Intervention de Béatrice Tajan

Mission d'information sur les toxicomanies — Réunion du 13 avril 2011 : 1ère réunion
Audition de Mme Béatrice Tajan secrétaire générale adjointe et Mme Véronique Roblin conseillère nationale du syndicat national des infirmiers éducateurs de santé-unsa ainsi que Mme Béatrice Gaultier secrétaire générale et M. Christian Allemand ancien secrétaire général du syndicat national des infirmieres conseilleres de santé-fsu

Béatrice Tajan, secrétaire nationale adjointe du Syndicat national des infirmiers éducateurs de santé-UNSA :

Les infirmières scolaires peuvent être affectées sur trois types de postes : les postes en résidence, à 100 % sur un même établissement ; les postes mixtes, sur un collège et les écoles du bassin de recrutement du collège, ce qui permet de suivre les enfants de la grande section de maternelle jusqu'à la troisième, durant toute la scolarité obligatoire, et favorise donc la prévention ; enfin les postes liés, par exemple sur deux établissements du second degré.

Les infirmières scolaires sont recrutées par concours ou par détachement. Elles ont le même diplôme que les autres infirmières. Elles sont un des premiers acteurs de santé de la communauté scolaire et universitaire, le référent « santé » et le conseiller en santé de l'équipe éducative.

Pour notre syndicat, la toxicomanie est la rencontre de trois facteurs : une personne, un produit et une situation. Elle concerne un adolescent ou un jeune adulte, à l'âge des expérimentations, des transgressions et des transformations, mais à un âge vulnérable, source de mal-être et d'angoisses, donc propice à l'utilisation de produits qui pourraient masquer, dissiper, atténuer, voire soulager ces angoisses.

Il existe des produits licites et illicites. Mais pour nous, l'essentiel est de transmettre aux jeunes la volonté de dire « non » aux produits par le développement de l'estime de soi et du bien-être.

Nous avons ressorti quelques statistiques provenant d'études, que vous pourrez retrouver dans les documents que nous vous avons préparés.

Je l'ai dit, les infirmières de l'Éducation nationale sont un des premiers acteurs de santé de proximité. Par leurs missions et leur place au sein des établissements, elles interviennent aussi bien de façon individuelle que collective dans la prévention, l'information et la mise en place d'une prise en charge auprès des intervenants, internes ou externes. Elles doivent développer l'estime de soi, prévenir le mal-être des élèves et organiser des actions de prévention. Elles doivent aussi recevoir le personnel, dispenser une information régulière sur les produits et les nouveaux modes de consommation pour mieux répondre à cette problématique, et mieux repérer les prises de risque.

Pour notre syndicat, une politique de santé nationale doit être définie et déclinée au niveau académique, départemental et local, et s'adapter à la population scolaire de l'établissement.

L'infirmière de l'Éducation nationale effectue un suivi individuel qui impose une consultation infirmière pour un niveau de classe, pour les élèves nouveaux arrivants ou présentant des besoins spécifiques.

L'infirmière rencontre l'enfant ou sa famille, au moment de sa scolarisation obligatoire, c'est-à-dire à la grande section de maternelle, ce qui permet de nouer un premier lien de confiance. Pour la famille, le personnel de santé est repéré, et c'est l'occasion d'évoquer d'éventuelles difficultés sociales, scolaires, familiales et éducatives. L'infirmière en poste mixte suit l'enfant et sa fratrie tout au long de sa scolarité obligatoire, et plus particulièrement au moment du passage entre le CM2 et la classe de sixième, passage parfois angoissant et déstabilisant. Voilà pourquoi nous insistons pour que soient renforcés les postes mixtes qui favorisent l'établissement d'un climat de confiance entre le jeune, la famille et la fratrie.

L'infirmerie est un espace de parole où les jeunes peuvent se faire soigner, parler, voir « exploser », un lieu neutre exempt de tout jugement, où les maux peuvent s'exprimer en mots - les infirmières sont tenues au secret professionnel. C'est souvent à l'occasion de petits soins qu'elles repèrent des éléments qui relèvent d'un mal-être et, éventuellement, abordent la relation d'un élève avec un produit, qu'il soit licite ou illicite, ce qui leur permet d'évaluer s'il y a ou non un début de conduite addictive.

Pour cela, il faut que les locaux infirmiers offrent les conditions matérielles indispensables à un accueil respectueux, permettant écoute, soin et repos et assurant la confidentialité. Malheureusement, il est parfois difficile de disposer d'une pièce repérée, repérable, et garantissant cette confidentialité. Mais il faut aussi instituer des lieux et des temps de parole pour les élèves, les parents et les personnels, et il importe que ces temps de parole soient inscrits dans l'emploi du temps de l'enseignement.

