Certains sujets sont effectivement plus médiatiques que d'autres. On peut faire plus facilement la Une du 20 heures avec les rythmes scolaires, sujet de société, qu'avec la mise en place du Conseil supérieur des programmes ou la refonte des cycles. Ce n'est pas de notre fait si, aujourd'hui, les mots « rythmes scolaires » sont synonymes du mot « refondation », et que le reste demeure sous le tapis ! Nous avons été les premiers à regretter d'être passés à côté de véritables sujets, comme la réussite des élèves, l'éducation prioritaire, les conditions d'exercice du métier ou la formation continue.
Ce sont des sujets que nous avions mis sur le devant de la scène dès les ateliers de la refondation. On s'est mis à parler davantage de périscolaire que de scolaire. J'ai le souvenir d'une interview du ministre de l'Éducation nationale, dans le Monde d'octobre 2012, qui affirmait : « Aucun enfant ne sera dehors avant 16 heures 30 ! ». Il s'engageait, avec des journées scolaires raccourcies, à ce que les collectivités locales prennent en charge ce nouveau temps périscolaire. Ce ne sont pas les enseignants, ni les organisations syndicales, qui ont mis cette question sur le devant de la scène, mais bien le ministre lui-même ! C'est un sujet, et nous souhaitons que des possibilités soient offertes aux enfants dans la journée mais, en l'occurrence, le « la » était donné...
Durant des mois, les médias se sont concentrés sur les collectivités locales, qui affirmaient que l'on ne pouvait leur imposer la mise en place du périscolaire, ni sa gratuité. Or, ces engagements avaient été pris par le ministre.
Les conditions que vous sembliez dénoncer, à juste titre sans doute, sont des conditions qui ont été, en quelque sorte, imposées au départ par le ministère. Nous sommes les premiers à le regretter. Cela contribue au gâchis et au sentiment de grande déception dont je parlais. Si la réforme des rythmes scolaires ne reçoit pas l'adhésion du plus grand nombre, notamment des parents, nous ne nous en satisfaisons pas ! Partir du mauvais pied, c'est fragiliser la suite des réformes. Or, nous voulons que cela fonctionne, que le fait d'avoir plus de maîtres que de classes permette la différenciation pédagogique, et que les dispositifs adaptés montent en puissance dans l'éducation prioritaire. Nous voulons que les enseignants puissent avoir droit à la formation continue. Nous voulons des programmes stabilisés une fois pour toutes, afin qu'on ne change pas tous les trois à quatre ans. Nous souhaitons que les choses aillent dans le bon sens, mais nous ne désirons pas que le dispositif soit fragilisé par une réforme qui occupe tout l'espace et qui écrase tout !
Enfin, nous ne connaissons à ce jour aucune recherche approfondie sur ce que sont les bons rythmes pour les enfants. C'est une variable que l'on n'arrive pas à isoler. C'est un élément parmi tant d'autres qu'il faut prendre en compte. On repense le temps scolaire, et l'on décide de voir les programmes plus tard. Peut-être aurait-on eu intérêt à faire les choses en même temps ! Nous pensons que toutes les écoles ne doivent pas être mises sous la même toise.
Je le répète, avant 2008, différents systèmes coexistaient. La règle générale était une école à quatre jours et demi, comprenant le samedi matin. Deux jours sans école, cela se discute. Pour les enfants des familles les plus fragiles, ceci constitue une coupure. Les chronobiologistes estiment que ce n'est pas bon. L'académie de médecine également. Ils préfèrent le samedi matin. Pourtant, dans le décret, le samedi matin est une dérogation, loin d'être acceptée par tout le monde !
Je rappelle qu'avant 2008, on prenait sur les grandes vacances, et qu'on étalait les jours de classe sur des jours pris sur juillet et août. Ce n'était pas un drame, et un consensus s'était construit autour de cette règle générale et de ces dérogations locales. 25 % des élèves, avant 2008, étaient sous un système dérogatoire.
C'est dans cet esprit que nous souhaitons avancer. Nous pensons que la règle des neuf demi-journées est aujourd'hui un carcan trop rigide. C'est celui-ci qu'il faut assouplir, en fonction des réalités locales. Dans la Creuse, 70 maires, quelle que soit leur couleur politique, n'ont fait remonter aucun projet, au prétexte qu'ils n'auront pas les moyens de mettre en place la réforme telle qu'elle se présente. On ne peut que s'interroger, car la rentrée 2014, c'est demain !