L'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) regroupe les villes et les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Ces dernières se structureront de façon un peu différente compte tenu de la loi de décentralisation de décembre, avec les communautés d'agglomération, les communautés urbaines, les métropoles de droit commun et les trois grandes métropoles que sont Paris, Lyon et Marseille. Importante en termes de population (puisque les grandes villes de France accueillent 60 % de la population française), l'AMGVF ne représente que 48 villes de plus de 100 000 habitants et à peine 100 intercommunalités. Pratiquement toutes ces villes et agglomérations étaient favorables à la mise en place de nouveaux rythmes scolaires. Certaines, comme Grenoble, avaient lancé avant même la réforme un débat avec les parents d'élèves sur une organisation de la semaine en quatre jours et demi.
L'Association des maires de France (AMF) a fait une enquête auprès des communes qui ont appliqué la réforme en 2013. Elle révèle que 83 % d'entre elles considèrent qu'elles ont mené cette réforme avec un certain taux de satisfaction, ce qui n'exclut pas des problèmes. L'AMGVF a commenté cette enquête pour voir quels étaient les points forts mais aussi les critiques ou les inquiétudes : 77 % des communes rapportent avoir eu des difficultés pour financer la réforme : plus de 6 sur 10 estiment dépenser entre 100 et 200 euros par enfant et par an. Avant la réforme, lors des discussions que nous avions eues avec le ministre de l'Éducation nationale et le Premier ministre, nous avions évoqué une moyenne d'engagement de 150 euros : nous n'étions pas loin du compte. Dans ma commune, nous sommes à près de 230 euros par enfant. Si le taux de satisfaction global est important, des interrogations demeurent sur l'engagement financier et sur le rapport entre les ressources accordées par l'État et les engagements des communes.
Pour mettre en oeuvre la semaine de quatre jours et demi, plus de la moitié des communes a dû recruter du personnel, notamment des animateurs. Cette proportion atteint les deux-tiers dans les communes urbaines et près de 40 % disent avoir eu des difficultés à recruter.
Le taux de fréquentation par les élèves était une grande inconnue de la phase de préparation de la réforme : bien souvent, on a procédé par itération, avec une première évaluation au bout d'un mois, puis une seconde à la fin du trimestre, ce qui explique que les premières indications n'étaient pas excellentes, d'autant que les parents attribuaient à la réforme un surcroît de fatigue, traditionnel en septembre.
À l'époque, j'avais dit au Premier ministre que le fonds d'amorçage était le bienvenu mais que, comme dans une entreprise, il fallait ensuite prévoir l'accompagnement. Pour qu'une start-up grandisse, un accompagnement est nécessaire à chaque étape. C'est la même chose ici. J'avais donc suggéré que l'on aille au-delà du fonds d'amorçage. Aujourd'hui les engagements du Premier ministre ont été assouplis. Il faudra maintenir un rapport de force avec le Gouvernement pour pérenniser la formule, même si une certaine dégressivité est envisageable, et ne pas pénaliser les bons élèves qui ont commencé dès la première année.
Si l'argent est, bien sûr, essentiel, n'oublions pas les autres mesures d'accompagnement, dont l'assouplissement des taux d'encadrement du périscolaire, qui doit être élargi au-delà des trois heures retenues, ainsi que le demandent fortement toutes les associations. Nous souhaitons qu'au terme de l'année 2014-2015, une évaluation soit menée pour discuter des suites à donner à cette réforme.
Nous proposons des pistes d'amélioration. Les demandes de l'AMGVF sur la pérennisation des financements, l'harmonisation des taux d'encadrement et le rendu des projets éducatifs territoriaux semblent avoir partiellement porté. Toutefois, des inconnues subsistent sur les financements des caisses d'allocations familiales (CAF). Il ne suffit pas que le Premier ministre négocie avec le directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) pour que les choses soient réglées. La convention d'objectifs et de gestion signée en juillet 2013 limite, de fait, l'accès des communes à ces financements. Nous avons besoin d'une contractualisation entre les communes et les CAF pour les prestations de service ordinaire et nous devons les inscrire sur le long terme, car la participation des CAF, d'un montant supérieur à celle du fonds d'amorçage, n'est pas remise en cause chaque année.
Une fois encore, il n'est pas possible que les bons élèves soient pénalisés : Grenoble n'a pas attendu la réforme des rythmes scolaires pour contractualiser avec les CAF. Il ne faudrait pas qu'on nous dise qu'ayant beaucoup reçu, parce que nous avons beaucoup donné, nous n'avons plus droit à rien. Il ne peut y avoir, en ce domaine, des règles universelles. Il en va de même pour la loi de décentralisation qui essaye de faire entrer dans le même cadre des réalités bien différentes.
Conformément à l'annonce du Premier ministre, la CNAF a validé l'assouplissement des taux d'encadrement au-delà des trois heures nouvellement à la charge des communes, mais cette décision ne couvre pour l'instant que la période allant du 1er janvier au 5 juillet 2014. Un conseil d'administration de la CNAF devrait se réunir en mai pour évaluer la pertinence de cet assouplissement et réévaluer son coût. Il est important que cette mesure soit reconduite sur le temps des projets éducatifs territoriaux (PEDT), soit trois ans.
Au-delà des coûts importants, les grandes villes qui sont passées aux nouveaux rythmes scolaires estiment que la mise en oeuvre a été moins compliquée que prévu. Des ajustements ont souvent été nécessaires pour surmonter les difficultés initiales. Là où il y a eu de la volonté, l'intelligence locale s'est organisée. Toutefois, les solutions adoptées en 2013 sont souvent éphémères, et la pérennisation des dispositifs n'est pas assurée : comme pour une start-up, l'amorçage doit bien devenir un accompagnement.
La professionnalisation des acteurs du périscolaire est déterminante pour maintenir des dispositifs identifiés dans le temps et la qualité. Le métier d'animateur s'en trouvera reconnu et renforcé. Les inquiétudes soulevées par l'assouplissement des taux d'encadrement et par la conduite des activités périscolaires seront apaisées. L'utilisation des emplois d'avenir adaptés aux nouveaux rythmes avec les ajustements préconisés par les grandes villes, la prise en charge d'une offre de formation dédiée par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) s'imposent. Une aide spécifique pourrait être versée aux collectivités qui financent sur fonds propres les formations de leurs propres agents au certificat d'aptitude professionnelle (CAP) petite enfance ou au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA). Ces propositions méritent d'être regardées de près.
Dès 2013, 40 % des grandes villes ont mis en place la réforme des temps scolaires. Les 150 euros que nous avions annoncés ont été largement atteints et même dépassés. Nous sommes loin d'avoir achevé les discussions avec le Gouvernement et les CAF. Nous voulons que tous ceux qui ont joué le jeu, et qui sont une force d'entraînement et une source d'évaluation, ne fassent pas les frais de l'opération : ce serait la double peine. Il faudra, au contraire, les récompenser, car ils ont été les cobayes de la réforme. Il est nécessaire de pérenniser le fonds d'amorçage, quitte à ce qu'il soit décroissant avec le temps et, au-delà de l'accord national, une négociation globale devra avoir lieu avec les CAF.