Pour développer le bien-être du jeune dans son établissement, il nous semble évident qu'il faut respecter ses besoins physiologiques : sommeil, repos et jeux pendant le premier degré, mais aussi après ; éviter l'esprit de compétitivité dans la réussite scolaire ; favoriser enfin l'entraide et le tutorat. Tout cela contribue à l'estime de soi.

Mais le jeune a aussi besoin d'un accompagnement éducatif en dehors des heures d'enseignement pour s'investir et se réaliser dans d'autres domaines comme la culture, les sports ou les arts, plus particulièrement en groupe. Le développement de l'estime de soi doit être favorisé par des mises en situation de réussite, de création et de sollicitation des différentes intelligences.

Enfin, les évaluations doivent être positives, ce qui n'est malheureusement pas souvent le cas en France. Il faudrait s'inspirer des modèles de l'Europe du Nord, qui sont pertinents.

Dans beaucoup d'établissements, des réunions de concertation hebdomadaires sont organisées entre les différents membres des équipes éducatives, dont le chef d'établissement, les conseillers d'éducation, l'infirmière et l'assistante sociale pour apprécier l'absentéisme des élèves et y apporter une réponse adaptée. Ce genre d'initiative mériterait d'être encouragé. Malheureusement, ces réunions dépendent souvent du bon vouloir du chef d'établissement et des disponibilités des personnels de l'équipe éducative. Pourtant, la consommation de produits peut être dépistée en cas d'absences « perlées », par exemple en début de matinée ou après la cantine. C'est le moyen de repérer sinon un début de conduite addictive, tout au moins un mal-être chez certains élèves.

Des créneaux horaires de concertation pour toute l'équipe éducative devraient être institutionnalisés.

Enfin, dans les situations difficiles, des psychothérapeutes de l'institution - mais il n'y en pas beaucoup - ou de l'extérieur devraient pouvoir intervenir. Cela dit, nous avons beaucoup de mal à obtenir des ressources relais pour assurer des traitements psychothérapiques, par exemple en centre médico-psycho-pédagogique ; le délai est souvent de deux ou trois mois, voire plus. Or, quand le jeune - ou sa famille - a accepté une prise en charge, le fait de devoir attendre trois ou quatre mois peut tout remettre en cause.

Nous travaillons en réseau et en relais avec les professionnels de l'institution, le médecin, l'assistance sociale, le conseiller principal d'éducation, les conseillers d'orientation psychologues ou avec des professionnels extérieurs. Mais il faut reconnaître que l'on manque de service public.

Pour notre syndicat, il importe d'assurer une information et une formation sur les rôles et les missions de chacun afin que les partenaires se connaissent bien. Il faut aussi développer les coopérations verticales et horizontales au sein des établissements, concernant les partenaires internes et les partenaires extérieurs qui interviennent dans la prévention et la prise en charge des toxicomanies. Il est également souhaitable de favoriser les établissements de petite taille, plus conviviaux et moins anonymes.

Les actions de prévention et d'éducation à la santé et à la citoyenneté sont indispensables. Les infirmières de l'Éducation nationale sont tenues de participer aux comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, au sein desquels sont définis des projets qui seront développés avec les partenaires de l'équipe éducative ou des partenaires extérieurs.

Nous considérons que les actions de ces comités devraient porter davantage sur l'apprentissage à communiquer, le savoir-être, la bien-traitance, la formation des élèves délégués dont le rôle mériterait d'être mis en avant, le développement de l'estime de soi dans les champs didactiques et non didactiques, la valorisation des jeunes qui ont une attitude positive, le développement de formations de secourisme, la solidarité, l'entraide et les projets coopératifs.

L'éducation à la santé et à la citoyenneté, selon nous, devrait bénéficier d'heures intégrées dans le socle commun des connaissances et d'un budget. En effet, il est difficile de s'assurer de la disponibilité des élèves et des équipes pédagogiques et, une fois que le projet est mis en place, de dégager des créneaux horaires. Par ailleurs, l'utilisation des nombreux outils pédagogiques qui existent et le recours à des associations extérieures se heurtent souvent à des questions budgétaires.

Ces heures d'éducation seraient bénéfiques dès le premier degré. À six ou sept ans, les enfants intègrent facilement les bonnes attitudes et les messages de prévention. À partir de l'adolescence, il faut utiliser d'autres outils et travailler différemment.

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