Nous devons désormais nous pencher sur les solutions pragmatiques et renoncer aux dogmes passéistes. Le Sénat, qui s'intéresse au futur, doit, comme tout entrepreneur, imaginer l'avenir différemment en tenant compte d'un monde en mutation, sauf à renoncer à toute initiative.
Dans un environnement concurrentiel européen, nous avons de nouveaux éléments de réflexion, concrets, en termes de benchmarking et d'innovation. L'économie du football - certains, peut-être pour créer une distorsion d'image, parlent de foot business - change. L'Union européenne des associations de football (UEFA) a défini une règle de financial fair play qui conduira à exclure, pour la première fois en 2014, les clubs qui ne la respectent pas. En tant que président de l'association qui gère la mise en place de ces règles, je peux vous assurer que l'UEFA ira jusqu'au bout de ses intentions, comme Gianni Infantino, son directeur général, l'a confirmé. Le développement d'un football durable, ne passe pas par l'apport des mécènes ou des collectivités territoriales.
Regardons ce qui se fait ailleurs pour en tirer des idées d'avenir : en Allemagne les stades sont pleins à 100 %. Ils répondent à un nouveau mode de vie, avec des espaces dédiés au public, et d'excellentes normes de sécurité : les familles recherchent, en ces temps économiques troublés, la convivialité dans la sécurité. Après la construction des dix stades de la coupe du monde de 2006, le remplissage moyen est passé de 24 000 spectateurs à 48 000. Le modèle fonctionne aussi à Copenhague ou en Angleterre.
Il faut faire confiance à ce changement de business model. L'équilibre du financial fair play ne prend pas en compte les investissements privés dans la construction des stades, pour qu'ils puissent se substituer aux collectivités territoriales. De plus, la formation est un moyen d'éviter la flambée du prix des joueurs.
Le modèle économique retenu pour la Coupe du monde de 1998 a été largement inspiré par les collectivités territoriales, contrairement à l'Allemagne qui a, en 2006, développé des structures privées. Le Bayern de Munich ou Dortmund réalisent un excédent brut d'exploitation de 50 à 100 millions ; l'Emirates Stadium est toujours plein et son club, Arsenal, est le premier du championnat anglais. Il importe de trouver, comme les autres Européens, le modèle qui substituera à l'investissement public un investissement privé. Ce n'est pas parce qu'un projet reçoit des aides publiques qu'il faut le critiquer et dire que ce n'est pas un projet privé : le Centre national pour le développement du sport (CNDS) dote l'Euro 2016 d'un certain nombre de subventions. Pourquoi les refuser au stade de Lyon, l'un des plus abouti technologiquement ?
Le nouveau modèle économique substitue à l'aléa sportif des aléas économiques et sociologiques. Allons-nous y arriver en France ? Il n'est pas possible de demander le retrait des collectivités territoriales tout en critiquant les entreprises privées, qui prennent des risques, et en les harcelant de procédures judiciaires pour retarder leurs investissements par un harcèlement de procédures.
Notre projet correspond au financial fair play, qui s'impose internationalement pour résoudre les distorsions de concurrence ; il correspond au bassin économique. Contrairement à 1998, il ne faut pas rater l'opportunité de 2016, ou alors nous resterons avec des sous-équipements sportifs. Nous avons conçu un projet d'agglomération, comme cela se fait partout en Europe. C'est, de plus, un modèle unique : on se substitue à l'investissement public, lequel ne concerne que l'approche, c'est-à-dire la mise en oeuvre de transports publics qui profitent à tous - ils fonctionnent déjà alors que certains s'évertuent à empêcher la réalisation du stade. Concernant le bench marking européen, 18 des 20 premiers clubs européens sont propriétaires de leur stade : pourquoi en serait-il différemment en France ? L'Allemagne qui était 14e des nations européennes de foot figure désormais parmi les meilleures.
Nous enclenchons une spirale positive. Le positionnement formidable de ces projets ne doit rien aux droits télévisuels - dont le montant en France est de 620 millions et non 700 millions comme cela a été dit. Savez-vous, d'ailleurs, que nous sommes le pays qui collecte le moins de droits en raison du manque d'infrastructures techniques ?
Des stades conviviaux attirent le public, dégageant des recettes qui financent des centres de formation, d'où sortent de bons joueurs. Ceux-ci assurent un spectacle de qualité, qui se vend bien. La boucle est bouclée. En Angleterre, dotée de stades privés, la vente des spectacles sportifs rapporte 1,7 milliard de recettes télévisuelles, dont 1,2 milliard à l'étranger contre 30 millions pour nous, parce que nos équipes jouent dans des infrastructures dépassées voire dangereuses. L'Euro 2016 sera l'occasion de relever ce défi sportif, économique et social.
À Lyon, la construction du stade crée 2 500 emplois sur trente mois, ce qui est remarquable dans le contexte actuel. Le préfet relève une évolution favorable des courbes régionales d'emplois - nous avons signé des accords donnant la priorité aux demandeurs d'emplois locaux. Nous créerons 1 500 emplois permanents pour l'exploitation du stade et 2 000 emplois supplémentaires en cas d'événements.
Si l'on peut diminuer le niveau d'investissement des collectivités locales, soit dans le cadre d'un investissement privé soit dans celui d'un PPP, il n'y a pas d'hésitation à avoir. À Lyon, des investisseurs se sont lancés sur un projet créateur d'emplois et vertueux sur le plan économique. Grâce à la synergie public-privé, la deuxième agglomération de France disposera d'un équipement comparable à ceux des grandes villes européennes. Laissons à la France la chance de réussir sa mutation sur le plan des équipements sportifs.