Intervention de François d'Aubert

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 13 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. François d'auBert délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs et président du groupe chargé de la revue par les pairs au sein du forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations à des fins fiscales

François d'Aubert, délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs :

Sur la première question, je rappelle que le Forum est plus large que l'OCDE. Un système d'adhésion a été mis en place pour augmenter le nombre de membres du Forum.

S'agissant des juridictions non coopératives, la logique voudrait qu'on traite des trois domaines touchés : le fiscal, le blanchiment et le prudentiel.

Le blanchiment relève du domaine du GAFI. Il serait souhaitable qu'on réussisse à rapprocher nos termes de référence des recommandations du GAFI, et inversement. Les deux ne peuvent pas parfaitement correspondre, puisque nous n'avons pas, par exemple, de TRACFIN.

Quant au fiscal, il a une spécificité très importante : il touche à un domaine dans lequel la souveraineté des États est probablement la plus forte. Avec la justice et la police, la fiscalité constitue véritablement le noyau dur de la souveraineté d'un État. Les administrations fiscales ont du mal à coopérer avec nous ; il y a souvent des malentendus et cela ne marche pas toujours très bien.

Il faudrait coopérer davantage avec le GAFI. Cet organisme n'a pas une structure comparable à la nôtre : il n'y a qu'une trentaine de membres seulement et il existe des GAFI régionaux, organisés sous forme d'associations, qui ne fonctionnent pas tous excellemment.

Le FSB s'occupe, quant à lui, du prudentiel et de la régulation. Un groupe de travail sur les juridictions non coopératives, présidé par le directeur du Trésor français, traite des défaillances de supervision financière qui peuvent elles aussi alimenter l'évasion fiscale et le blanchiment. Ils essayent de faire accepter par certains pays des régulations qu'ils refusaient jusqu'à présent. Mais ils n'en sont pas encore au stade d'émettre des recommandations ni de former une sorte de club de pays concernés par ces questions.

Quoi qu'il en soit, la crise a permis de faire apparaître certains besoins, ne serait-ce que celui d'avoir, à défaut d'un système de régulation, des régulateurs crédibles. Sur le papier, tous les pays ont des régulateurs, qui seraient formidables. En fait, à Antigua, pendant la crise, le régulateur a laissé passer l'affaire Stanford. Il était payé par M. Stanford, lequel s'occupait, par ailleurs, de l'équipe de cricket de l'île... Il a tout de même « planté » 22 000 épargnants au travers d'un fonds bancaire fonctionnant sur le schéma de Ponzi. Aujourd'hui incarcéré, il va probablement être condamné à 200 ans de prison. Ce qu'il s'est mis dans la poche ou ce qui est parti en fumée représente tout de même 7,5 milliards de dollars. Ce petit Madoff, comme il a été appelé, était pourtant placé sous l'autorité d'un régulateur « nickel chrome » !

Quant à l'ONU, elle s'intéresse aussi à ces sujets et édicte des règles qui sont utiles. Sur la question de la corruption, les accords de Merida ont constitué un apport considérable : dans tous ces flux, beaucoup d'argent provient de la corruption, ce qui perturbe complètement l'échange de renseignements, que ce soit sur le blanchiment ou sur les questions fiscales. Les flux internationaux de corruption, qui touchent pratiquement tous les pays et qui sont de l'ordre de 50 milliards de dollars par an, sont bien évidemment défiscalisés ! Il faut regarder cela de près, et il existe une instance de l'OCDE qui s'en occupe : son système de fonctionnement est proche du nôtre, avec des recommandations et des éléments de fond, et elle marche d'ailleurs très bien.

En ce qui concerne l'Union européenne, la législation repose sur des directives : à ce niveau elle est peut-être un peu faible, mais il est toujours ardu d'obtenir le consensus. Dans ce domaine, il y a la directive « Blanchiment » et la directive « Épargne » ; il faudrait maintenant s'entendre, même si c'est difficile, pour faire passer la deuxième directive « Épargne ». Ainsi, certains pays ne sont pas du tout sur la même longueur d'ondes que les autres. Le Luxembourg, par exemple, ne veut pas de l'échange automatique d'informations ; ils y sont aussi opposés que les Suisses. Il en va de même pour l'Autriche, même si elle ne le dit pas trop !

Nous avons eu aussi quelques problèmes avec les pays de l'ancienne Europe de l'Est, qui ne sont pas toujours d'une transparence totale. Nous avions demandé à tous les pays de l'Union européenne d'adhérer au Forum ; quatre ne l'ont pas fait : la Roumanie, la Bulgarie, la Lettonie et la Lituanie. La Roumanie est d'accord pour y entrer ; je crois qu'il en ira de même pour la Lettonie et la Lituanie, mais la Bulgarie s'y est récemment opposée.

Certains pays ne sont pas tout à fait d'accord avec le système d'échange de renseignements. On a également des pays un peu plus « compliqués », comme Chypre, qui va présider l'Union européenne pendant six mois. Dans les années quatre-vingt-dix, 1 milliard de dollars en provenance de Russie transitaient chaque mois par Chypre. Est-ce que cela continue ? De l'immobilier a probablement été construit avec cet argent, qui a dû rapporter, même si on ne sait pas de quelle façon. Il reste des gisements...

Il serait important de travailler davantage avec les parlements nationaux. Je n'ai pas à dire au Parlement ce qu'il doit faire, mais il me paraîtrait important que vous vous intéressiez davantage aux conventions fiscales internationales. La situation s'est améliorée depuis deux ans. Chaque convention ne vaut peut-être pas une discussion, mais elle mérite au moins une demande d'informations très précises et décloisonnées, c'est-à-dire portant non seulement sur le fiscal, mais également sur le blanchiment et sur la manière dont la régulation est exercée dans les pays avec lesquels on signe des conventions.

Le Parlement européen fait un bon travail sur le sujet, comme le Parlement français d'ailleurs. Mais il ne peut pas y avoir de bon système de coopération si des mesures et des sanctions ne sont pas prises au niveau national.

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