Intervention de François d'Aubert

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 13 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. François d'auBert délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs et président du groupe chargé de la revue par les pairs au sein du forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations à des fins fiscales

François d'Aubert, délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous faire part de mon grand plaisir de venir parler au Sénat de la lutte contre l'évasion fiscale, un sujet qui m'est très cher depuis fort longtemps.

J'aborderai le sujet de l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et de ses incidences fiscales, qui fait l'objet de votre commission d'enquête, sous l'angle de la lutte contre l'évasion fiscale, car je ne doute pas une seconde que ce soit aussi celui que vous avez choisi ! (Sourires.)

L'évasion fiscale est une plaie mondiale, qui touche plus de pays que l'on ne pourrait l'imaginer. Si l'on fait un bref tour d'horizon, la France n'est pas le seul pays européen concerné par ce problème. L'Allemagne est aussi fortement touchée : il suffit, pour s'en convaincre, de considérer le nombre de dépôts allemands et d'actifs sous gestion allemande non déclarés au Luxembourg. La Grande-Bretagne est également affectée. Quant aux États-Unis, ils sont, eux aussi, très durement frappés, en particulier dans le secteur des entreprises.

Quelles sont les causes de cette évasion fiscale ? Pourquoi ce phénomène s'est-il autant développé depuis une vingtaine d'années, sous la forme de paliers ou de vagues qui ont, chaque fois, bouleversé le paysage financier ?

Il faut, tout d'abord, considérer le problème de la fuite des capitaux, dont les origines sont très diverses. Au niveau mondial, les années quatre-vingt-dix ont été marquées par des flux financiers à hauteur de 200 milliards ou 300 milliards d'euros, pas tous illicites, mais aux « réputations » assez variées, en provenance de l'ex-Union soviétique. Ces flux ont contribué au développement de centres financiers, comme Chypre, la Lettonie et Singapour, et ont également pénétré, entre autres, la Suisse.

Nous pouvons actuellement observer une vague, difficilement mesurable, en provenance de Chine, qui irrigue le monde entier, et dont les effets sont assez curieux. Ainsi les îles Vierges britanniques sont-elles devenues, non seulement le second investisseur mondial en Chine, mais également, en sens inverse, la deuxième juridiction dans laquelle investit la Chine au niveau mondial. Cela se traduit non pas, bien évidemment, par la réalisation d'investissements chinois dans les îles Caraïbes - même si l'on en recense quelques-uns, notamment aux Bahamas ! -, mais par la mise en place d'une plate-forme, qui est le rôle essentiel de bon nombre de paradis fiscaux.

Par exemple, des sociétés chinoises implantées dans les îles Vierges britanniques utilisent ce circuit pour racheter des sociétés d'exploitation minière implantées en Afrique, ce qui leur permet, en particulier, de passer au travers de la taxation des plus-values lors des échanges d'actions.

Il s'agit donc d'un problème mondial, qui se traduit concrètement par des trous dans les budgets nationaux. Tout le monde parle aujourd'hui d'endettement et de déficit. Or, parmi les causes des déficits, figurent également les moindres rentrées fiscales, ainsi que les pertes de droits et d'impôts, qui sont difficiles à mesurer.

Je me garderai bien de vous donner des chiffres. J'aimerais d'ailleurs en disposer, mais ils sont très difficiles à obtenir. En France, la cellule de régularisation a plutôt bien fonctionné, puisqu'elle a permis de récupérer un peu plus de 1,2 milliard d'euros. Ce sont de bons résultats. On a également assisté à un retour de l'épargne, comme cela se passe fréquemment à la suite de telles opérations, tout au moins lorsqu'elles se déroulent dans les mêmes conditions qu'en France, et non comme en Italie, où une amnistie a été prononcée et où l'on a observé des systèmes quelque peu bizarres : l'argent est effectivement revenu en Italie, mais les banques suisses, ou autres, dans lesquelles ces fonds étaient déposés se sont empressées d'ouvrir des filiales en Italie afin de récupérer l'agent et de le renvoyer, ensuite, dans sa « patrie » d'origine.

