Intervention de Pascal Saint-Amans

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 13 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Pascal Saint-amans directeur du centre de politique et d'administration fiscales de l'organisation de coopération et de développement économique ocde

Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE :

Sauf pour certains... Il faut les utiliser comme de bons exemples pour la suite !

Vous avez un temps de délibération plus long que celui de Jersey, des îles Caïman, qui ratifient leurs accords en quinze jours. Ensuite, ils ont beau jeu de nous dire qu'ils sont prêts depuis un an alors que les Italiens n'ont toujours rien ratifié !

Si l'échange de renseignements à la demande a entraîné une différence énorme, il est vrai que l'échange automatique va plus loin et qu'il est plus efficace et plus dissuasif. Il constitue une étape supplémentaire très importante.

Notre étude porte sur trente-huit pays ; elle va donc au-delà de l'OCDE, qui n'en compte que trente-quatre. De très importantes masses de données sont échangées avec un succès relatif. Pour certains, cela fonctionne très bien, mais, pour d'autres, c'est plus difficile en raison des questions de détail plus compliquées à traiter : puis-je utiliser l'information qui m'est envoyée ? Ai-je besoin de la traduire en langage informatique ? Nous travaillons activement sur l'échange automatique, qui est une priorité dans les travaux que nous conduisons.

Existe-t-il un bilan consolidé public ? Non. Y aura-t-il prochainement un rapport public sur l'échange automatique de renseignements ? Oui. Cela me permet de rebondir sur FATCA.

Que constate-t-on dans le paysage aujourd'hui ? L'échange de renseignements à la demande est acté, le principe d'une coopération fiscale internationale est admis par tous les pays, à l'exception d'un seul qui refuse : le Liban.

Ce pays a un secret bancaire strict ; nous l'avons identifié. Il a été dénoncé par ses petits camarades, qui nous demandent de regarder ce que fait le Liban. Nous avons demandé à ce pays s'il voulait s'engager à appliquer le standard. Le ministre des finances a répondu que c'était compliqué, car tous les partis devaient être d'accord ; or ils ne le sont pas.

Cent sept autres pays disent qu'il faut le faire. Je me sens presque gêné quand je parle de ces questions avec le Liban, car ils ont, nous le savons tous, d'autres questions à traiter. Bref, c'est le seul pays aujourd'hui qui est un peu bloqué sur ce sujet.

L'étape suivante, c'est FATCA. Pour ceux d'entre vous qui ne la connaîtraient pas, c'est une législation unilatérale. Les États-Unis ont avec toutes les banques du monde un dispositif dit du Qualified Intermediary, c'est-à-dire d'intermédiaire qualifié.

Après les affaires Liechtenstein et UBS, les États-Unis ont compris qu'il y avait une fraude massive et qu'ils ne pouvaient faire confiance. Les intermédiaires financiers à qui des avantages fiscaux prévus par les traités avaient été accordés ont menti en assurant que cela ne profiterait pas à des citoyens américains taxables aux États-Unis. En fait, par le biais d'Anstalt, au Liechtenstein, ou de trusts, ils ont ouvert des comptes bancaires en Suisse.

Cette fraude massive étant inacceptable, les États-Unis ont mis en place un nouveau système de reporting, FATCA : toutes les informations détenues sur des citoyens américains doivent être données à l'IRS, le service des impôts américain, faute de quoi, si l'une des institutions financières refuse de coopérer, ce sont toutes les institutions financières de la chaîne qui seront pénalisées par des retenues à la source massives, 30 %, sur tous les intérêts de source américaine. C'est, en quelque sorte, une véritable bombe nucléaire fiscale envoyée sur la communauté financière mondiale.

Aujourd'hui, un certain nombre de pays comme la France, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne et, si l'on va plus loin, l'Inde, le Brésil et la Chine se demandent pourquoi leurs institutions financières seraient obligées de subir des contraintes très lourdes de reporting et s'il ne pourrait pas y avoir une version light de FATCA.

Moyennant quoi l'échange automatique de renseignements serait organisé sur tous les revenus concernés et les États-Unis auraient ce qu'ils veulent : ils seraient sécurisés et nous protégerions notre secteur financier d'obligations de reporting excessives.

Par une déclaration conjointe, qui est publique, le groupe des cinq pays cités a accepté, sous réserve de réciprocité - alors que les États-Unis ne pratiquent l'échange de renseignements automatiques qu'avec le Canada -, de transmettre des informations. Ainsi, le groupe bénéficiera d'un régime quelque peu allégé de FATCA.

La carotte ou le bâton ! Je constate une poussée très forte vers l'échange automatique de renseignements, sous la pression du G20, qui en fait la demande dans son dernier communiqué, et de FATCA, qui est une machine à faire avancer l'échange automatique de renseignements dans de nombreux pays.

La Suisse n'en fait pas partie. Mais, pour un certain nombre de juridictions offshore - je ne les nommerai pas - examinées voilà peu par les pairs au Brésil, l'échange de renseignements à la demande, c'était déjà hier. Maintenant, elles veulent entrer dans le nouveau jeu de l'échange automatique de renseignements.

Sans doute pourrons-nous encore progresser dans cette voie, non pas par l'établissement d'un nouveau standard sur lequel nous n'obtiendrons pas de consensus, mais par élargissement du groupe des pays pensant la même chose. C'est ainsi que cet échange automatique pourra devenir une pratique nouvelle.

Enfin, concernant le calendrier, je dirai que la phase 2 débutera à compter du second semestre. On devait commencer par la Suisse, mais l'examen est retardé, car ce pays ne passe pas en phase 2 ; sa législation n'est pas assez bonne.

Quels sont, in fine, les débouchés ? Je n'en sais rien. Ce sera au G20 d'en décider. L'OCDE est là non pour prendre des mesures de rétorsion, mais pour fournir des instruments permettant aux pays de prendre des décisions en étant informés.

Nous verrons quelle sera la dynamique. Si, à la fin, des pays ne sont pas en conformité, nous nous attendons très clairement à un exercice de naming and shaming, qui ira de soi. C'est un peu le but du jeu. Les pays qui souhaitent en tirer les conséquences le feront de façon coordonnée dans le cadre du G20 ou d'autres groupes de façon unilatérale.

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