Je représente la Fédération française du bâtiment, soit 50 000 entreprises, dont 35 000 de taille artisanale, totalisant environ les deux tiers des 126 milliards d'euros de chiffres d'affaires du bâtiment et les deux tiers de l'effectif - celui-ci est en baisse et atteint désormais 1,1 million de personnes.
Les besoins des entreprises sont liés de très près au nombre de logements et de bâtiments en construction. Dans notre dernière étude de prospective, nous constatons une amorce de baisse du nombre de logements commencée en 2019 et qui va se poursuivre. Pour le « hors logement », c'est-à-dire les bâtiments industriels, nous sommes encore sur une bonne tendance, notamment grâce aux entrepôts. Toutefois, on anticipe une baisse en 2020. Enfin, il y a une partie dédiée à la rénovation et entretien, qui pèse très lourd dans notre secteur avec 55 % de celui-ci. Compte-tenu des allers-retours en matière d'incitations fiscales pour le développement durable, il y a beaucoup d'hésitations aujourd'hui. Ce relais traditionnel de croissance de 1,2 % environ est limité aujourd'hui à 0,3 ou 0,4 %. La consommation d'acier est en grande partie facteur du volume de bâtiments que l'on peut réaliser.
Selon A3M (l'Alliance des minerais, minéraux et métaux), la construction représente 43 % de la consommation des métaux en France, contre 51 % dans le monde. Je reviendrai sur cet écart. Sur ces 43 %, le plus fort contingent, et de loin, est constitué de 2 millions de tonnes de produits à béton - les fers à béton notamment. 600 000 tonnes d'acier sont consommées pour les poutrelles et par la filière charpente métallique et acier, 400 000 tonnes par les produis laminés et les profilés à froid, 600 000 tonnes par l'enveloppe métallique - couverture, bardage - 400 000 tonnes par les produits plats, et 300 000 tonnes par les tubes. Ainsi, la vision habituelle de l'acier dans le bâtiment ne correspond pas à la réalité : 60 % de la consommation de l'acier est liée au béton.
L'écart de consommation de l'acier en France par rapport au reste du monde s'explique par le fait que la construction métallique, en tant que telle, n'est pas intégrée à la culture française qui demeure très liée au béton et au bois. Énormément d'ouvrages pour lequel l'acier serait le matériau le plus approprié par ses vertus de portée, de légèreté sont construits avec d'autres matériaux, comme les gares et aéroports où le béton est encore utilisé. Cela contraste avec ce qui peut se faire dans le monde. Cela peut aussi être dû à une image, à une filière, que nous n'avons pas su défendre, notamment en lien avec le développement durable, la mixité d'usage. On parle beaucoup de l'évolution des bâtiments comme les immeubles de bureaux qui deviennent des logements par exemple. Souvent, nos politiques, nos maires, ou présidents de communautés de communes ne connaissent pas toutes les qualités de l'acier. Des actions sont actuellement menées pour faire connaître toutes les possibilités offertes par l'acier. Le marché est ainsi très lié au nombre de logements. On pourrait gagner quelques parts de marché en mettant mieux en avant la filière.
Nous ne travaillons pas directement avec les aciéristes, mais avec des distributeurs lesquels sont désormais des filiales de sidérurgistes : ArcelorMittal Distribution, Duferco pour les Italiens. Ce sont souvent de petites PME locales qui distribuent l'acier.
Nous ne rencontrons pas de problèmes majeurs d'approvisionnement et même s'il arrive que certaines années, l'on puisse manquer de certains produits, ce n'est pas un sujet majeur.
En revanche, la volatilité des prix nous pose des problèmes importants. Nous en souffrons énormément à tous les niveaux. Dans le bâtiment, nous nous engageons sur des appels d'offres publics ou privés sur une durée de dix-huit mois. Or, contrairement à l'industrie, nous n'avons que très rarement la possibilité de révision des prix des contrats. C'est un frein que nous pouvons avoir sur certains projets notamment ceux envisagés trois ans auparavant. Nous assistons à des aberrations, lorsque l'acier représente une part importante dans le prix de vente.
La presse d'hier faisait référence à des pénuries au Brésil et en Australie. Le prix de la ferraille est actuellement très élevé. Personne n'est capable de nous dire combien nous allons payer l'acier dans un mois ou un mois et demi. Nous sommes très liés à un marché mondial. C'est un vrai problème de rentabilité pour nos entreprises. Nous sommes incapables de savoir combien nous allons acheter notre acier sept ou huit mois plus tard. Or, nous n'avons pas la possibilité de le stocker. Il faut avoir fait l'étude de construction, avant de commander tel ou tel type de poutrelle ou d'acier.
Pour le moment, l'acier consommé dans la construction utilise des nuances de très bas de gamme. Les aciéristes essayent de nous pousser vers des aciers aux performances plus élevées, ce qui est une bonne chose. Mais, le marché n'est pas mûr. Il faut revoir toute la filière, afin qu'elle travaille et se forme pour l'utilisation d'acier à plus haute performance et moins consommateur. On sait que l'on va y arriver, mais pour le moment, ce n'est pas un sujet à court terme, mais à cinq ou dix ans, et, d'ici là, la filière continue à acheter des produits courants.
Une deuxième évolution est le renforcement du besoin de traçabilité exacte de notre acier. Si sur les poutrelles, il existe des marquages CE et des obligations de traçabilité de l'acier, qui permettent d'identifier la provenance - d'ailleurs, les sidérurgistes facturent cette information-, sur les produits courants - des plats, des tôles -, en revanche, nous avons encore du mal à identifier la provenance du bain dans lequel l'acier a été fabriqué. Il y a encore un effort à faire.
Nous n'avons pas beaucoup de relations avec les fournisseurs. Nous avons mis en place l'association « ConstruirAcier », avec les sidérurgistes, les producteurs, les distributeurs, afin de faire la promotion de l'acier. Toutefois, les moyens ne sont pas conséquents. Enfin, la FFB a mis en place une cellule de veille avec la Fédération Française de l'Acier, les distributeurs de matériaux, où l'on essaye de prévoir une tendance à un, deux, trois et six mois des évolutions du marché. Cela fonctionne bien à l'horizon de un mois, mais au-delà, c'est beaucoup plus difficile.