Il faut donc être vigilant, mais cela donne un indice des volumes, et surtout des stocks. En effet, les flux sont encore plus difficiles à mesurer que les stocks, sur lesquels il est possible de glaner, çà et là, quelques informations. Une société d'études genevoise a ainsi publié des chiffres concernant l'Union européenne, voilà deux ans, indiquant que, en Suisse, sur un peu plus de 800 milliards d'euros offshore, venant de pays de l'Union Européenne environ 85 % n'étaient pas déclarés, ces fonds provenant en priorité d'Allemagne, puis, à peu près à égalité, de France et d'Italie, et enfin du Royaume-Uni, d'Espagne, etc. Nous disposons aussi de quelques données chiffrées sur le Luxembourg, qui font apparaître la position déterminante de l'Allemagne.

S'agissant des stocks des entreprises, nous avons également quelques données, qui concernent notamment des sociétés américaines ; pour les entreprises françaises, la situation est plus compliquée et mériterait d'être approfondie. Avec la conjoncture, des éléments de gestion de trésorerie font apparaître, aujourd'hui, l'existence de nombreuses liquidités parquées dans des juridictions non coopératives ou coopératives qui sont des centres financiers internationaux, ou plus modestes. Il s'agit en réalité de bénéfices non rapatriés, ce qu'autorise la loi américaine.

Là réside toute l'ambiguïté de la situation : il existe en effet des dispositifs législatifs permettant de ne pas rapatrier les bénéfices.

Si l'on se penche sur les chiffres, on constate que ces bénéfices sont en fait réalisés à l'extérieur. S'agissant des États-Unis, le chiffre des capitaux stockés dans des paradis fiscaux avoisinait, voilà quelques mois, 1 500 milliards de dollar ; il a un peu baissé depuis. L'administration américaine n'y voyait rien d'illégal, mais cela posait tout de même un problème, de nombreuses entreprises jouant sur les marges pour favoriser l'optimisation.

De nombreuses administrations américaines se sont donc efforcées de faire revenir cet argent, alors même que les opérateurs, c'est-à-dire les entreprises, n'avaient pas envie de rapatrier leurs bénéfices aux États-Unis, découragées par l'existence d'un taux d'imposition sur les sociétés fixé à 35 %.

La lutte contre les paradis fiscaux, et particulièrement contre l'évasion fiscale, se joue sur plusieurs fronts.

Sur le front international, tout d'abord, où opère le Forum dont M. Saint-Amans, que vous venez d'auditionner et qui est grand expert, est la cheville ouvrière. D'autres instances internationales agissent aussi sur ce front, notamment l'ONU, qui s'occupe un peu de ce problème.

Nous nous battons, dans un registre assez différent, sur le front de la lutte contre le blanchiment. C'est un véritable sujet ! Il existe actuellement une sorte de fonctionnement « en silo » entre la lutte contre le blanchiment, d'une part, et celle contre l'évasion et la fraude fiscales, d'autre part. Ainsi, les règles et les recommandations en matière fiscale du groupe d'action financière, le GAFI, ne sont pas exactement équivalentes aux termes de référence du groupe chargé de la revue par les pairs, même s'il existe des ressemblances.

Un autre aspect de l'évasion de capitaux et de la circulation de flux financiers plus ou moins illicites concerne l'argent de la drogue qui, une fois blanchi, peut aussi faire l'objet d'évasion et de fraude fiscale. Ce système peut très bien fonctionner dans certains cas.

Par ailleurs, l'évasion fiscale ne peut fonctionner qu'en raison de la présence de juridictions non coopératives, de paradis fiscaux. Du fait de ma pratique du sujet, je trouve d'ailleurs ce dernier terme relativement impropre. Certes, il se justifie par l'existence, dans ces États, de taux d'imposition extrêmement bas, voire nuls. Il n'en reste pas moins que ces territoires se caractérisent surtout par le secret et la non-transparence, utilisables en matière de blanchiment et de montages douteux. Ce phénomène est apparu, sur le terrain, durant la crise, qui a permis de révéler quelques catastrophes, et notamment les escroqueries commises par Bernard Madoff. Il faut ainsi savoir que les quatre cinquièmes des fonds ayant investi de l'argent dans le système Madoff étaient implantés dans des paradis fiscaux, tels que les Caraïbes, l'Autriche ou Dublin. Là encore, l'expression « paradis fiscaux » ne permet pas de caractériser ce phénomène de circulation de flux d'argent non fiscalisés.

