Intervention de Amélie de Montchalin

Commission d'enquête Cabinets de conseil — Réunion du 19 janvier 2022 à 16h30
Audition de Mme Amélie de Montchalin ministre de la transformation et de la fonction publiques

Amélie de Montchalin, ministre :

La réforme de la haute fonction publique est multiforme. C'est une réforme du recrutement, dans la mesure où nous cherchons à attirer des profils plus diversifiés, notamment par le concours spécial « docteurs » qui a été institué pour faire venir des chercheurs au sein de l'administration. Nous souhaitons également recruter dans les universités, hors de Paris, pour diversifier notre vivier, grâce au concours « Talents ». Nous ouvrons aussi les recrutements pendant la carrière, pour lever tout frein au recrutement de personnes compétentes à des postes de direction de management, dans l'administration, même si elles sont contractuelles. La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique le permet.

La réforme de la haute fonction publique change profondément la formation de nos hauts fonctionnaires, qu'ils soient issus de l'une des quatorze écoles de service public ou de l'un des cinq corps de sortie de l'École polytechnique. Cette réforme de la formation s'appuie sur un tronc commun organisé en cinq modules portant sur la transition écologique, la transition numérique, les valeurs de la République, les enjeux d'inégalité et de pauvreté et les enjeux de rapport à la science et à la technologie. Nous étudions la possibilité de créer un sixième bloc de compétences sur la capacité à être chef de projet. En effet, c'est en ce sens que l'administration évolue.

La réforme vise aussi à développer une véritable stratégie de formation continue interministérielle et ministérielle, pour que les compétences soient mises à jour au fil du temps.

Enfin, la réforme porte sur l'organisation même de l'administration. Elle prévoit la fin des corps qui pouvaient rigidifier les recrutements, notamment dans les inspections générales. Elle crée, à la place, un corps unique d'administrateurs de l'État pour favoriser la circulation des compétences entre ministères, telle qu'elle était déjà souhaitée dans l'ordonnance de 1945.

Le but est donc que l'État se montre beaucoup plus clair sur les besoins auxquels il doit faire face, sur les compétences qu'il souhaite attirer et sur son organisation interne, pour que les logiques administratives passées, ou bien le mimétisme, n'empêchent pas de réorganiser notre administration en la rendant capable de conduire des projets. Nous savons, en effet, que des cabinets de conseil extérieurs ont souvent été mobilisés pour gérer des projets parce que nos structures administratives ne pouvaient pas le faire, empêchées par des questions liées aux ressources humaines.

Quant à la seconde question, nous pourrions diaboliser symboliquement le recrutement d'anciens consultants dans l'administration. Je crois, au contraire, que c'est une bonne pratique porteuse d'un véritable enrichissement. Ceux qui viennent dans notre administration en acceptent le fonctionnement, en matière d'évaluation, de déontologie, de droits et de devoirs des agents publics. Leurs compétences enrichissent, dans les missions qu'ils ont à mener, notre capacité à mener des projets. Il s'agit là d'une passerelle très intéressante.

En outre, les anciens consultants qui sont recrutés par la DITP poursuivent leur carrière dans les différents ministères. Je pourrai vous fournir des éléments plus précis par écrit.

Nous avons également souhaité renforcer l'attractivité des métiers du numérique, en lançant une plateforme et en adoptant une stratégie innovante pour que l'État puisse recruter les meilleures compétences. La première mission que j'ai confiée à la direction interministérielle du numérique (DINUM) vise à rendre le recrutement attractif. Quelque 400 postes sont ouverts chaque année. Par le renouvellement des contrats, nous procédons également à des milliers de recrutements. Nous avons revu les grilles salariales. Nous avons surtout créé des programmes très innovants, notamment celui des entrepreneurs d'intérêt général, c'est-à-dire des personnes qui sont recrutées pour une mission bien spécifique par la DINUM. Une quarantaine d'entre elles sont ainsi déployées dans les ministères, chaque année. Nous en sommes à la cinquième promotion.

Alors qu'elles sont initialement recrutées pour dix mois, 64 % de ces entrepreneurs d'intérêt général finissent par rester dans l'administration et 45 % y sont encore trois ou quatre ans plus tard. Nous avons lancé la première promotion il y a trois ou quatre ans. Un peu moins de la moitié est encore dans l'administration.

Notre ambition n'est pas de remettre en question les règles de déontologie. Toutefois, si nous voulons que l'administration puisse ne pas dépendre de l'extérieur et renforcer sa capacité à piloter des projets, il faut que nous puissions recruter des personnes compétentes.

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