Mon collègue Bertrand Mathieu a dit que, dans une démocratie, le politique doit avoir le dernier mot. Or selon moi, dans un État de droit, le dernier mot doit revenir au droit. L'important, dans une démocratie, est que ce droit soit élaboré au nom du peuple.
Dans notre système, le dernier mot revient au droit, mais le droit est la loi, l'application de la loi et ce qui permet l'élaboration de la loi. Lorsque le Conseil constitutionnel rend une décision qui va à l'encontre de ce que le législateur a décidé, les membres du Parlement sont en mesure de reprendre leur copie ou de réviser la Constitution.
Cela me permet de commencer à répondre à vos questions sur la place de la loi et du législateur. Au 19e siècle, nous avons connu un culte de la loi, qui a débouché sur une forme d'absolutisme parlementaire. Il est donc heureux qu'il y ait désormais un organe qui soit en mesure de contrôler le Parlement, sans être au même rang que le législateur. Le juge constitutionnel a la gomme, mais il n'a pas le crayon, comme Dominique Rousseau le rappelle régulièrement. De plus, il est un outil qui pourrait être utilisé davantage, à savoir l'alinéa 2 de l'article 10 de la Constitution qui prévoit la possibilité pour le Président de la République de demander une nouvelle délibération d'un texte.
Sur le dialogue entre le Conseil constitutionnel et le Parlement, il ne me choquerait pas que les auteurs d'une saisine puissent présenter des observations devant le Conseil constitutionnel dans le cadre d'une audience qui ne serait pas publique. Il faut distinguer le contrôle a posteriori et a priori. Le législateur prendra le relais s'il décide d'intervenir au terme de la décision du Conseil constitutionnel.
Quant à la souplesse constitutionnelle en matière de circonstances exceptionnelles, le droit d'asile est reconnu par la Constitution. Le Conseil constitutionnel a montré ces deux dernières années à quel point il pouvait faire preuve de souplesse, avec des décisions qui sont rendues dans des délais records. Nous voyons à quel point l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé a primé sur les autres droits et libertés constitutionnellement garantis.
L'équilibre entre les responsables politiques et les magistrats est une bonne chose et le Conseil constitutionnel sait prendre ses responsabilités. Concernant sa composition, j'ajouterais une suggestion visant à renforcer les compétences requises pour y siéger, dans un souci de lisibilité et de message envoyé.
Pour finir, je ne pense pas que l'identité constitutionnelle doive être définie par un texte normatif autre que les décisions juridictionnelles. Ce concept a été repris par le juge constitutionnel français et abordé par le juge européen et d'autres juges sous différentes appellations.
Il faut qu'il y ait de la souplesse, car le droit ne peut pas tout prévoir. Il n'y a pas d'usage abusif du concept d'identité constitutionnelle. Le juge constitutionnel français n'a pas fait référence à ce concept de façon récurrente pour freiner l'intégration européenne ou la volonté du législateur. Il en fait un usage parcimonieux pour rappeler que l'intégration européenne peut se faire, selon la volonté des États.