Il existe également un aspect boursier. De nombreux délits d'initiés, de « coups boursiers », ont en effet pour origine des regroupements d'actions concertées de sociétés qui sont tout sauf transparentes. Dans certains cas très précis, l'action concertée a été menée à partir de trois ou quatre sociétés, chacune étant implantée dans un paradis fiscal, mais quelquefois situées à des dizaines de milliers de kilomètres l'une de l'autre.

Nous sommes donc confrontés à un problème général de régulation. Ces lieux privilégiés, qui constituent autant de points de chute ou de lieux de répartition favorisant l'évasion fiscale, sont aussi des territoires non, ou extrêmement peu, régulés. Ainsi, dans les îles Caïman, quelque 1 800 milliards de dollars sont stockés au titre des hedge funds. Après une légère diminution au moment de la crise, ce phénomène a repris, car la régulation des hedge funds, qui, par définition, est très faible, y compris aux États-Unis ou au Royaume-Uni, est quasiment nulle dans les îles Caïman, où le régulateur, de surcroît, est constitué de deux ou trois personnes seulement. De même, le Luxembourg dispose d'un régulateur « modèle réduit », qui a montré toute son inefficacité à l'occasion de l'une des opérations Madoff, celle du fonds Luxalpha.

Pour lutter contre les paradis fiscaux, il faut d'abord essayer de mettre en place, dans tous ces territoires, des législations qui ne soient pas trop permissives, de faire remonter les taux d'imposition - ce qui est beaucoup plus difficile ! -, mais surtout d'assurer le maximum de transparence. Le Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations à des fins fiscales, ainsi que le groupe chargé de la revue par les pairs, que je préside au nom de la France jusqu'au mois de novembre prochain, y travaillent.

Le groupe chargé de la revue par les pairs effectue, en effet, une double revue de ses 107 États membres, et tout d'abord, une revue du dispositif législatif et réglementaire, en se fondant sur dix éléments de base, qui constituent un peu notre Bible. Ces termes de référence portent, pour une partie, sur l'existence même d'informations concernant les entités présentes dans le pays. Il existe toute une jungle d'entités : des trusts, des sociétés, des « limited liability companies », à une ou plusieurs personnes, ou encore des fondations. Dans ce domaine, l'inventivité et la créativité sont assez extraordinaires, et très négatives.

Les États s'engagent donc à transmettre certaines informations. Il peut s'agir de micro-États, ou d'États qui n'en sont pas vraiment : il existe en effet, dans le circuit général, des États dont la souveraineté est exclusivement fiscale, voire financière. Ainsi les Caraïbes sont-elles, pour moitié, des colonies britanniques, qui ont le statut de territoires d'outre-mer britanniques, qui ne ressemblent ni à nos anciennes colonies ni à nos départements et territoires d'outre-mer.

Ces territoires ont un statut particulier. Il s'agit de colonies dont le chef d'État est la reine d'Angleterre, qui sont dirigées par un gouverneur et qui disposent, dans le même temps, d'une complète autonomie fiscale. Ces États sont représentés au sein du Forum et parlent d'égal à égal au sein de ces instances. Ils représentent donc une véritable force politique, et ils ne se laissent pas faire !

Comme à la fin des années quatre-vingt-dix, époque du lancement du Forum mondial, nous nous attaquons de nouveau à ce sujet.

Au début des années 2000, en particulier sous la présidence du président Bush aux États-Unis, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, ainsi que celle contre le blanchiment ont reculé au profit d'une lutte contre le terrorisme et son financement. Or il s'agit de problèmes bien différents. Les terroristes préfèrent en effet utiliser des fonds légaux, et leur but n'est pas de blanchir de l'argent.

Depuis le G20 de Londres du 2 avril 2009, le Forum « revit », en choisissant un registre très précis de lutte, fondé sur l'importance, au niveau des administrations fiscales des États, de l'échange de renseignements et d'informations au travers de conventions, dès lors qu'il existe une volonté générale d'exercer un contrôle fiscal sur les flux financiers entre pays ou entre tiers, et, le cas échéant, un contrôle sur les stocks.

D'autres systèmes sont possibles.

Le dispositif européen n'est malheureusement que partiellement utilisé. Nous attendons la nouvelle directive « Épargne » prévoyant un système d'échange automatique d'informations de portée plus large, que certains appellent de leurs voeux.

