Véronique Nahoum-Grappe a écrit de très belles pages sur l'opposition entre la figure de l'artiste et celle de l'homme politique : l'artiste se doit d'être très mal dans sa peau, alcoolique, cocaïnomane et reçoit du ciel des traits de génie sans jamais travailler ; l'homme politique, au contraire, travaille sans arrêt, est submergé de dossiers et n'a manifestement pas le temps de s'amuser ! La réalité est bien sûr différente... Si on expliquait que Gainsbourg passait son temps à travailler et qu'il était tellement angoissé qu'il fallait qu'il se calme en buvant, qu'il s'agissait d'une sorte d'antidote contre le surmenage, on casserait le mythe. Si l'on racontait la véritable existence des hommes politiques, on casserait probablement aussi pas mal de mythes. Il s'agit là d'une représentation sociale.
Le plus dangereux reste que la société récupère tout : cette image de la star est une image de marketing inventée avec le rock'n'roll. Le sociologue François Dubet fait remonter à 1954 les débuts de l'adolescence au sens où on l'entend aujourd'hui. C'est l'époque du premier 45 tours d'Elvis Presley. Le coût de génie du marketing et de la publicité est d'avoir utilisé un mouvement qui se présentait comme un mouvement de libération et de révolte pour en faire un vecteur de consommation à destination des jeunes ! On continue à parler d'une « attitude rock'n'roll » comme s'il s'agissait d'une attitude de rebelle dirigée contre le système alors que c'est le meilleur moyen de rentrer dans le système en achetant des chaussures de telle marque, des disques de tel chanteur, etc. !
Ce qui fabrique l'addiction dans la société c'est l'idée que le bonheur passe par la possession d'un certain nombre d'objets de consommation. Le problème est que même les révoltes contre cette société sont récupérées : le mouvement punk a ainsi donné lieu à une mode en l'espace de six mois !