Sur ce point, mon expertise est limitée même si, lorsque j'étais directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, cet établissement financier a été le premier - et j'en suis fier - à dévoiler l'ampleur de la confiscation des biens juifs pendant la guerre, notamment des avoirs qui ont été gérés par la caisse durant cette période et qu'elle a, cela va de soi, entièrement restitués. Elle est même allée au-delà, en versant, sous des formes diverses, des indemnisations à la Fondation pour la mémoire de la Shoah en particulier.
Les banques suisses, sous la pression internationale, ne sont plus dans la situation dans laquelle elles se trouvaient il y a dix ou quinze ans. Elles ont été amenées à donner des informations, à restituer les avoirs qui étaient, comme vous l'avez dit, dans leurs coffres depuis soixante ans. Ont-elles tout restitué ? Je n'en sais rien, je ne suis pas policier, mais il y a doute sur ce point, vous avez raison.
Le système peut se reconstituer dans des circonstances moins tragiques, moins dramatiques, au travers des trusts tout simplement ; ce sont des fortunes qui trouvent refuge en Suisse !
J'ai de l'estime pour les financiers suisses, car ils ont inventé, avec les Lombards et les Lyonnais, ce dont je suis très fier, la finance moderne à la fin du Moyen Âge. Ces financiers connaissent leur métier. Ils pensent que le secret bancaire est un attribut indispensable du succès de leur place financière. À mon avis, ce sont les anciens banquiers qui parlent.
Pour ma part, je pense qu'ils ont complètement tort. Même si elle procédait à un nettoyage, la Suisse resterait, compte tenu tout simplement de son savoir-faire, une place financière très attractive, non seulement pour les Suisses, mais également pour les investisseurs du monde entier.
Quoi qu'il en soit, permettez-moi de citer un chiffre sur ce sujet qui nous tient à coeur chez Transparence International, et qui a été avancé par l'Association européenne de la gestion d'actifs, une source professionnelle sérieuse.
En Europe, les avoirs détenus à l'étranger par des personnes fortunées d'Afrique et du Moyen-Orient - il y en a même en Afrique et il y en a beaucoup au Moyen-Orient (sourires.) ; je parle de cette zone parce que nous avons beaucoup travaillé l'an dernier sur les pays arabes - s'élèvent à 1 500 milliards de dollars. Les professionnels du métier estiment que 15 % de ces avoirs ont été constitués de manière illicite, ce qui représente 225 milliards de dollars. Je peux vous envoyer le document si vous le souhaitez.
Ces avoirs privés ont été acquis ou constitués dans des conditions illicites par des investisseurs, des personnes privées de cette région du monde : 40 % de ces avoirs sont placés en Suisse, le reste à Londres et au Luxembourg. Ces trois places financières regroupent 85 % à 90 % du total des avoirs considérés.
Je cite ce chiffre pour montrer qu'il y a tout de même un tropisme particulier pour ceux qui souhaitent dissimuler des avoirs ou des biens qu'ils ont mal acquis, comme nous disons. Et il est vrai que c'est encore la Suisse qui semble être le lieu de prédilection pour dissimuler, mais aussi pour recycler. C'est une réalité.