Il existe en effet des « scènes ouvertes » de trafic. D'une discussion avec le préfet de Seine-Saint-Denis, M. Christian Lambert, il ressort que les problématiques que nous devons affronter sont les mêmes : ventes dans les halls d'immeubles des cités, systèmes de caches, présence de guetteurs. L'ensemble de la cité est alors touché. Ceux qui ne sont pas impliqués sont surveillés. Cette surveillance va jusqu'à des contrôles de personnes non connues à l'entrée des cités et à l'interdiction de monter dans les cages d'escaliers si les trafics sont en train de s'y dérouler. De l'ascensoriste au médecin, les professionnels qui se rendent dans les immeubles sont suivis et pistés très précisément, jusqu'à devoir subir des contrôles d'identité.
Depuis la mi-novembre - avant même ma nomination - la police a entrepris des descentes régulières dans les cités : nous les conduisons au rythme d'une par jour, en changeant de cité et en nous intéressant à l'ensemble des trafics. Nous recherchons aussi des armes dans les caves - et nous en trouvons beaucoup. En quatre mois, nous en avons saisi deux cents, et souvent des armes de guerre, comme des Kalachnikovs.
Sur les soixante cités à problème, une bonne trentaine présente ce profil.
Nous essayons aussi de mettre en place une riposte supplémentaire en frappant au portefeuille grâce à des opérations réunissant le groupe d'intervention régional et le fisc, de façon à toucher les avoirs criminels : bref, nous essayons d'utiliser toute la palette des outils à notre disposition pour démanteler un réseau.
Ce travail n'est pas sans difficulté. Les trafiquants s'organisent ! Ainsi, les voitures de luxe ne sont plus achetées par les trafiquants mais louées ou prêtées afin d'éviter que la police ne retrouve le trafiquant qui les utilise. Remonter les réseaux financiers est très compliqué. Les trafiquants ne connaissent que l'argent liquide. Ils sont tous bénéficiaires du revenu de solidarité active ou d'autres aides. Il est dont très difficile de saisir leurs avoirs personnels.
Ils sont aussi très mouvants et capables de se réfugier dans d'autres grandes villes ou à l'étranger lorsqu'ils se sentent cernés. C'est une nouveauté par rapport aux habitudes du milieu traditionnel marseillais. Ils sont donc très difficiles à neutraliser.
Nous allons tenter de mener une politique de terre brûlée. Mais pour cela, il faut des moyens. Les enquêtes sont longues. Le groupe d'intervention régional de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui n'est pas le plus dépourvu de personnel, ne peut traiter simultanément que trois belles affaires au maximum. Pour peut qu'il soit aussi requis à Avignon ou à Nice, il doit réduire ses moyens consacrés à Marseille.