Tout à fait ! Or un peu plus de 3 000 sont effectivement mises en oeuvre. Il existe donc un besoin d'autorégulation.
Le groupe RDSE sera sensible à la proposition de permettre à des parlementaires d'agir en justice pour contester une disposition réglementaire. Les parlementaires ne peuvent, en tant que tels, agir par la voie d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.
Sur la fabrication de la norme européenne, l'idée est de travailler le plus en amont possible. Prenons l'exemple de deux décisions récentes de la Cour de justice de l'Union européenne, sur le temps de travail des militaires et sur la conservation des données de connexion : on voit bien que le problème est avant tout franco-français. Il importe que nous soyons plus attentifs à ce que nos préoccupations soient prises en compte par le législateur européen.
Nous proposons également de valoriser la notion de « carton vert » : au lieu d'être en mode défensif, le Parlement doit se montrer proactif. Le Parlement doit pouvoir indiquer au législateur européen sur quel sujet travailler. Dans la mesure où cette proposition suppose une modification des traités, elle a peu de chance d'aboutir. Mais, et c'est ce qui explique que nous l'avancions tout de même, le Parlement européen fait pression pour obtenir un pouvoir d'initiative. Si l'on révise un jour le Traité sur l'Union européenne en ce sens, il serait assez logique, en miroir, de donner aux parlements nationaux la possibilité de présenter leurs propres priorités.
Autre proposition, qui concerne directement le Parlement, c'est l'idée de recommandations annuelles ou d'un débat d'orientation. Cela se pratique dans les pays scandinaves et en Allemagne. Lorsque le Gouvernement danois va négocier à Bruxelles, il le fait sur la base d'un mandat qui lui a été donné par son Parlement. L'idée d'un mandat impératif n'est pas dans la culture française, qui est marquée par une déférence vis-à-vis de l'exécutif, mais on pourrait imaginer un « mandat d'orientation ». Nous ne disposons pas aujourd'hui de ce type de mandat, même si la commission des affaires européennes adopte des résolutions.
Toujours dans l'idée que le contrôle du Parlement national se fasse le plus en amont possible, il importe de donner vie à l'article 12 du traité sur l'Union européenne, qui indique que les parlements nationaux contribuent au bon fonctionnement de l'Union européenne. En réalité, les parlements nationaux ne sont pas du tout associés à ce travail. Nous disposons pourtant de prérogatives en ce sens, mais nous ne les utilisons pas réellement. Notre commission des affaires européennes reçoit régulièrement des fiches de liaison pour présenter les textes qui seront examinés au niveau européen, mais elles ne sont pas communiquées aux autres commissions. Ces dernières disposent pourtant d'une expertise. Il serait bon, à mon sens, de faire évoluer les choses.
Le dernier élément que je vous proposerai pour renforcer le rôle du Parlement dans la fabrication de la norme européenne, au titre du contrôle de subsidiarité, est d'utiliser les pouvoirs tirés du traité et codifiés à l'article 88-6 de la Constitution, à savoir la possibilité d'agir en annulation devant la Cour de justice. Nous ne l'avons jamais fait. Or rien ne nous interdit de saisir directement la Cour de justice de l'Union européenne si nous estimons qu'une disposition européenne viole le principe de subsidiarité ou la répartition des compétences entre le niveau national et le niveau européen. Ce serait une action symbolique, mais qui marquerait le retour à une implication plus forte du parlement national dans la fabrication de la règle européenne.
Les propositions thématiques, quant à elles, visent à créer de nouveaux espaces de dialogue entre les juges et le monde politique et la société civile, avec l'idée que l'indépendance n'interdit pas le dialogue. Nous ne sommes plus dans le système conçu par Montesquieu de séparation des pouvoirs, nous sommes dans un système beaucoup plus hybride d'interaction entre les institutions. Il existe une forme de confusion entre l'exécutif et une partie du législatif. De surcroît, le pouvoir juridictionnel est aussi très présent. Je ne crois pas qu'il y aura de retour en arrière ni qu'il faille en suggérer un. Ne remettons pas en cause l'État de droit, qui est un élément important de notre démocratie. Ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine nous montre que ce bien est suffisamment précieux pour vouloir le préserver absolument. Nous sommes donc plutôt dans le registre du dialogue.
Le Conseil constitutionnel vient d'adopter un règlement intérieur pour les saisines a priori, qui prévoit la possibilité, lorsque soixante députés ou soixante sénateurs saisissent le Conseil constitutionnel, de désigner l'un des requérants pour venir expliquer à l'audience les éléments essentiels de cette saisine. Par ailleurs, les parlementaires qui ne sont pas à l'origine de la saisine peuvent adresser des contributions au Conseil constitutionnel. Même idée pour la CEDH et la Cour de justice : il s'agit de pouvoir leur adresser des tierces interventions ou de participer à l'élaboration de la position défendue par la France.
