Je vous remercie de nous recevoir. Je suis accompagné d'Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles de la CRE et de Christophe Leininger, directeur des marchés et de la transition énergétique. Nous sommes une commission indépendante, à la disposition du Gouvernement et du Parlement. En introduction, il est important de rappeler à quel point le monde de l'énergie évolue à une vitesse importante. Le nombre de lieux de production augmente, nous allons vers plusieurs millions de lieux de production d'énergie en France. Ensuite, le système énergétique lui-même évolue : auparavant, l'énergie était fossile, nucléaire, hydraulique ; nous allons désormais vers un système qui inclura l'hydrogène, même s'il n'est pas encore rentable économiquement aujourd'hui, le photovoltaïque, l'hydrolien, l'éolien terrestre, flottant, posé, le gaz, le biogaz et la méthanisation.
Je rappelle également que ceux qui prétendent qu'il faut déployer les énergies renouvelables en France pour limiter les émissions de CO2 se trompent. Nous n'avons pas besoin de lutter contre les émissions de CO2 de notre production d'électricité. Si l'on développe les énergies renouvelables, c'est pour d'autres raisons.
Notre mission est de protéger les consommateurs. Il y a trois niveaux d'analyse : qui sont les consommateurs ? Il y a les consommateurs domestiques et les consommateurs industriels. Parmi les industriels, il y a notamment les électro-intensifs et les hyper électro- intensif (HEI). Lorsque l'on veut protéger les consommateurs, c'est à court, moyen et long termes. Enfin, la protection du consommateur passe par le prix, la sécurité et la qualité des approvisionnements. Le consommateur que nous protégeons s'inscrit dans cette matrice à trois entrées.
Ensuite, nous sommes dans un système énergétique européen. La CRE est nécessairement pro-européenne : nous exportons 15 % de notre énergie. Je rappelle également que la France contribue largement à la baisse des émissions de CO2 dans le secteur énergétique. La réponse à cette mutation du monde énergétique considérable que j'ai évoquée sera l'investissement massif et la flexibilité (interruptibilité, effacement, interconnexion, stockage, réserve de capacité). Si nous n'avions pas l'Europe de l'énergie, nous devrions investir encore plus. Or, nous ne savons plus ni localiser ni financer aujourd'hui ces investissements en raison de leurs coûts. La CRE est extrêmement présente dans les discussions européennes : elle consacre environ 20 ETP à ces sujets.
J'en viens à l'industrie, élément essentiel : il n'y a pas de pays tenu sans création de valeur, et pas de création de valeur sans un système énergétique permettant à ses industries électro- intensives de ne pas être pénalisées par des décisions de prix qui nuiraient à leur compétitivité. La CRE accompagne les industriels, voici un exemple récent : nous avons été aux côtés de l'APE, de la Société Le Nickel, du gouvernement calédonien central, du gouvernement de la province nord pour refaire le système électrique en Nouvelle-Calédonie et faire en sorte que les usines de nickel - celle d'Eramet, qui est partiellement propriété de l'État- puissent exister. Nous avons d'ailleurs envoyé une mission sur place. Notre souci industriel est fort car c'est la source de la prospérité.
J'en arrive à vos questions. Vous nous avez interrogés sur la place qu'occupe le secteur sidérurgique dans la phase III du système d'échange de quotas d'émissions (SEQE) et sur les faiblesses de ce marché.
Nous n'avons pas d'éléments sur la participation directe de la sidérurgie au SEQE. Néanmoins, ce système a un impact indirect sur le prix de l'électricité. Compte tenu de la structure du parc de production européen d'électricité, le prix du CO2 a évidemment un impact important sur le prix de marché de gros de l'électricité européen. Le prix de ce dernier reflète le coût marginal de production des moyens de production thermiques fossiles. Ces moyens sont soumis au SEQE, ainsi leur coût marginal inclut le coût du CO2.
À titre d'illustration, la Commission européenne estime à 0,76 tonne par mégawattheure les émissions de CO2 de l'électricité produite dans la zone de marché comprenant la France (Centre-Ouest européen).
Ainsi, une hausse de 10 euros par tonne de CO2 a un impact de 7,6 euros par mégawattheure sur le prix du marché de gros de l'électricité.