger défaut - par les différents opérateurs : l'Union française de l'électricité ou Réseau de transport d'électricité, par exemple. L'État a publié le rapport « Énergie 2050 », mais ce dernier repose uniquement sur des consultations d'experts, sans calcul de quelque nature que ce soit. L'association négaWatt a présenté un scénario, mais sans chiffrage ni comparaison avec les autres scénarios. Enfin, un certain nombre d'acteurs ont lancé des chiffres dans les médias - vous avez cité les chiffres allemands, mais des chiffres français aussi peu sérieux ont été avancés.

La sortie du nucléaire ne constitue pas un surcoût. Si on suit mon raisonnement initial, cette sortie ne revient pas à détruire du capital mais à remplacer des ouvrages en fin de vie. Dès lors, qu'on reste dans le nucléaire ou qu'on en sorte, il faut investir.

Des calculs ont déjà été effectués. De mon côté, j'ai repris ce travail de façon sérieuse, car j'estime qu'on ne peut pas s'en tenir à la situation actuelle. J'ai constitué une équipe de cinq personnes qui travaillent sur le sujet, afin d'établir des scénarios impartiaux d'ici à la fin de l'été.

Le travail est énorme. Il s'agit de comparer tous les scénarios - pronucléaires, avec peu de nucléaire, avec beaucoup d'énergies renouvelables, avec beaucoup d'économies d'électricité, etc. - dans les mêmes conditions. Tant que cet exercice n'aura pas été fait, le débat reposera sur du vent...

Les investissements que la France devra réaliser seront de l'ordre de 500 milliards d'euros. Toutefois, je le répète, cette somme ne constitue pas un surcoût, puisqu'elle correspond au remplacement d'équipements en fin de vie tant du côté de l'offre - de la production d'énergie - que du côté de la demande. Il faudra renouveler des équipements de chauffage, des véhicules, des infrastructures de transport. Quels choix ferons-nous pour chacun de ces secteurs ?

Lorsque j'aurai achevé mon étude, je la ferai expertiser par des pairs issus de différents pays, car nous devons sortir du jeu malsain dans lequel nous sommes aujourd'hui.

D'après les études déjà réalisées, les coûts ne diffèrent pas significativement selon qu'on remplace les réacteurs en fin de vie par de nouveaux réacteurs ou par d'autres moyens de production. En revanche, un facteur joue considérablement : le niveau d'économies d'énergie. En clair, plus on intègre d'économies d'énergie dans un scénario, meilleur il est, quel que soit le mode de production choisi.

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