Nous suggérons également que, de temps en temps, le Conseil d'État ou la Cour de cassation, voire les cours européennes, puissent considérer que les parlementaires ont un peu d'expertise. Les juristes appellent cela les amicus curiae. La Cour de cassation propose des procédures interactives ouvertes pour traiter les affaires les plus emblématiques, ce qui nous semble une excellente initiative. Les conseils de juridiction doivent être ouverts aux parlementaires et pourraient être institués au niveau national.
Deux suggestions complémentaires, nous proposons que les plus hauts magistrats présentent devant le Parlement leur rapport annuel et qu'ils évoquent les sujets qu'ils traiteront l'année suivante. C'est l'idée que le juge rende compte de son action. Cette initiative, respectueuse de son indépendance, est comparable à l'exercice auquel est soumis le président de la Cour des comptes. Il s'agit que nous puissions être informés et d'amorcer une forme de dialogue.
L'autre idée, c'est que nous n'avions peut-être pas mesuré l'importance du choix pour notre pays de son juge à la Cour de justice de l'Union européenne. La France désigne un juge et un avocat général pour neuf ans. Ces magistrats sont désignés par le Gouvernement à travers une procédure assez précise, qui nous convient. Nous ne demandons pas un vote comme pour les désignations au Conseil constitutionnel ou au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), mais nous proposons qu'il puisse y avoir un entretien entre les parlementaires et les trois candidats. Il s'agit, là aussi, d'instaurer un dialogue.
Nous avançons également l'idée que les magistrats s'autorégulent - c'est un sujet sensible - et qu'ils pratiquent une forme de retenue. Nous suggérons que les recommandations faites en septembre dernier au Président de la République par le Conseil supérieur de la magistrature sur la notion de responsabilité des magistrats soient rapidement mises en oeuvre. Ce serait une première étape. Nous demandons également que le tronc commun qui sera proposé demain par l'Institut national du service public (INSP) puisse être ouvert aux magistrats judiciaires. Nous proposons de faire aboutir la révision constitutionnelle sur le statut du parquet en ce qui concerne l'avis conforme du CSM.
En ce qui concerne la pénalisation de la vie politique, nous faisons deux propositions : l'une concerne la réforme de la Cour de justice de la République, l'autre porte sur l'idée d'une responsabilité pénale de l'État. Aujourd'hui la Cour de justice de la République comprend une commission d'instruction, composée de hauts magistrats, et une commission des requêtes, composée de magistrats de la Cour de cassation, du Conseil d'État et de la Cour des comptes. Or, dès qu'une requête passe le cap de cette commission des requêtes, la machine médiatique se met immédiatement en action. Il nous paraît donc important que cette commission intègre pour moitié des parlementaires. En revanche, la présence de parlementaires au niveau de la formation de jugement de la Cour de justice nous semble plus discutable, car elle met en cause l'idée de l'indépendance de cette cour par rapport au monde politique.
Nous déplorons également que les jugements de la Cour de justice de la République ne puissent pas faire l'objet d'un appel et nous regrettons l'actuelle disjonction des procédures, les ministres étant jugés par la Cour tandis que leurs collaborateurs et la haute administration sont jugés par les juridictions de droit commun, dans une temporalité différente. Pour remédier à ces difficultés, nous suggérons de confier ce contentieux au tribunal judiciaire de Paris.
Enfin, nous proposons d'introduire une responsabilité pénale de l'État. Cette idée avait été envisagée voilà une douzaine d'années, mais elle n'avait pas été retenue.
Seules deux solutions peuvent être considérées pour que les ministres puissent travailler sereinement : soit nous réécrivons les dispositions relatives aux infractions non intentionnelles - je pense par exemple à la mise en danger de la vie d'autrui -, au risque que l'opinion publique crie à l'irresponsabilité des élus, soit nous introduisons la responsabilité pénale de la personne morale - ce qui est déjà le cas pour les personnes morales de droit privé, mais aussi pour les collectivités locales, dans certains cas spécifiques. Instaurer une responsabilité pénale de l'État répondrait à la demande de justice qu'expriment nos concitoyens, tout en dépassant la seule mise en cause d'une responsabilité individuelle à l'heure où les politiques publiques sont placées sous le signe du collectif.
En somme, nos propositions visent à préférer le dialogue au duel entre le monde politique et la justice ; cette formule pourrait figurer dans le titre de notre rapport.