Intervention de Jacques Percebois

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 4 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Jacques Percebois professeur et coauteur du rapport « énergies 2050 »

Jacques Percebois, professeur et coauteur du rapport « Énergies 2050 » :

Plusieurs systèmes sont envisageables.

Le système des prix garantis est séduisant et a prouvé ses vertus. En effet, dans les pays où les prix garantis sont très élevés, notamment en Allemagne et en Espagne, d'importants moyens de production d'énergies renouvelables ont été mis en place. Ce système a un inconvénient : comme l'État ne sait pas bien quel sera le coût de cette production, il fixe un prix garanti et attend de connaître les quantités produites. Il peut en résulter un effet pervers : la quantité produite peut être plus ou moins importante suivant les coûts. Il y a eu des effets d'aubaine...

Pour l'éolien onshore, les tarifs ne sont pas excessifs : ils se situent à 82 ou 83 euros par mégawattheure ; c'est correct. D'ailleurs, l'éolien approche du seuil de compétitivité du marché suivant les heures - avec une nuance que j'évoquais tout à l'heure, à savoir le problème du back up. D'ailleurs, s'il y a une recommandation à faire, c'est que la Cour des comptes fasse pour les renouvelables ce qu'elle a fait pour le nucléaire, qu'elle établisse un bilan de ce que cela a coûté, des avantages et des inconvénients de chaque système.

Avec l'éolien, on a un système qui n'a pas trop mal fonctionné, même si, en Allemagne, cela l'a un peu boosté, mais, après tout, c'est plutôt bon et c'est surtout légitime : en effet, toutes les énergies, à un moment de leur histoire, ont été aidées d'une façon ou d'une autre - la plus aidée étant le charbon, y compris en France -, par la fiscalité, par des aides publiques ou par la recherche publique, notamment dans le cas du nucléaire.

En ce qui concerne l'électricité photovoltaïque, il faut bien reconnaître que les prix garantis étaient très élevés. Quand le mégawattheure était racheté 600 euros, c'était excessif. Je connais une collectivité locale qui a fait une bonne affaire en installant des panneaux solaires sur sa mairie et en signant un contrat de fourniture d'une durée de vingt ans avec un prix du mégawattheure à 600 euros. Ils sont très contents ! Ce n'est pas cela qui peut plomber le système français, mais cela montre bien qu'il y a eu des effets d'aubaine importants.

L'État a compris que c'était trop et on a réduit les aides, ce qui est une bonne chose.

La solution alternative, c'est celle qui vient d'être adoptée pour l'éolien offshore et qui consiste à recourir aux appels d'offres. C'est un bon système ! « J'ai besoin de 3 000 mégawatts installés d'éolien offshore... Qui est candidat et à quel prix ? » On va voir quels prix vont être proposés. Nous pensions que ce serait entre 150 euros et 200 euros par mégawattheure, ce qui est tout à fait raisonnable, puisque la production offshore coûte plus cher.

Il faut aider les énergies renouvelables de manière transitoire, mais on ne peut pas adopter un système où elles sont aidées durablement. Il faut surtout analyser les conséquences de ces aides, afin de savoir qui en profite vraiment. Aujourd'hui, l'installation de panneaux photovoltaïques en Europe profite principalement aux entreprises chinoises. Je n'irai pas jusqu'à dire que nous soutenons l'emploi en Chine, ce serait caricaturer, mais les retombées en termes d'emplois ici ne sont pas à la hauteur des espérances.

Notre rapport rappelle qu'il est important que la France développe aussi, à côté d'une industrie nucléaire performante à l'échelle internationale, une industrie du solaire qui pourrait aussi être une industrie d'exportation : n'oublions pas que, dans le passé, notre pays a été en pointe dans ce domaine. Pour différentes raisons, ce n'est plus le cas. Des marchés importants existent dans des pays très ensoleillés, comme la Californie : pourquoi l'industrie française ne serait-elle pas compétitive dans ce domaine ? Il n'y a aucune raison valable de restreindre la recherche et l'industrie françaises au nucléaire.

Il faut cependant raison garder : les consommateurs n'ont pas toujours conscience du fait que ce sont eux qui paient ces aides aux énergies renouvelables, puisqu'elles sont répercutées dans la CSPE.

Il ne faut pas s'attendre à voir le prix de l'électricité baisser parce qu'il faudra investir dans les réseaux, aider les renouvelables, faire des efforts, y compris dans le nucléaire - et si l'on en sort, il faudra consentir des investissements encore plus importants ! Il faut donc expliquer au consommateur que nous conserverons un avantage relatif, dans la mesure où les prix français resteront très en deçà des prix européens, mais il faut qu'il soit conscient de la nécessité de réaliser des économies d'énergie, et donc des investissements dans l'efficacité énergétique, même s'ils sont relativement coûteux. La vérité des prix oblige à dire qu'il ne faut pas s'attendre à ce que les prix baissent, même s'ils augmenteront moins vite en France qu'ailleurs, grâce au nucléaire.

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