Intervention de André-Claude Lacoste

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 3 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. André-Claude Lacoste président de l'autorité de sûreté nucléaire

André-Claude Lacoste, président de l'Autorité de sûreté nucléaire :

Vous souhaitez savoir, monsieur le rapporteur, comment on vérifie l'état du matériel de contrôle dans les endroits sensibles d'une installation ou d'une centrale.

Tout d'abord, je rappelle qu'en matière de sûreté nucléaire, il existe un principe fondamental, lequel figure et dans les Safety fondamentals de l'AIEA, l'Agence internationale de l'énergie atomique, et dans la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire : le premier responsable de la sûreté d'une centrale, c'est l'exploitant. Si celui-ci est globalement considéré comme non fiable, alors sa licence d'exploitation doit lui être retirée. C'est extrêmement clair. Il est tout à fait normal que ce soit EDF qui soit chargé en premier lieu de vérifier l'état de ses installations, de son matériel et de prendre l'ensemble des mesures nécessaires.

Pour sa part, l'ASN dispose de moyens de vérification, avec l'assistance technique de l'IRSN. Nous pouvons faire appel à des tierces parties.

À titre d'exemple, j'évoquerai le cas du bétonnage de Flamanville 3 : n'étant pas nous-mêmes directement experts en bétonnage, nous avons fait appel aux personnels compétents dans ce domaine de l'IRSN. Autre exemple : un certain nombre d'éléments font débat concernant la capacité de la cuve des réacteurs à aller au-delà de trente ans. L'une de nos divisions spécialisées, la division des équipements sous pression nucléaire, et un groupe d'experts français et étrangers travaillent sur ces questions. Nous ne sommes donc pas dépourvus d'expertise d'un point de vue technique.

Toutefois, je le répète, ce système ne fonctionne que si nous pouvons considérer, ce qui est le cas, que les exploitants sont dignes d'une certaine confiance. Si cette confiance disparaît, il ne reste qu'une solution : le retrait de la licence d'exploiter.

Vous me demandez également s'il ne me paraît pas « drôle » de constater que nous sommes amenés à découvrir un certain nombre d'éléments nouveaux après Fukushima ?

Lorsque survient un accident comme celui de Fukushima, il convient d'éviter tout réflexe d'orgueil. Il ne faut pas refuser de regarder la réalité, de reconnaître qu'il y a des éléments nouveaux. L'orgueil est extraordinairement mauvais conseiller dans ce genre de situation.

À cet égard, permettez-moi de vous raconter une anecdote. Récemment, un incident, que je considère grave, s'est produit en Corée du Sud. L'opérateur a masqué cet incident afin, semble-t-il, de préserver l'honneur national. Il est intéressant de voir ce à quoi peut conduire le concept dévié d'honneur national !

La catastrophe de Fukushima a eu lieu ; nous ne sommes pas sûrs d'avoir tout compris de cet accident ; nous prenons les mesures qui nous paraissent les plus nécessaires dans l'immédiat, sans faire preuve d'orgueil.

Au Japon, les évaluations complémentaires de sûreté portent sur trois sujets : les agressions naturelles - tsunamis, tremblements de terre, inondations, ... -, les pertes d'alimentation électrique et de refroidissement, ainsi que la gestion de crise.

Selon certains, l'hypothèse qu'un tsunami se produise en Europe n'est pas crédible. Dans un pays comme la France, l'équivalent d'un tsunami serait la rupture consécutive d'un certain nombre de barrages successifs sur un cours d'eau. Nous étudions donc cette hypothèse. Jusqu'à présent, on considérait qu'elle était tellement improbable qu'on ne la prenait pas en compte. Aujourd'hui, nous n'avons pas honte de dire qu'il faut l'étudier. Il ne faut pas faire preuve d'orgueil. Nous devons tirer les enseignements de Fukushima, en fonction des informations dont nous disposons.

Certaines situations peuvent être inconfortables d'un point de vue intellectuel. Ainsi, pour le moment, on considère que, à Fukushima, le tsunami a été bien plus dévastateur que le tremblement de terre. Au fil du temps, nous apprendrons peut-être qu'il n'en est pas ainsi.

Encore une fois, il nous appartient de tirer partie le plus possible des retours d'expérience, sans pudeur, sans honte. Nos collègues étrangers font la même chose.

J'en viens à la sécurité énergétique, objet de votre troisième question. Il s'agit en effet pour nous d'un sujet fondamental. Permettez-moi simplement de vous corriger sur un point : si un jour survenait un conflit patent entre le maintien en fonctionnement de réacteurs, lesquels ne seraient pas suffisamment sûrs à nos yeux, et l'approvisionnement en électricité de la France, il est tout à fait clair que ce n'est pas l'Autorité de sûreté nucléaire qui trancherait. Cette question est trop capitale. Il ne nous revient pas de prendre toutes les décisions pour le bonheur du monde. Nous ferions alors un rapport au Premier ministre ou au Président de la République. Sur un tel sujet, c'est soit au plus haut niveau de l'exécutif, soit au Parlement de prendre position. À l'évidence, nos responsabilités ont des limites.

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