Intervention de Bernard Salha

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 16 février 2023 à 10h30
Nouvelle organisation du contrôle et de la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection

Bernard Salha, directeur technique, groupe EDF :

Je souhaite répondre aux questions relatives à la fluidité et à la notion d'instruction technique. Il faut que vous réalisiez le volume d'activité que les équipes d'EDF consacrent à l'exploitation des réacteurs et en particulier aux analyses de sûreté. Plusieurs milliers d'ingénieurs travaillent aujourd'hui sur ces dossiers. L'instruction menée, en lien avec l'autorité de sûreté, s'effectue dans le cadre d'un dialogue technique constant. Ce dialogue s'effectue en direct avec l'ASN dans le cadre des appareils sous pression : l'expertise technique est alors complètement embarquée dans les structures de l'autorité de sûreté dans sa forme actuelle, avec des échanges extrêmement pointus et une expertise de très haut niveau, des deux côtés. Les experts de l'ASN en matière de matériaux n'ont en effet rien à envier aux experts d'EDF et de l'industrie métallurgique française, voire internationale. Nous avons aussi avec les collègues de l'IRSN des échanges extrêmement spécialisés sur d'autres sujets de l'instruction de sûreté. Ainsi, la discussion implique trois acteurs, ce qui induit une forme de complexité.

Un point de rapprochement se fait jour, sur lequel j'aimerais insister, autour du groupe permanent d'experts, instance qui réunit des représentants de l'ASN, de l'IRSN, de la société civile et des anciens de l'industrie, y compris d'anciens exploitants. Cette entité permet d'avoir de réels débats et de mettre sur la table au niveau des experts, si sophistiquées que soient les questions soulevées, un vrai dialogue technique.

Nous sommes vraiment très attachés à ce que, quelle que soit l'organisation à venir, ce dialogue se poursuive et soit même mieux ordonnancé en termes de nomination des experts qui y participent, sous la direction et le pilotage de l'autorité de sûreté, et au niveau des dossiers susceptibles d'y être présentés.

Qu'entend-on par fluidité ? S'agit-il d'une simplification ? La fluidité consiste à faciliter ce dialogue, mais aussi à être en capacité d'utiliser les meilleures techniques disponibles exploitables. Nous avons fait progresser la sûreté de nos réacteurs au fil du temps. La démarche conduite aujourd'hui avec les quatrièmes visites décennales de nos réacteurs de 900 mégawatts consiste finalement à les amener quasiment au même niveau de sûreté que les réacteurs EPR. Il s'agit d'un vrai défi, qui nous a conduits, en tant qu'exploitant, à prendre en compte des innovations technologiques que nous avons intégrées directement dans les réacteurs. Ceci mérite selon moi d'être souligné.

Le temps de la recherche et celui de l'exploitation ne sont pas les mêmes. La recherche évolue sans cesse et ne doit pas être bridée. Lorsque nous effectuons une modification sur l'un de nos réacteurs, il faut plus de dix ans avant qu'elle touche l'entièreté d'un palier. Vous imaginez bien qu'il n'est pas possible à la recherche de s'adapter à cette vitesse de déploiement. Il faut par conséquent que l'ASN, quelle que soit l'organisation retenue, ait la maîtrise d'ouvrage de cette recherche, c'est-à-dire qu'elle en assure le pilotage, puisse définir les enjeux, décider des moyens et des acteurs qu'elle sollicite, qu'ils soient internes ou externes. N'ayons pas la prétention de penser que d'autres acteurs internationaux seraient moins compétents que nous en termes de recherche et qu'il ne serait pas intéressant de faire appel à eux. De nombreuses autorités de sûreté étrangères font appel à d'autres acteurs, y compris en dehors de leur territoire national. Je pense très important que ce processus puisse être mis en oeuvre, pour une meilleure sûreté de nos réacteurs.

Jean-Christophe Niel. - Je souhaite tout d'abord rappeler que le système dual fonctionne aujourd'hui. Bernard Doroszszuk pourra, je pense, le confirmer.

Je souhaite m'arrêter quelques instants sur le concept de « technical safety organisations » (TSO), c'est-à-dire les IRSN. Les conventions internationales indiquent qu'il doit exister une autorité de sûreté dans chaque pays disposant d'installations nucléaires et elles insistent par ailleurs sur le besoin d'expertise technique. On observe une grande variété de modèles quant à la manière dont cette expertise technique apporte son appui à l'autorité de sûreté. Un document de l'AIEA répertorie cela, ainsi que les obligations des TSO dans leur organisation. Il existe ainsi, à côté du système français avec l'ASN et l'IRSN, le modèle de type NRC, que l'on présente comme intégré, mais dont 15 % de l'appui technique qui lui est apporté, notamment sur des sujets très pointus, est effectué dans les laboratoires nationaux. Il importe d'aller au-delà du rattachement organisationnel et de s'interroger sur l'ensemble du système. Ainsi, dans les systèmes japonais ou américain, les réunions du collège sont publiques. La controverse s'effectue publiquement. Il faut donc prendre l'ensemble du dispositif en considération.

Nous voyons, en outre, combien ces sujets sont complexes et résistent mal à la simplification. Je rappelle que l'IRSN est évidemment tout à fait disponible pour dialoguer avec la représentation nationale et approfondir les sujets qui le mériteraient, comme la gestion des situations de crise ou la fabrique de la décision, qui suppose de nombreuses interactions avec les opérateurs, mais aussi avec d'autres acteurs, dont la société civile ou la représentation nationale.

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