directeur recherche et développement, directeur technique, groupe EDF. - La sûreté est la priorité numéro un d'EDF, exploitant nucléaire responsable. Nous avons pris bonne note des annonces gouvernementales concernant l'évolution de l'organisation du contrôle de sûreté, sur laquelle il ne nous appartient pas, en tant qu'EDF, de nous positionner.
Il existe à l'international, comme cela a été précédemment évoqué, des pratiques différentes dans ce domaine, qui ont fait la preuve de leur bon fonctionnement. Certaines sont très proches de l'organisation envisagée : on pense à la NRC, à l'Office for Nuclear Regulation (ONR) britannique, à la STUK finlandaise ou encore à l'autorité de sûreté japonaise rénovée après Fukushima. EDF est confiant dans le fait que la très haute qualité du contrôle de sûreté en France sera maintenue, voire accrue dans le cadre de la nouvelle organisation.
Je souhaiterais vous faire part de nos attentes, basées sur le retour d'expérience d'exploitation de nos réacteurs. Pour assurer son rôle d'exploitant nucléaire responsable, EDF est attaché à une organisation du contrôle de la sûreté compétente, expérimentée techniquement, impartiale et indépendante tant vis-à-vis de l'exploitant que de l'ensemble des parties prenantes, quelles qu'elles soient.
Cette organisation doit aussi être porteuse de règles et de pratiques techniques de contrôle évoluant dans un cadre fixé, stable, notamment décennal, hors faits nouveaux à caractère exceptionnel, de façon à donner aux exploitants le temps nécessaire pour une bonne appropriation industrielle et humaine.
Elle doit en outre être à l'écoute des dispositions prises à l'international par des organisations de contrôle similaires et réceptive à une homogénéisation internationale des meilleures pratiques.
EDF attend également de cette organisation qu'elle soit transparente et ouverte à des échanges techniques fluides dans la phase d'instruction, préalablement à l'élaboration et à la validation de ses avis, publiés par un porte-parole unique.
Elle devra être forte de ressources suffisantes, dont elle aura la maîtrise, lui permettant d'accéder à des moyens d'expertise internes ou externes avec lesquels elle contractualiserait, compte tenu des besoins importants à venir : exploitation à long terme des réacteurs, instruction des projets EPR, SMR, voire d'autres types de réacteurs. Je voudrais signaler, pour vous donner des ordres de grandeur de la charge de travail à mener, que le volume des travaux d'une quatrième visite décennale sur le palier 900 mégawatts représente cinq fois celui d'une troisième visite décennale. Les investissements réalisés sur notre parc nucléaire en exploitation ont été multipliés par deux en dix ans. L'instruction de sûreté des réacteurs EPR2 et NUWARD est également devant nous. Il faudra aussi prévoir des ressources pour les réacteurs innovants : à sels fondus, haute température, sodium, plomb ou autres, et veiller à ce que cette question des ressources ne constitue pas un goulet d'étranglement pour le développement de ces projets, du fait d'une insuffisance de moyens de l'autorité de contrôle.
EDF reconnaît l'apport du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité du nucléaire (HCTISN) pour garantir et promouvoir la transparence de l'information sur la sécurité du nucléaire.
EDF souhaite que les règles et procédés techniques de contrôle de sûreté restent à la pointe technologique des meilleures pratiques disponibles et continuent, pour ce faire, à évoluer en renforçant les exigences, grâce aux avancées techniques issues du retour d'expérience en France et à l'international, ainsi que par la R&D.
Pour autant, les résultats de recherche doivent acquérir la maturité industrielle nécessaire avant d'être intégrés dans les règles techniques du contrôle. Le temps de la R&D et celui du contrôle ne sont pas les mêmes. À ce titre, EDF souhaite que l'autorité de contrôle puisse commanditer les activités de recherche qu'elle juge pertinentes et décider du moment opportun de leur intégration dans les règles et pratiques de contrôle. EDF est favorable à la séparation entre la maîtrise d'ouvrage - au sens cahier des charges, budget dédié et calendrier - de la recherche et les activités de réalisation de celle-ci. Aussi, l'évolution de l'organisation conduisant à mobiliser préférentiellement les compétences du CEA pour la réalisation des activités de recherche nous paraît aller dans la bonne direction.
Il est important aussi que la nouvelle ASN puisse disposer des ressources techniques lui permettant de jouer son rôle de maîtrise d'ouvrage de la recherche et de choisir les acteurs avec lesquels contractualiser.
Le CEA devra également qualifier la séparation entre les activités de R&D effectuées pour le compte de l'exploitant et celles conduites pour le compte de l'ASN, afin d'éviter tout conflit d'intérêts.
En matière d'innovation, EDF constate l'émergence d'innovations et évolutions technologiques qui pourraient avoir des impacts directs ou indirects dans le nucléaire. Citons par exemple le numérique, l'intelligence artificielle, la fabrication additive, les nouveaux matériaux, les systèmes passifs ou les nouveaux petits réacteurs que j'évoquais précédemment. À ce titre, EDF souhaite que la nouvelle organisation du contrôle de sûreté permette d'intégrer ces innovations et est favorable à la mise en place de modalités progressives d'instructions de sûreté : prototypage, installations pilotes, installations de série, à l'instar de ce qui existe dans d'autres industries de pointe.
EDF considère par ailleurs avoir eu avec l'IRSN des collaborations techniques fructueuses sur la mise au point de codes de calcul français élaborés et utilisés pour le dimensionnement et la vérification des installations. Ce travail mené en commun optimise l'utilisation de ressources rares et permet une compréhension partagée des phénomènes physiques à étudier hors du cadre du contrôle de sûreté. Nous recommandons que ces coopérations sur les codes de calcul soient préservées dans la nouvelle organisation.
En conclusion, EDF constate que la nouvelle organisation envisagée pour le contrôle de sûreté se rapproche de schémas déjà pratiqués à l'international et ayant fait la preuve de leur succès. EDF considère que cette nouvelle organisation est une opportunité pour poursuivre et amplifier la démarche de progrès lancée voici plusieurs années avec la création de l'Autorité de sûreté nucléaire indépendante, tout en lui donnant pleinement en complément la maîtrise et le pilotage des ressources consacrées au contrôle. À ce titre, la prise en compte des recommandations que je viens d'énoncer nous semble constituer une voie d'amélioration pour exploiter en toute sûreté, dans la durée, avec les meilleures technologies disponibles, notre parc de réacteurs existants et futurs.
En tant qu'exploitant nucléaire responsable, EDF se tient à la disposition, le moment venu, des trois acteurs désignés par la ministre : ASN, IRSN et CEA, pour la déclinaison de la nouvelle organisation.