Intervention de Cédric O

Commission d'enquête Souveraineté numérique — Réunion du 20 juin 2019 à 13h50
Audition de m. cédric o secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics chargé du numérique

Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances et du ministre de l'Action et des Comptes publics, chargé du Numérique :

La question du démantèlement se pose en soi et pour soi. Le livre de Tim Wu, The Curse of Bigness, paru récemment aux États-Unis, dresse un parallèle entre le démantèlement de la Standard Oil et d'AT&T et ce qui se passe aujourd'hui avec les GAFA. Il appelle à leur démantèlement en disant que l'approche récente et centralisée de la politique anti-concurrence sur le prix que paie le consommateur n'est pas l'objectif politique qui a présidé à la création des lois antitrust : une entreprise trop grande pose par essence des problèmes démocratiques, économiques... Le sujet progresse au niveau américain, à l'intérieur des États-Unis, notamment au sein du camp démocrate. Je crois assez peu à l'idée que les Européens seraient en position d'imposer ces éléments-là, fût-ce pour des raisons d'innovation ou de démocratie. J'ai qualifié cette approche d'excessivement agressive non pas en soi, mais parce que je pense que c'est excessivement agressif pour les plateformes et que les États-Unis ne nous laisseront pas faire. Quoi qu'on en pense, ce sera d'abord une affaire américaine. Au-delà du démantèlement, la question de la régulation se pose de manière plus urgente : même si Facebook était divisé par 10, cela ferait toujours 240 millions d'utilisateurs par entité et cela n'aurait réglé aucun problème lié à la protection de la vie privée.

Même pour l'Europe, la question de l'antitrust se pose en même temps que la politique commerciale. Dans un certain nombre de secteurs de l'intelligence artificielle, les entreprises chinoises, parce qu'elles ne respectent pas les mêmes règles, seront plus fortes que les entreprises américaines et européenne. Devons-nous laisser entrer de telles entreprises sur le marché européen ? C'est pour cela qu'il faut réfléchir de manière transversale. Il ne faut pas oublier une partie du problème : certes les acteurs trop gros sont problématiques mais se focaliser sur la taille de ces acteurs ne permet pas de bien appréhender l'ensemble des problèmes qu'ils posent.

Si les Européens créent une agence de l'innovation, ce ne sera pas sur les sujets défense. Par ailleurs, la DARPA investit aussi dans des entreprises, y compris européennes, qui développent des technologies civiles. Il y a des continuités entre défense et civil. Le sujet de la souveraineté, y compris dans la défense, est d'abord un sujet économique : il faut avoir des acteurs suffisamment puissants pour faire de la R&D.

Qwant est une vraie réussite, malgré une part de marché limitée. C'est le seul qui grignote des pourcentages de parts de marché à Google en France et en Europe. Nous faisons ce que nous pouvons pour les aider à se développer. Qwant remplissant certaines conditions, notamment en matière de protection des données, nous avons décidé de recommander son installation par défaut sur les ordinateurs des administrations françaises. À court-terme, ce ne sera toutefois pas un élément de souveraineté, sauf pour l'utilisateur qui fait le choix de ne pas fournir ses données aux GAFA. À court terme, Qwant n'est en effet pas un compétiteur du niveau, ni même du dixième de niveau, de Google.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion