Intervention de Jérôme Fournel

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 13 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jérôme Fournel directeur général des douanes et droits indirects et jean-paul balzamo sous-directeur des affaires juridiques du contentieux des contrôles et de la lutte contre la fraude à la direction générale des douanes et droits indirects

Jérôme Fournel, directeur général des douanes et droits indirects :

Je commencerai par répondre à la dernière question, qui est facile.

Oui, nous avons été très lourdement touchés par la politique de diminution des effectifs puisque, aujourd'hui, entre 58 % et 65 % des départs, suivant les années, ne sont pas remplacés. Nous sommes soumis à un rythme de gain de productivité toujours plus intense, car nous perdons environ 2 % de nos effectifs chaque année. C'est extrêmement important !

Cette situation a été justifiée par l'évolution de nos modes de fonctionnement, notamment la dématérialisation accélérée de nos procédures. Historiquement, nous avions sans doute un peu de retard, mais aujourd'hui, je pense que nous avons plutôt de l'avance sur la dématérialisation, et les administrations douanières européennes sont aujourd'hui très en avance en termes d'interopérabilité de leurs systèmes d'information.

Aujourd'hui, une marchandise, par exemple du vin, qui part de Bordeaux, sort d'Europe par un port au nord de la Pologne, est suivie, tracée informatiquement tout au long de son trajet, d'État en État européen, et un retour informatique arrive, au moment de la sortie du port en Pologne, sur le bureau de douane de départ.

Par conséquent, les systèmes sur lesquels nous travaillons sont extrêmement poussés de ce point de vue, et nous sommes plutôt en avance aujourd'hui.

Cette dématérialisation a imposé des réformes de structures, qui se sont appuyées sur des changements importants concernant les métiers : pour donner un ordre de grandeur, entre 2008 et 2010, j'ai fermé une centaine de structures de dédouanement en France, sur 250. Cela a été extrêmement lourd !

Par conséquent, nous sommes totalement impactés par ces évolutions.

Votre première question, monsieur le sénateur, concernait le MEDEF.

Nous travaillons maintenant depuis plusieurs années sur une évolution de la relation que nous entretenons avec les entreprises. Il faut bien comprendre pourquoi. Nous n'avons pas seulement envie de faire plaisir aux entreprises ; nous essayons d'appuyer la compétitivité de celles-ci, c'est un fait, mais par ailleurs, nous nous situons dans une logique de partenariat : j'ai besoin d'informations, j'en collecte sur les flux physiques ; j'ai besoin de trier mes entreprises en fonction de leur qualité de dédouanement, et c'est à partir de cette analyse du risque et des informations collectées que je vais contrôler à bon escient un petit nombre d'envois. Si je cible mieux, mes contrôles sont plus efficaces, j'embête moins les entreprises, et la situation sera alors plus fluide pour elles. On est « gagnant-gagnant » !

Nous avons développé cette logique à l'égard de nos partenaires du MEDEF. Nous avons notamment instauré une charte des contrôles douaniers pour que la relation de contrôle soit un peu décomplexée ou en tout cas plus facile. Nous avons mis en place des facilités pour la personnalisation des services douaniers, pour les inscrire dans une logique de compétitivité et pour s'adresser aux différentes entreprises, cible par cible.

Bien sûr, certains sujets sont encore difficiles : je pense au caractère pénal du droit douanier et aux sanctions appliquées.

Nous avons progressé dans les échanges, me semble-t-il, puisque nous étions parvenus à un accord sur un texte qui n'a pas pu être déposé, mais qui faisait largement consensus entre le MEDEF et la douane sur la nécessité d'une évolution de la notion et de la sanction. En effet, dans un certain nombre de cas - mon propos va aller à l'inverse de ce que vous avanciez, monsieur Pillet -, il y a une matérialité d'un fait, je ne veux pas sortir de là. Cela signifie que je ne peux pas a priori, dès le départ, dire que telle infraction matérielle de sous-valorisation est une irrégularité, ou que telle infraction de sous-valorisation est commise par une entreprise qui cherche à faire des évasions. Je ne sais pas le faire a priori.

En revanche, une fois qu'a commencé l'identification de l'infraction, je peux me dire que je suis face à une irrégularité ou à quelque chose de plus sérieux, et je vais diligenter une enquête. On peut assez rapidement savoir si l'on va basculer dans une logique de poursuites - qu'une transaction ait lieu ou non, le sujet n'est pas là - parce que, pour nous, il existe une infraction lourde, ou bien si l'on est devant une infraction qui justifie à nos yeux - on en revient un peu à l'intentionnalité ou à une notion moins forte que l'infraction stricto sensu - de passer à du contraventionnel.

Notre rôle consiste à mieux discriminer, proportionner la sanction pénale entre du contraventionnel et du délictuel et éviter de s'engager systématiquement dans du délictuel. Je disais que de tels propos n'iraient pas dans votre sens ; en réalité, ce n'est pas tout à fait exact dans la mesure où, par exemple, sur un cas, je vais retenir le délit et avoir tendance à aller plus facilement en justice pour obtenir l'exemplarité que vous souhaitez, et où, en revanche, sur un autre cas, je vais décider, soit de passer outre, soit de proposer une transaction, parce que nous sommes sur une affaire qui ne présente pas de grosses difficultés.

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