Intervention de Gisèle Jourda

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 19 février 2020 à 16h50
Réunion constitutive

Photo de Gisèle JourdaGisèle Jourda, rapporteure :

Mes chers collègues, je vous remercie tout d'abord pour votre confiance. J'ai l'expérience de telles missions d'information ou commissions d'enquête et je suis certaine que nous travaillerons en bonne intelligence sur un sujet qui nous concerne tous dans nos territoires.

Comme l'a rappelé le président, l'exposition potentiellement quotidienne à des agents polluants est un sujet d'inquiétude de plus en plus prégnant pour nos concitoyens et les élus qui doivent y faire face.

Dans le cadre de notre commission d'enquête, nous aurons l'occasion de nous pencher sur un enjeu encore méconnu et dont l'ampleur est sans doute sous-estimée : la contamination par des agents toxiques des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières. J'insiste sur l'origine industrielle ou minière de cette pollution, car cela exclut de notre champ d'investigation la pollution des sols consécutive aux activités agricoles, par exemple via l'utilisation de pesticides.

Compte tenu de notre important héritage industriel et minier, notre pays comprend de nombreux sites exploités sur des périodes souvent très longues. Jusqu'au milieu des années 1970, la préservation de la santé des populations riveraines et la protection de l'environnement n'étaient manifestement pas prioritaires dans la gestion et la surveillance de ces sites, si bien que de nombreux sols ont été durablement pollués avec des conséquences sanitaires et écologiques largement sous-estimées. D'ailleurs, dès que le public a eu connaissance de la création de notre commission d'enquête, nous avons reçu de très nombreux messages, qu'ils viennent de métropole ou d'outre-mer, nous sensibilisant à cette problématique en nous alertant notamment sur des cas particuliers.

À cet égard, la pollution des sols dans la vallée de l'Orbiel à la suite de l'exploitation des mines d'or de Salsigne est particulièrement parlante - c'est le dossier qui m'a amenée à proposer la création de cette commission d'enquête. La fermeture en 2004 du site de la plus grande mine d'or d'Europe, mais aussi du premier producteur au monde d'arsenic et autres métaux lourds a mis les pouvoirs publics face à un passif environnemental et sanitaire que je qualifierai de cauchemardesque : ce sont 1,2 million de tonnes de produits hautement toxiques qui sont mélangés à 14 millions de tonnes de déchets entreposés sous forme de collines artificielles et de dépôts à l'air libre.

En dépit de l'engagement de l'État à garantir le confinement et l'étanchéité des déchets pour une durée de cinquante ans, plusieurs tonnes d'arsenic se déversent et continueront de se déverser dans les cours d'eau qui traversent la vallée d'Orbiel. Les inondations et les épisodes venteux ont ainsi charrié des agents extrêmement toxiques dans les milieux environnants, avec des conséquences préoccupantes pour la santé des riverains : à ce jour, on estime que 58 enfants ont été surexposés à l'arsenic.

Les mines de Salsigne ne sont bien entendu pas un cas isolé. Notre territoire, hexagonal et ultramarin, est parsemé de sites durablement abîmés par une activité industrielle parfois peu soucieuse de son impact sanitaire et écologique. Avec près de 300 000 anciens sites industriels susceptibles d'avoir été contaminés à des degrés divers, la France serait l'un des pays avec la plus forte densité de sols pollués en Europe.

Devant une situation sanitaire et écologique préoccupante, il me semble que notre première tâche doit consister à évaluer la capacité de l'État à recenser les sites pollués ou potentiellement pollués et à établir une cartographie des risques sanitaires et écologiques correspondants. Les populations sont-elles, en effet, capables d'exercer pleinement leur droit à l'information sur les risques auxquels elles sont exposées ?

En outre, en matière de prévention de la contamination des sols et de dépollution des sites industriels, nous devrons déterminer, si les pouvoirs publics ont transigé sur le respect des exigences sanitaires et environnementales dans l'autorisation et le contrôle de certaines installations, parfois sous couvert d'objectif de soutien à l'emploi et à l'activité. À cet égard, le dispositif d'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement apporte-t-il les garanties suffisantes en termes de prévention et de maîtrise des risques de pollution ? Observe-t-on des négligences dans le contrôle des activités polluantes des installations classées ? Existe-t-il des angles morts dans ce contrôle ?

Enfin, le troisième champ d'investigation de notre commission pourrait porter sur l'évaluation des politiques publiques et industrielles de réhabilitation des sols pollués. Il nous appartiendra ainsi d'évaluer dans quelle mesure l'exploitant est responsabilisé dans la dépollution de son site, en application du principe pollueur-payeur. Par ailleurs, quelles sont les solutions innovantes qui peuvent être aujourd'hui envisagées pour redonner un second souffle aux anciens sites industriels dans une logique d'aménagement durable de notre territoire ?

Nos auditions devraient nous permettre d'entendre les différentes parties prenantes sur le thème de la pollution des sols. Outre les services ministériels et déconcentrés de l'État, les agences sanitaires et les représentants des secteurs industriel et minier, nous serons amenés à auditionner les représentants d'élus et d'associations de protection de l'environnement et des riverains, mais aussi les sociétés de réhabilitation des friches industrielles ou encore des chercheurs et scientifiques. Nos auditions pourraient se conclure avec celles des ministres concernés, notamment les ministres de la transition écologique et solidaire et des solidarités et de la santé.

Nos auditions devraient se dérouler les mardis après-midi et les mercredis après-midi après les questions d'actualité au Gouvernement. En complément, nous pourrions également envisager des auditions certains jeudis matin après les réunions des délégations.

Par ailleurs, la commission d'enquête pourrait effectuer plusieurs déplacements qui restent à définir, mais qui, dans la mesure du possible, pourraient avoir lieu le lundi ou le vendredi.

Comme l'a dit le président, les travaux de la commission d'enquête devraient être achevés d'ici à la fin du mois de juin. Je propose que nous démarrions nos travaux par des auditions nous permettant d'établir le cadre réglementaire applicable en matière de prévention et de gestion de la pollution industrielle des sols et d'identifier les principales problématiques en jeu.

Enfin, il nous revient de décider de la publicité à donner à nos travaux. Je vous rappelle que le principe est la publicité. Nos auditions pourraient faire l'objet d'un compte rendu publié et être ouvertes au public et à la presse. Exceptionnellement, ce principe de publicité peut être modulé afin de permettre, si cela est justifié, que certaines auditions se déroulent à huis clos.

Nous devons nous prononcer aujourd'hui sur ces différentes questions et je serai naturellement attentive à vos suggestions.

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