Certains pays possédant une souveraineté un peu particulière, comme les îles Caïman, par exemple, ont ainsi passé des accords avec l'Union européenne pour opérer cet échange. Les personnes qui déposent des fonds dans ces territoires doivent savoir qu'ils sont soumis au dispositif suivant, plutôt positif : tous les ans, les autorités fiscales des îles Caïman envoient une liste de comptes de citoyens français, ainsi que les transactions financières y afférentes.

Tous les États n'ont malheureusement pas adhéré à la directive « Épargne ». C'est le cas, en particulier, des îles anglo-normandes.

D'autres actions permettent de lutter contre l'évasion fiscale, notamment celles relatives aux prix de transfert. Si le Forum ne traite pas de ce sujet, l'OCDE, ainsi que toutes les administrations fiscales, s'en préoccupent.

C'est sur les prix de transfert que nous pouvons récupérer le plus d'argent pour les collectivités publiques. Les sociétés multinationales ne sont pas les seules visées : de nombreuses entreprises mettent en place une stratégie de prix de transfert.

Il ne s'agit pas de dire que les prix de transfert sont un mal. Ce qui pose problème, c'est leur manipulation. Des bénéfices ou chiffres d'affaires atterrissent de façon quelque peu artificielle dans un pays donné, par exemple un paradis fiscal, sans qu'ils correspondent à une véritable activité entraînant une dépense. Les services fiscaux peuvent alors exercer leurs compétences et appliquer les règles qui leur sont propres.

Il est vrai que, s'agissant des prix de transfert, dans des secteurs aussi particuliers que les matières premières, le pétrole, ou la grande distribution, on assiste à des phénomènes assez curieux. Par exemple, un bien est acheté en Chine par une société immatriculée dans un paradis fiscal, à Dublin, à Luxembourg ou ailleurs, puis il est revendu à un distributeur français ; un bénéfice important est alors réalisé dans ce paradis fiscal, où le taux de l'impôt sur les sociétés est nul. Le même exercice est possible avec des plus-values sur des actions.

Certains pays se sont quelque peu spécialisés dans ce domaine. Il suffit de demander leur opinion aux autorités indiennes sur l'attitude de l'île Maurice et le round-tripping qui s'y pratique : de l'argent sort d'Inde, puis est stocké à l'île Maurice, et est ensuite réintroduit en Inde.

On peut aussi considérer la situation d'autres pays riches en matières premières. Voyez l'exemple de la Zambie : si une société implantée sur l'île Maurice achète du cuivre à une société productrice zambienne, l'ensemble du bénéfice, avant revente dans le monde entier, est stocké à l'île Maurice, où les taux d'imposition sont proches de zéro.

Tout le monde y perd ! L'île Maurice, même si l'on ne va pas pleurer sur son sort, ne récupère pas un sou - ou très peu - dans cette affaire. Le pays d'origine des matières premières, en l'occurrence la Zambie, se fait manifestement gruger, car ces produits sont achetés à un prix très faible, même si la situation s'est un peu améliorée. Enfin, le pays où ces matières premières sont revendues y perd aussi, car la fiscalité y est très faible, de même que le bénéfice entre le prix de sortie de l'île Maurice et le prix de mise sur le marché, et l'assiette. Il ne s'agit donc pas d'une bonne affaire, même si cette pratique est courante.

Dans le domaine des matières premières, des progrès ont cependant été réalisés, grâce notamment à l'initiative de transparence des industries extractives (EITI) dont la portée géographique s'élargit sans cesse. Sont ainsi déterminés, les revenus et les éléments d'information que les grandes entreprises doivent transmettre dans le cadre d'un reporting obligatoire pays par pays.

Si nous voulons établir une approche historique des grandes vagues d'évasion fiscale, force est de constater que ce phénomène est lié à la perception de l'impôt par les individus concernés qui, pour certains, estiment que les taux appliqués dans leur pays sont trop élevés ou qu'ils ne sont pas adaptés aux bénéfices des entreprises ou aux revenus exceptionnels perçus par les particuliers.

En France, la première grande vague d'évasion fiscale s'est produite après la Première Guerre mondiale, à la suite de la création de l'impôt sur le revenu par un gouvernement de droite, qui avait « généreusement » (sourires) prévu une tranche d'imposition à 90 %. Cette décision fit le bonheur de la Suisse, qui bénéficiait déjà, avant le conflit, de l'évasion fiscale, puisque de grandes familles russes, notamment, y déposaient leur argent.

