Intervention de Pascal Saint-Amans

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 13 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Pascal Saint-amans directeur du centre de politique et d'administration fiscales de l'organisation de coopération et de développement économique ocde

Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE :

J'ai fait cette liste, donc je l'assume pleinement. L'idée était que la Suisse ne changerait pas sans pression très forte du G20. Le naming and shaming, le fait de désigner et blâmer, a un véritable impact. Voyez l'affaire UBS ! Les États-Unis ont été déterminants dans le changement. Ce fut la goutte d'eau ! Néanmoins, les Suisses n'auraient changé pour personne d'autre que les États-Unis ; c'est souvent le cas. Les États-Unis obtiennent unilatéralement beaucoup de choses que les autres n'obtiennent pas.

Il fallait un changement pour la Suisse, pour Singapour, pour Hong Kong, pour le Luxembourg, pour les places financières majeures. On a donc nommé ceux qui refusaient de prendre l'engagement de changer. On avait fait la même chose en 2000, mais, alors que tout le monde avait pris un tel engagement, personne n'avait rien fait. On a donc pensé qu'il fallait commencer à négocier des accords, qui sont le b.a.-ba. En effet, on ne peut pas coopérer sans au moins quelques accords.

Mais, aussitôt dressée, la liste était déjà dépassée ; il est vrai, c'était le but ! En effet, si une liste n'a pas un temps de vie très faible, c'est qu'elle n'atteint pas son objectif. On peut se faire plaisir en listant des gens qui sont très mauvais, mais cela ne les fait pas changer si la liste ne se vide pas. Il faut donc toujours la calibrer pour qu'elle ait un impact, au risque d'éprouver ensuite de la frustration en se disant qu'on aurait dû aller plus loin !

Pour aller plus loin, le Forum mondial demande aux pays d'avoir le cadre légal et réglementaire en place. Faute de loi sur la transparence, ce qui est un très mauvais point, ils ne passent pas en phase 2 ; c'est une petite sanction implicite.

Mais le vrai test est en fin de phase 2. Chaque pays se voit attribuer une notation globale pour son comportement. Est-il bon, assez bon, pas très bon ou carrément mauvais ? On en revient à une liste fondée, cette fois, sur l'application pratique du standard.

La liste française se cale sur ce schéma. C'est également le cas de la politique de la Banque mondiale, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, et de bon nombre d'institutions publiques d'investissement.

De nombreux pays nous appellent pour savoir si, en agissant de telle ou telle façon, ils se caleront bien sur nos travaux. Cela a donc un impact.

Aujourd'hui, le Panama se voit menacé par la Banque mondiale de démantèlement de tous les véhicules de financement des projets de la Banque mondiale en Amérique latine. C'est très important. Le Panama est utilisé non pour des raisons fiscales, mais parce qu'il a des instruments juridiques intéressants et que c'est un pays plutôt stable. Mais la Banque mondiale ne restera pas dans ce pays s'il ne change pas. Il est, en effet, considéré comme ayant un faible niveau de conformité par rapport à nos standards.

Existe-t-il une typologie de schémas fiscaux agressifs ? Oui, et c'est d'ailleurs pour cela que nous faisons des rapports transversaux. Nous n'avons pas donné une grande publicité à nos travaux dans ce domaine, mais c'est à dessein que nous organisons le manque de transparence sur ce sujet. En effet, nous n'avons pas envie d'être interrogés par des acteurs privés. Nous voulons seulement partager ces schémas avec les inspecteurs des impôts chargés des redressements ou des contrôles fiscaux dans les pays.

Nous aimons en tirer parfois des leçons générales de politique fiscale. C'est le cas du rapport sorti la semaine dernière. Je vous encourage non pas à le lire, car il est très technique et destiné en fait aux techniciens de la fiscalité, mais au moins à prendre connaissance d'un rapide résumé. En effet, au-delà des spécialistes, il s'adresse aussi aux politiques, en ce sens qu'il explore différentes solutions pour traiter des questions d'arbitrage entre des qualifications différentes à l'origine de l'évaporation de milliards d'euros d'impôts ! Ce n'est la faute de personne. Ce n'est pas non plus parce que les entreprises sont trop agressives.

En fait, dans les cas d'arbitrage pur, les entreprises profitent de l'existence de deux qualifications différentes. Aucun État n'en souffre en particulier, mais, in fine, on comprend bien qu'il s'agit d'une solution ni souhaitable ni souhaitée. Quelle est la solution ? C'est aux États de prendre les choses en main.

Je citerai aussi le cas d'une banque, d'un opérateur ou encore d'un cabinet d'avocats qui développe un produit dont l'objet est précisément de ramasser, illégalement ou légalement, un avantage fiscal. Mais ces agissements sont plus du ressort des administrations fiscales.

Voilà ce que nous faisons. Le rapport sur les dispositifs hybrides est assez intéressant en termes de politique fiscale.

Le mois dernier, en Italie, grâce aux schémas fiscaux qui sont sur notre site, la Guardia di Finanza a collecté plus d'un milliard d'euros d'impôt sur deux sociétés. Voilà du concret !

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