Je pense qu'il n'existe pas de mesure objective de la qualité relationnelle entre le patient et son psychothérapeute ; cependant, cela change la manière que nous avons de nous auto-évaluer. A Marmottan, on l'a compris depuis le milieu des années 1970 : le meilleur critère d'évaluation de base pour la prise en charge d'une addiction réside dans la facilité avec laquelle le patient va revenir vous voir quand il aura à nouveau des problèmes, contrairement à ce que l'on pouvait croire au début. On aura alors des prises en charge au très long cours mais de manière séquentielle.
On a vu des gens revenir parce qu'ils étaient retombés dans l'alcool alors qu'ils avaient arrêté l'héroïne depuis dix ans. On en voit aujourd'hui revenir pour le jeu, après avoir arrêté l'alcool depuis dix ans. Il existe ainsi des passages d'une addiction à une autre et c'est pourquoi les CSAPA doivent devenir des lieux de référence, un peu comme un hôpital général.
Je ne partage pas le pessimisme de Michel Le Moal. Cela fait 37 ans que je suis des toxicomanes ; quelques-uns viennent malheureusement toujours me voir parce qu'ils vont très mal -certains sont psychotiques, d'autres connaissent des troubles psychiques majeurs- mais j'en connais qui sont devenus des collègues et qui ne supporteraient même pas d'être considérés comme d'anciens toxicomanes. Ils se vivent autrement. Ayant traversé une période de leur vie, ils ne veulent pas être réduits à celle-ci.