Je tiens tout d'abord à vous remercier, au nom des acteurs des hôpitaux de proximité, de nous associer à vos travaux sur la situation de l'hôpital et l'organisation du système de santé.
Que sont les hôpitaux de proximité ? Ce sont des établissements de santé, publics à 90 % et privés - principalement non lucratifs - pour 10 % d'entre eux. Dans une région, hors Île-de-France, ces établissements portent en moyenne 7 % à 12 % de l'offre publique de lits de médecine, et jusqu'à plus de 45 % de l'offre publique de lits de soins de suite et réadaptation (SSR).
Pour dresser un portrait type d'un hôpital de proximité sur la base d'une moyenne, je dirai que c'est un établissement en zone périurbaine ou rurale de 250 lits et places, sanitaire pour un tiers et médico-social pour deux tiers, souvent multisite avec des professionnels de santé salariés, mais également médicaux et paramédicaux en exercice mixte - vous l'avez souligné.
Premier niveau de la gradation des soins hospitaliers, l'hôpital de proximité partage une responsabilité territoriale avec les professionnels de la médecine ambulatoire ; quand il est public, il est membre d'un groupement hospitalier de territoire (GHT). En somme, l'hôpital de proximité est à la jonction de la ville et de l'hôpital, au croisement du sanitaire et du médico-social.
La Fédération nationale des établissements de santé de proximité (FNESP) représente les hôpitaux labellisés ou non comme vous l'avez dit, autonomes, en direction commune ou en sites rattachés. Notre structuration reflète le fonctionnement de nos organisations - vous l'avez également rappelé. Un premier collège représente les directions d'hôpitaux, un deuxième collège - le Dr Ricono en fait partie - représente les médecins, qu'ils soient libéraux ou salariés, et un troisième collège représente les élus et les usagers.
Les hôpitaux de proximité, c'est aussi une longue histoire avec des hauts et des bas. Regroupant les hôpitaux ruraux dans les années 1960, les hôpitaux locaux dans les années 1970, notre catégorie a intégralement disparu avec la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, avant de réapparaître en 2016 sous sa dénomination actuelle et d'être confortée dans ses missions par « Ma santé 2022 », qui ambitionnait initialement de labelliser 500 à 600 hôpitaux de proximité.
Quelques mois avant la crise sanitaire, nous étions dans l'attente de la mise en oeuvre de cette réforme avec espoir, après avoir vu les lits se fermer et le statut disparaître dix ans auparavant, creusant encore les inégalités d'accès aux soins sur nos territoires.
Aujourd'hui, deux ans après, nous tirons un constat difficile et plus global. Depuis le début de la crise, nos professionnels répondent présents et nos établissements assument, voire dépassent leur rôle premier. Vous l'avez entendu lors de précédentes auditions, les représentants des établissements de santé et médico-sociaux témoignent de l'intensité de l'effort et de l'usure des acteurs aujourd'hui.
Mais cette crise en suit une autre, structurelle et profonde. C'est une loupe grossissante mettant en exergue des difficultés préexistantes que vous connaissez : une offre déjà amputée - j'ai évoqué les lits de médecine, disparus dans nos structures - ; des ratios d'encadrement fragiles, voire clairement insuffisants sur le secteur médico-social ; des viviers de professionnels réduits, notamment pour les personnels médicaux ; des moyens de fonctionnement contraints, ne laissant plus de marge pour investir, qu'il s'agisse de moderniser le bâti ou de renouveler les équipements ; un manque d'attractivité en termes de rémunération.
À ces difficultés, il convient d'ajouter la spécificité de nos établissements : ils font partie des services publics hospitaliers ; à ce titre, plus que la continuité, ils assurent la permanence de l'accès aux soins. Un hôpital, un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou toute institution sociale et médico-sociale ne limite pas son activité aux horaires de bureaux. Ce fonctionnement entraîne des sujétions spécifiques affectant les hommes et les femmes qui y travaillent dans des conditions qui se sont dégradées ces dernières années.