Les vagues d'évasion fiscale s'expliquent assez souvent par la création d'un nouvel impôt. Il est ainsi de notoriété publique que, en 1981, la création de l'impôt sur les grandes fortunes, l'IGF, a entraîné une vague, ou une « vaguelette », d'évasion fiscale.

L'alourdissement de la fiscalité est donc une cause certaine d'accélération de l'évasion fiscale. On peut ensuite tenter de taxer les revenus, les fortunes ou les patrimoines qui sont partis à l'étranger, voire de les faire revenir, mais ce n'est pas aisé.

Le paysage couvert par le Forum comporte une grande diversité d'États, que nous essayons de caractériser. Tous ces pays sont, en effet, très sensibles à leur image internationale, en particulier au regard des questions de blanchiment d'argent. Les termes que nous utilisons sont d'ailleurs bien plus vagues : notre mode de communication n'est pas aussi « lourd ».

Ainsi, deux ou trois pays qui s'étaient dénommés « la Suisse de l'Amérique latine », comme l'Uruguay ou le Costa Rica, le regrettent désormais amèrement, car ce n'est pas très bien porté à l'heure actuelle. Dans le même temps, ils ne souhaitent pas renoncer à leurs avantages.

Il est à retenir, dans le bilan du Forum, que des progrès très importants ont été accomplis sur un certain nombre de points, que M. de Saint-Amans a dû évoquer devant vous.

Par exemple, les administrations fiscales requises de certains pays ont renoncé, dans de nombreux cas, à invoquer l'intérêt domestique, alors que cet argument était auparavant souvent soulevé pour ne pas transmettre de renseignements, notamment en matière d'impôt sur le revenu.

Cet argument permettait à un pays de ne pas répondre sur un sujet, au motif qu'il ne trouvait pas d'intérêt à la question posée. Je prendrai l'exemple d'une requête adressée à l'administration fiscale de Singapour, État qui ne connaît pas l'ISF. Avant la nouvelle convention, à la requête concernant le patrimoine d'une personne, ces autorités rétorquaient qu'elles ne répondraient pas à cette question car le patrimoine de cette personne ne les intéressait pas.

Outre l'intérêt domestique, d'autres arguments étaient également soulevés. Les revues que nous réalisons visent précisément à mesurer si les motifs invoqués pour s'opposer à la transparence et à l'échange d'informations sont, ou non, en voie d'élimination.

Des progrès sont à noter. On compte désormais soixante-dix rapports établis, même s'ils sont pour l'instant, officiellement, un peu moins nombreux. En effet, onze nouveaux rapports nous ont été présentés lors d'une réunion, voilà quinze jours.

Ces rapports font apparaître la situation négative de onze pays non autorisés à passer en phase 2, qui ont été inscrits dans un tableau, utilisé par le G20 de Cannes. Parmi ces États figurent le Liechtenstein, la Suisse et, depuis la semaine dernière, deux États supplémentaires d'Amérique Centrale.

La liste de ces pays prend donc la forme d'un tableau, une sorte de guide permettant de connaître leur situation au regard de la disponibilité de l'information, les véritables propriétaires des entités économiques - ce qui revêt une singulière importance en matière de trusts ! -, ainsi que l'information comptable disponible.

Les requêtes adressées à ces pays sont très précises, de même que les recommandations.

Le premier groupe d'éléments concerne l'obtention des renseignements bancaires, et le deuxième est relatif à un problème très technique : l'accès à ces informations par les autorités fiscales.

De nombreuses autorités fiscales requises par un pays répondent qu'elles veulent bien demander tel ou tel renseignement à certaines banques, mais qu'elles n'en ont ni le droit ni les moyens. Ces dispositifs de fermeture, ces verrous, sont actuellement en train de sauter, comme nous l'observons à la lecture des rapports, qui comptent de 60 à 70 pages et sont extrêmement précis.

À l'issue des discussions dans le cadre du Forum, et d'abord au sein du groupe chargé de la revue par les pairs, qui compte trente membres, nous devons aboutir à un texte de consensus - ce qui n'est pas toujours facile ! -, dont le wording décrit, très précisément, les défauts observés dans ces pays et les améliorations en cours. Y sont également formulées des recommandations et les dispositions à prendre pour rétablir la situation. Il s'agit donc d'un dispositif très précis.

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