Je ne suis pas sûr que cette affaire ait donné une très bonne image de la banque suisse, en particulier de la banque privée. Cela soulève d'ailleurs une question importante : selon moi, s'il n'y avait pas eu, au cours des dix dernières années, un formidable renforcement du secteur du private banking dans le monde, l'évasion fiscale serait sans doute moins forte. Ce phénomène s'explique par la capacité de la banque privée à inciter à faire des montages et par la concurrence effrénée que les banques se font sur la gestion d'actifs.
Le secteur du private banking, qui est assez particulier, est très profitable, particulièrement quand il est fait en offshore. Ainsi, en 2008, une année qui a été très mauvaise pour tout le monde, le revenu net bancaire en offshore a été de 3,5 milliards d'euros pour les trois principales banques françaises, dont 1 milliard d'euros sur Singapour, 1 milliard sur le Luxembourg, et le reste sur la Suisse et d'autres pays.
Il s'agit d'un secteur très concentré, dont la profitabilité est importante. Je ne sais pas quel a été le résultat des banques en 2008, mais cela n'a pas dû être très brillant... Or le private banking ou le family office permet de gagner des sommes considérables. Il serait intéressant que vous rencontriez les banquiers privés, même s'ils ne sont pas forcément prêts à tout vous raconter. En tout cas, ce n'est pas un mauvais métier...
Pour terminer, j'en viens à la dernière question, qui portait sur les travaux du Forum. Ces travaux sont bien évidemment publics : les rapports sont publiés sur le site du Forum de l'OCDE. Certains ont même été imprimés, mais, comme le Forum n'est pas très riche, l'édition a été interrompue.
Sur les problèmes horizontaux ou transversaux, un rapport intitulé « Horizontal issues » a été rédigé récemment. Je pourrais vous le communiquer, mais, comme se pose toujours la question du statut des documents de l'OCDE, il est préférable que vous le demandiez à Pascal Saint-Amans.
Lorsqu'il s'agit de faire un diagnostic sur ce qui va bien et ce qui ne va pas bien, il faut considérer deux groupes de pays : d'un côté, les pays de loi anglo-saxonne, de common law ; de l'autre, les pays de droit dit civil ou romain. Sur certaines questions très spécifiques, il existe une grande incompréhension entre ces deux types de pays. Je pense en particulier aux trusts.
Les pays de droit civil n'aiment pas beaucoup les trusts. La France n'a pas de trusts dans son droit, mais on essaie de faire en sorte, notamment avec la nouvelle législation, de fiscaliser l'un des trois ou les trois intervenants d'un trust étranger, c'est-à-dire le settlor, le trustee et le bénéficiaire.
Mais il y a toutes sortes de trusts qui sont à la marge et sur lesquels il est difficile d'obtenir de l'information. Or nos termes de référence comprennent une obligation de divulgation de cette information lorsqu'une requête les concerne. Notre texte est plutôt meilleur, plus exigeant que celui du GAFI.
Chaque fois qu'un rapport évoque la question des trusts, nous avons des difficultés avec les pays de common law. Pour eux, il faut regarder si le trust respecte les principes fondamentaux des trusts, qui dateraient, à les entendre, du temps des Croisades... Difficile d'aller chercher dans les parchemins ! Dans ces pays, c'est le juge qui dit si le trust est conforme ou non aux principes fondamentaux. Ces questions relèvent donc complètement de la jurisprudence et chaque pays de common law a sa propre jurisprudence, ce qui est source de difficultés.
Par ailleurs, certains problèmes horizontaux ont été repérés. Je pense à la question des actions au porteur ou des warrants sur actions au porteur. Il serait bon de les interdire. Je pensais en toute honnêteté et très naïvement, j'étais d'ailleurs loin d'être le seul, qu'il n'y avait plus d'actions au porteur dans le monde. En réalité, il y en a encore à peu près pratiquement partout ! Simplement, les administrations fiscales savent généralement qui est le porteur ; toutefois, il reste certains pays où on ne le sait pas ! Nous avons donc émis des recommandations pour que l'administration fiscale connaisse au moins les propriétaires.