Pour assurer notre mission, il nous faut recruter des effectifs en nombre suffisant. Pour ce faire, nous devons être attractifs et redonner plus de souplesse à l'institution et à ses acteurs. Le Ségur est un début de réponse, mais il faut aller plus loin. Et les investissements ne produiront leurs effets qu'au bout d'un certain temps. Or ce temps nous manque...
Sans reprendre les propositions déjà portées par mes collègues de l'hôpital, je souhaite insister sur deux points qui nous paraissent particulièrement importants.
Qu'il s'agisse des professionnels de santé à la ville ou de l'hôpital, nous sommes tous interdépendants, nous avons tous le même objectif : offrir le meilleur accompagnement possible aux patients et aux usagers, car chaque maillon est important. Pour une réelle gradation des soins, il faut un maillage adéquat. Par exemple, les adressages directs à l'hôpital doivent être possibles sans passer par les urgences déjà surchargées. Ce constat a été tiré pour les épidémies saisonnières. Il était visible en période estivale ; il est criant pendant la crise sanitaire. Nous pensons qu'il faut réarmer sans délai les lits de médecine fermés ces dernières années et revoir le maillage des hôpitaux de proximité, territoire par territoire pour renforcer cette chaîne.
Le système de santé s'appuie sur le sanitaire, le médico-social et le social. Délaisser l'un des acteurs, c'est fragiliser les autres. Les filières médico-sociales sont nécessaires au sanitaire ; leur réactivité est un facteur indéniable de fluidité du parcours des patients. Le sanitaire est aussi touché par les moyens alloués aux établissements médico-sociaux, quand par exemple, faute de personnels infirmiers de nuit, une personne âgée est adressée aux urgences.
Nous connaissons les mécanismes : les rapports les mettent en évidence, et les études démographiques confirment l'urgence. Pourtant, malgré les annonces, nous attendons encore cette grande loi qui reposera l'engagement de notre société auprès de ses aînés.
Je conclurai mon propos sur une note optimiste. Le projet pour la revitalisation de l'offre de soins de proximité est un pas dans le bon sens, alors que nous croyions ce modèle perdu voilà plus de dix ans. Cela démontre bien que, si nous écoutons les usagers et les acteurs de terrain, nous pouvons remettre du sens dans notre action et corriger les écueils. Il n'est peut-être pas trop tard pour donner un nouveau souffle à notre système de santé !
Docteur Jean-François Ricono, vice-président de la Fédération nationale des établissements de santé de proximité. - S'agissant de la présence médicale dans les établissements et du premier recours, j'ai une dizaine d'années d'expérience au sein de l'Association nationale des médecins généralistes d'hôpital local (AGHL). Avec mes collègues des différents territoires, je constate que tous les endroits où se trouvaient des hôpitaux locaux, avec la participation de médecins généralistes, ont plutôt bien résisté à la désertification et aux difficultés liées à la démographie médicale. Presque partout, ces hôpitaux locaux ont constitué le support de maisons de santé pluriprofessionnelles, de maisons de garde. Et nombre de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont été créées autour de ces hôpitaux. Cette notion de territoire, avec la présence d'un hôpital local et des soins coordonnés autour, est le meilleur exemple pour résister aux difficultés, rester attractifs et fournir des soins de qualité à la population.
Concernant mon secteur, le CHMB est né d'un regroupement des hôpitaux locaux. Ont ensuite été créés autour des pôles de santé pluriprofessionnels, puis une CPTS, au sein du conseil d'administration de laquelle siégeaient le directeur de l'hôpital de proximité et des élus, afin de maintenir cette dynamique locale.
Comme partout, nous jonglons avec les difficultés du fait de tensions démographiques concernant le nombre de médecins et les effectifs d'infirmiers du centre hospitalier. Nos petites structures présentent néanmoins l'avantage d'être très agiles.
Dans les secteurs plutôt ruraux, la présence de lits de médecine est importante pour les soins ne réclamant pas une technique plus poussée et pour le maintien de soins palliatifs. Ces derniers sont souvent intégrés par les services d'hôpitaux locaux, car ils sont essentiels pour l'accompagnement du patient en fin de vie au plus près de sa famille.