Intervention de Nathalie Dörfliger

Mission d'information inventaire et devenir des téléphones mobiles — Réunion du 21 juillet 2016 à 15h30
Audition de M. Vincent Laflèche président-directeur général du bureau de recherches géologiques et minières brgm

Nathalie Dörfliger, directrice de l'eau, de l'environnement et des écotechnologies du Bureau de recherches géologiques et minières :

Les principaux métaux présents dans les téléphones portables, dans des proportions différentes, sont le cuivre, le zinc, le fer, le nickel, l'aluminium, le plomb, l'étain, l'argent, le chrome, l'or, qui a naturellement la plus forte valeur, et le palladium.

Selon les statistiques qui nous ont été communiquées par EC-TEL, les téléphones contenaient en 1997 environ 22 % de zinc et 0,5 % de chrome. Le cuivre représente de 50 à 55 % des métaux présents dans les téléphones actuels.

Nous savons bien que les fabricants essaient de réduire le plus possible le poids des téléphones, en travaillant notamment sur les circuits imprimés. Reste que certains éléments sont incontournables, notamment les principaux métaux utilisés, qui n'ont pas beaucoup changé même si leurs pourcentages ont pu évoluer. Ainsi, globalement, on retrouve les métaux que j'ai cités précédemment, principalement les platinoïdes, dans des concentrations et des teneurs très faibles.

Dans les composants tels que les circuits imprimés, les écrans tactiles, les batteries et les boîtiers, on trouve d'autres matériaux comme des terres rares, présentes en quantités infimes. Avec les processus de recyclage actuels, on ne sait pas comment traiter ces matériaux. L'expérience montre que le recyclage des poudres que l'on trouve dans les lampes est complexe au regard des investissements requis et du cours des terres rares. Ce que l'on récupère actuellement se trouve dans les circuits imprimés. Il ne s'agit donc pas d'un processus spécifique aux téléphones : c'est le même que pour n'importe quelle carte.

Le BRGM travaille sur ce sujet. Notre projet, intitulé « Remetox » et mené dans le cadre de l'opération Innovation 2030, a connu une première phase en 2014 et nous sommes passés à la deuxième phase à l'automne 2015. Ce projet fait l'objet d'un partenariat avec deux PME - Terra Nova Développement, TND, qui est dans le nord de la France, et Separex, qui se situe, me semble-t-il, en région Auvergne-Rhône-Alpes - et avec le CNRS. Il porte sur les technologies visant à récupérer les métaux des cartes électroniques - cela peut donc s'appliquer au téléphone portable - par un processus d'oxydation par une eau supercritique qui permet de démonter la carte.

Il s'agit d'utiliser les méthodes de séparation employées dans l'extraction de minerais, lorsque les métaux à récupérer sont mélangés à d'autres éléments. Différentes techniques sont mises en oeuvre : le broyage, le recours à des propriétés magnétiques, la pyrolyse ou la séparation par la densité. On peut travailler de la même manière dans le domaine du recyclage, pour séparer les différents éléments d'un matériel composite.

Les fonderies de cuivre réutilisent ainsi leurs hauts-fourneaux pour traiter les cartes par fusion ; c'est par exemple le cas d'Umicore, mais il y en a d'autres - trois en Europe, une aux États-Unis, six en Asie. Les capacités sont limitées en raison des contraintes environnementales et techniques - on peut en effet obtenir des fibres de silice, qui rentrent dans la composition de ces matériaux, d'où des scories visqueuses et une difficulté à séparer les divers métaux. Que cherche-t-on en l'espèce ? Les métaux qui ont le plus de valeur, l'or, le cuivre, l'argent et les platinoïdes.

Bien que la composition des cartes électroniques puisse varier, elle correspond à peu près à un tiers de résine organique, un tiers de fibre de verre et un tiers de métaux. J'avoue que je ne sais pas exactement dans quelle catégorie se situent les cartes de téléphone portable mais, vu leur taille, je pense qu'il s'agit plutôt de concentrations riches.

On peut donc en déduire une quantité par tonne et, en fonction des cours des métaux, on doit pouvoir développer de nouvelles méthodes avec pour objectif de créer une unité industrielle traitant, par exemple, 10 000 tonnes de cartes par an. Il s'agit également de définir un procédé ayant le plus faible impact environnemental possible - on sait que d'autres approches que celle de la fonderie, comme celle de l'extraction de l'or au moyen d'acides, qui a des conséquences importantes du point de vue de l'environnement et de la santé, sont appliquées en Inde, en Chine ou en Afrique.

Cela passera par la pyrolyse et par d'autres procédés qui sont encore au stade de la recherche et développement. D'ailleurs, une thèse est en cours à l'école Chimie ParisTech sur la biolixiviation, utilisée notamment dans l'hydrométallurgie, qui repose sur le pouvoir de digestion et d'attaque des bactéries. La question porte alors sur le procédé d'immersion des cartes dans un liquide, sur les éléments chimiques et le matériau microbiologique à ajouter et sur la durée du processus. Des travaux sont en cours à ce sujet, en Europe et dans le monde, en particulier en Italie, en Roumanie et en Chine. Un problème demeure, sur lequel on travaille : que faire du jus de lixiviation, compte tenu notamment de son acidité ?

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