Intervention de Agnès Le Men

Mission d'information Développement de l'herboristerie — Réunion du 24 mai 2018 à 11h00
Table ronde autour de mme ida bost auteure d'une thèse sur l'histoire des herboristes en france pr pierre champy professeur de pharmacognosie à l'université paris-sud mme agnès le men directrice du conservatoire national des plantes à parfum médicinales aromatiques et industrielles cnpmai

Agnès Le Men :

Je suis ingénieur agronome et directrice du conservatoire national des plantes à parfum, médicinales, aromatiques et industrielles depuis le début de l'année 2017.

Le conservatoire est spécialisé dans la gestion des ressources génétiques des plantes à parfum, médicinales et aromatiques et se situe donc très en amont de la production, à l'interface du monde des plantes sauvages et de celui des plantes cultivées.

La filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) est une filière modeste qui couvre 48 000 hectares, soit moins de 1 % de la surface agricole française, pour environ 3 500 exploitations, dont 15 % sont labellisées biologiques contre 5 % dans le reste de l'agriculture. Trois espèces (la lavande, le lavandin et le pavot-oeillette) couvrent 70 % des surfaces. Néanmoins, la production des 30 % des surfaces restantes assurent plus de 60 % du chiffre d'affaires, ce qui montre la forte hétérogénéité du chiffre d'affaires par hectare.

L'activité de cueillette commerciale est peu connue et documentée, ce qui pose la question de la gestion de la ressource sauvage.

La filière est également orpheline de la recherche publique.

La règlementation, en pleine évolution, est parfois lacunaire et complexe, et souvent décalée de la réalité du terrain. A titre d'exemple, la règlementation européenne REACH sur les substances chimiques dangereuses assimile certaines huiles essentielles à des produits dangereux et impose la constitution de dossiers complexes. Le règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage (CLP) impose l'étiquetage des huiles essentielles pures avec des pictogrammes montrant leur dangerosité. La règlementation sur les alcaloïdes pyrrolizidiniques - molécules que l'on peut retrouver dans des plantes à tisanes - impose un degré de contrainte décalé de la réalité : le seuil admis correspond à une plante touchée sur un champ entier de menthe par exemple. Il existe d'autres normes telles que la pharmacopée ou la règlementation des compléments alimentaires notamment.

La complexité des plantes et de leurs propriétés, sur lesquelles les recherches sont encore expérimentales, traduisent l'avenir et la richesse de cette filière.

Celle-ci s'est structurée et mécanisée à partir des années 1980, période à laquelle a été créé l'Institut technique de la filière, l'Iteipmai. Depuis sa création, tant les surfaces que le chiffre d'affaires de la filière PPAM n'ont cessé de se développer. Entre 2000 et 2010, la surface cultivée a augmenté de 15 % quand elle diminuait de 2 % pour le reste des productions agricoles et le nombre d'exploitations a augmenté de 23 % alors qu'il diminuait de 6 % dans le reste du secteur agricole.

Cette dynamique s'est accélérée au cours des dernières années : les surfaces ont augmenté de 26 % entre 2010 et 2015, du fait de la diversification de céréaliers vers les PPAM pour sécuriser leurs revenus, de l'installation de jeunes agriculteurs et de l'évolution de la demande.

En découle un besoin croissant en formation, un accompagnement technique et un approvisionnement en semences et plants.

Dans la filière PPAM, nous identifions de manière arbitraire trois grandes catégories : les plantes à parfum, aromatiques et médicinales. Les plantes à parfum sont principalement celles qui vont être transformées en huiles essentielles, comme la lavande ou le lavandin, qui peuvent être également des plantes médicinales. Les plantes aromatiques sont les plantes condimentaires tels le thym, le romarin, qui peuvent aussi être utilisées comme des plantes médicinales. Enfin, dans les plantes médicinales, on distingue des productions à grande échelle de ginkgo biloba et de pavot-oeillette, sous contrat avec les laboratoires pharmaceutiques, et des productions d'autres plantes (plus de 100) commercialisées en circuit court comme compléments alimentaires ou plantes sèches sur le marché de l'herboristerie. Il est ainsi difficile de définir les plantes médicinales et de les distinguer des autres catégories de plantes.

J'en viens à la structuration de la filière. Le réseau de recherche agronomique appliquée, le réseau PPAM, est fédéré autour de l'Iteipmai, l'institut technique de la filière situé à Chemillé-en-Anjou, auquel est adossé le CRIEPPAM (centre régionalisé interprofessionnel d'expérimentation en plantes à parfum, aromatiques et médicinales). La chambre d'agriculture de Valence s'est historiquement spécialisée dans la filière PPAM.

Le conservatoire, créé en 1987 à Milly-la-Forêt, dans le sud de l'Essonne, bassin historique de plantation PPAM, est une association loi 1901 financée à 50 % par les pouvoirs publics et compte 9 salariés. Il s'attache à approvisionner ses partenaires en diversité génétique, développe une activité proche de celle d'un jardin botanique pour acquérir, rassembler, conserver une collection dynamique de plus de 1 000 espèces, et travaille parallèlement sur la cueillette et la protection du patrimoine naturel, en partenariat avec l'Association française des cueilleurs de plantes sauvages (AFC). Il a en outre une activité de production de semences et de plants (plus de 700 espèces) qui permet d'approvisionner les producteurs. Enfin, il accueille plus de 10 000 visiteurs par an et joue un rôle de sensibilisation du grand public, en développant une offre de stages pour laquelle la demande est croissante.

D'autres organismes sont à mentionner : le CPPARM (Comité des plantes aromatiques et médicinales), qui regroupe des producteurs, le CIHEF (Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises), des organismes de formation spécialisés, notamment les quatre CFPPA (centres spécialisés de formation pour la promotion agricole) et la délégation nationale de FranceAgriMer.

Cette filière et son développement sont portés par une attente sociétale pour plus de naturalité, le souhait de « consommer local », le développement de la responsabilité sociétale des entreprises, notamment dans la filière cosmétique, le phénomène du « do it yourself » ou encore la recherche de produits purs et naturels. Les PPAM ont également un rôle à jouer dans le développement d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement.

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