Intervention de André-Claude Lacoste

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 3 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. André-Claude Lacoste président de l'autorité de sûreté nucléaire

André-Claude Lacoste, président de l'Autorité de sûreté nucléaire :

En l'état actuel du droit français, l'autorisation accordée à une installation est sans limitation de durée ; celle-ci peut fonctionner aussi longtemps qu'elle est considérée comme sûre.

L'ASN vérifie qu'elle est sûre à la fois au jour le jour par des inspections - 1 000 par an -, dont des inspections réactives après un incident, et par un rendez-vous plus solennel tous les dix ans. C'est la façon de faire française et, généralement, européenne, mais pas américaine. Nous essayons de convertir les Américains à la révision périodique de sûreté, Periodic Safety Review en anglais, mais nous avons beaucoup de mal.

Je précise que le Japon ne pratiquait pas les révisions périodiques de sûreté tous les dix ans. Tout laisse penser que les réacteurs General Electric de Fukushima n'avaient guère évolué depuis l'origine. En France, ces réacteurs auraient été « mis au goût du jour » autant que possible, au moins tous les dix ans.

L'indépendance de l'autorité de sûreté se conquiert au fil du temps. Entre la création de l'autorité française, en 1973, et la loi TSN, votée par l'immense majorité des partis en 2006, trente-trois ans se sont écoulés. Notre indépendance a crû, d'abord de facto, puisque nous n'avons guère reçu d'ordres lorsque nous dépendions de ministres, ensuite de jure, par la loi du 3 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

L'indépendance se construit pas à pas. Certains pays sont dans un état intermédiaire : il y a ceux où l'autorité de sûreté peine à sortir d'un statut équivalant au CEA, ceux où l'autorité est davantage évoluée. D'autres pays me paraissent matures, comme les États-Unis et le Canada.

C'est le résultat d'un long processus qui n'est pas simple. Dans de nombreux pays, le pouvoir politique considère qu'il n'est pas normal de déléguer un pouvoir régalien de ce type à une autorité indépendante. En 1999, le Conseil d'État avait émis un avis défavorable sur la création d'une autorité administrative indépendante dans un domaine aussi fondamental que la sûreté nucléaire. Le Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, avait jugé qu'il ne pouvait passer outre. La loi n'a donc été votée qu'en 2006.

Il s'agit par conséquent d'un sujet politiquement sensible. Nous observons une évolution en ce sens : la Corée du Sud vient de créer une autorité ayant vocation à être indépendante et le Japon va essayer d'améliorer la situation. C'est très difficile.

Sur le point de savoir si nous contrôlons les compétences de la sous-traitance, la réponse est « oui ». Nous sommes convaincus que la sûreté nucléaire dépend non pas uniquement, loin de là, de questions mécaniques - béton, construction - mais aussi, fondamentalement, de compétences humaines.

J'ai évoqué tout à l'heure les facteurs sociaux, organisationnels et humains. Ainsi, nous n'employons jamais l'expression « erreur humaine ». Bien souvent, lorsqu'une personne commet une erreur, c'est qu'elle est mal formée ou qu'elle est dans de mauvaises conditions de travail. C'est une notion fondamentale. Le fait de punir une personne lorsqu'une erreur a été commise n'est pas la chose à faire : il faut essayer de comprendre pourquoi cela s'est produit.

C'est l'un des sujets que nous aborderons au sein du groupe de travail sur les facteurs sociaux, organisationnels et humains que nous convoquerons prochainement dans le cadre des suites de Fukushima.

Enfin, vous avez évoqué un rapport annuel sur base déclarative. Je n'ai pas bien compris votre propos, madame. Chaque année, en effet, nous publions un rapport annuel.

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