Intervention de Sophia Habibi-Noori

Mission d'information Culture citoyenne — Réunion du 9 mars 2022 : 1ère réunion
Audition d'élus locaux et de représentants d'associations d'élus

Sophia Habibi-Noori, conseillère régionale de Normandie :

Je me suis d'abord engagée par curiosité dans le conseil régional des jeunes, qui est composé de 40 membres. Je n'avais pas d'engagement associatif particulier et je ne souhaitais pas m'engager, au-delà du bénévolat, dans des associations ou des partis politiques, par peur des luttes de pouvoir présentes au sein de ces structures.

Malheureusement, les jeunes sont très vite catégorisés, ce qui pose la question de leur légitimité.

Les jeunes s'engagent malgré le fait que la politique soit devenue un gros mot du fait des affaires de corruption et de détournement. Or les politiques donnent du temps pour les autres ; ils ne doivent pas être maltraités et insultés comme on le voit aujourd'hui. Ces comportements sont inadmissibles.

J'ai reçu plusieurs propositions pour figurer sur des listes aux élections régionales, mais je ne voulais pas m'encarter, parce que je crois que les conflits partisans sont d'un autre temps et qu'il faut raisonner en termes d'intérêt général. De ce point de vue, dans lequel se retrouvent beaucoup de jeunes, je considère que j'ai une pierre à apporter à l'édifice.

Je suis en deuxième année de droit à l'université de Caen, ce qui est loin de ma terre d'élection, Alençon dans l'Orne. Il est d'autant plus compliqué de se déplacer que je n'ai pas le permis de conduire. Or dans un territoire rural, se déplacer sans voiture prend beaucoup de temps.

Je me sens investie d'une responsabilité particulière en raison de mon âge car les jeunes visages sont rares en politique, même si être jeune est avant tout un état d'esprit ! Je crois que les jeunes veulent d'abord du concret. Il est important de restaurer la confiance, notamment en ce qui concerne l'appropriation de l'espace public. J'essaie de donner une autre image de la politique.

Le conseil régional de Normandie a mis en place un certain nombre d'initiatives, par exemple pour que les jeunes montent des projets et deviennent ambassadeurs de la région, ce qui permet de les intéresser à la politique. Il faut aussi développer l'esprit critique, notamment grâce à l'éducation aux médias et aux réseaux sociaux. En fait, les jeunes connaissent souvent assez mal leur propre territoire et ils quittent les zones rurales. C'est pourquoi nous avons mis en place une journée de découverte de lieux normands atypiques.

Les jeunes ne doivent pas se poser de barrières, ils doivent participer pleinement à la vie de la collectivité. C'est pour cela que je ne veux pas, en tant qu'élue, être « la jeune de service ». À mon arrivée au conseil régional, j'ai souhaité exercer à la délégation Jeunesse et citoyenneté, mais le président du conseil régional a attiré mon attention sur l'intérêt de ne pas m'enfermer dans les thématiques jeunesse.

La conciliation du mandat électif avec les études est assez complexe, a fortiori en période d'examen. C'est d'autant plus difficile du fait de la distance entre la ville où je fais mes études et mon territoire d'élection (une heure trente de trajet pour moi) et du nombre d'instances dans lesquelles on peut siéger en tant que conseiller régional (séances plénières, réunions de la majorité, commissions...). Exercer un mandat est chronophage, comme le sont les études... Et il peut exister une certaine frustration au moment de choisir entre telle ou telle réunion et les cours ou les révisions.

Il me semble d'ailleurs qu'il serait intéressant d'établir un statut d'étudiant élu. Aujourd'hui, l'adaptation du cursus est laissée au bon vouloir des établissements d'enseignement supérieur et il arrive qu'ils refusent des aménagements - j'ai un exemple concret en tête - alors que des aménagements sont possibles pour les étudiants salariés. J'ajoute qu'en ce qui me concerne je ne souhaitais pas que l'on sache au sein de l'université que j'étais élue ; cela fait courir le risque d'être étiquetée (j'ai été élue sur une liste divers droite), avec le cas échéant des conséquences sur les notes. Il est aberrant que l'engagement puisse ainsi pénaliser.

La plupart des jeunes ne s'intéressent pas à la politique, voire en sont dégoûtés par les affaires, mais ils s'engagent pour des causes qui sont de fait de la politique - être végétarien est un choix politique ! Les jeunes ne sont pas seulement l'avenir, comme on le dit souvent, ils sont aussi le présent. Je crois qu'il faut revoir l'enseignement civique d'un point de vue citoyen. Même des étudiants en droit méconnaissent les institutions ! Il faut donner du sens à la politique et aux institutions. Lorsque des élus en place disent que les jeunes représentent l'avenir, c'est tout simplement qu'ils ne veulent pas laisser la place... Or les jeunes sont légitimes en politique ! Pourquoi pas des quotas de jeunes sur les listes électorales ? On l'a fait pour les femmes...

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